Le concept est simple, mais il faudrait le vulgariser à grande échelle pour convaincre les ménages. L'agroécologie est une expérience millénaire que tentent d'ancrer dans les mœurs de la société un groupe de citoyens, rassemblés dans le collectif Torba. Créé à la mi-2014, ces écologistes espèrent lancer les bases d'une économie solidaire. Du côté de Serhane, près du mont Chréa, dans la wilaya de Blida, vit un paysan : Ammi Rachid. Sa modeste maison blanche est perchée sur la montagne, à 1500 mètres d'altitude. Il exploite une ferme de trois hectares. Le collectif Torba entre en contact avec lui au cours de l'année 2014. A la clé, se mettre d'accord sur un contrat moral et de confiance. Les adhérents de Torba, voulant consommer des produits bio, payent au préalable le paysan. En retour, ce dernier leur assure de ne pas utiliser de pesticides pour ses cultures. Au bout de quelques semaines, au moment de la récolte, chacun prend sa part, selon l'argent donné. Via ce procédé, le paysan s'assure du maintien de son activité. Cet exemple est à encourager, notamment en cette décennie d'abandon de l'activité agricole. L'agriculteur subvient à ses besoins élémentaires. Mais Ammi Rachid espère une aide étatique pour forer un puits. L'eau manque parfois. En outre, la ferme s'ouvre à l'entourage des adhérents et aux citoyens de passage. Elle devient de facto une ferme pédagogique. Les enfants peuvent approcher de près les animaux, comme les vaches, les chèvres, les moutons, les oies, les poules. L'essentiel pour les parents est de créer un lien naturel qui permet d'inculquer le respect d'autrui et de la nature. Par ailleurs, les visiteurs — en contrat ou pas avec Ammi Rachid — peuvent y déjeuner. Les repas, également bio, sont préparés par la famille du paysan. Parmi les plats, du couscous ou une «batata fliou» piquante, une spécialité de la région de l'Atlas blidéen. Le lait caillé, provenant directement de la ferme a un goût très éloigné de l'industriel... Sur la table, la maison du fermier propose également des crêpes traditionnelles (beghrir) arrosées de miel qui provient aussi des ruches du paysan. Une initiative révolutionnaire Ce cercle de production permet aux «invités» de consommer des légumes authentiques sans pesticides. Torba en est à sa deuxième expérience. Le premier projet pilote se trouve à Ouled Fayet, dans l'Algérois, où le collectif avait noué un contact avec un agriculteur, toujours dans le respect du concept de l'agroécologie. Pour Abdelkrim Rahal, un des fondateurs de Torba, «notre premier souci est l'activité de l'agriculteur, pour qu'il vive dignement. Nous nous inscrivons dans une démarche d'économie solidaire et responsable. Responsable dans le sens qu'il devient impératif d'axer sur une culture respectueuse de l'environnement et de la santé de l'humain». Le collectif Torba ajoute qu'une activité touristique pourrait être développée à partir de l'agroécologie.