Ni les conditions internes des écoles, encore moins l'environnement externe, ne permettent l'organisation des excursions scolaires et des sorties pédagogiques. Ces dernières sont pourtant bénéfiques pour le développement intellectuel et psychologique de l'élève, comme en témoignent les pédagogues. Bien que les élèves des trois paliers expriment leur engouement pour des sorties en groupes et la découverte des lieux et des régions non explorés jusque-là, les excursions scolaires demeurent quasiment absentes dans leurs programmes. L'aspect facultatif de celles-ci, les grèves répétitives, et la course contre la montre pour terminer les programmes font que la programmation des sorties pédagogiques ou simplement des promenades encadrées par le personnel pédagogique restent le dernier des soucis de la plupart des chefs d'établissement scolaire. Tout en étant conscients de leur apport pour l'élève à la fois sur le plan intellectuel et psychologique, les directeurs que nous avons interrogés préfèrent gérer l'activité pédagogique proprement dite : l'avancement dans le programme et la réalisation de maximum de cours. Le proviseur du lycée El Idrissi à Alger explique cette vélocité par laquelle se réalise l'activité pédagogique par «le changement du rythme de travail». Il évoque le facteur temps, mais aussi les procédures qu'il juge compliquées pour l'organisation des sorties. L'entrave principale reste les subventions. Concernant les écoles primaires, les APC ont déjà montré leur défaillance à gérer ces établissements. Pour le moyen et l'enseignement secondaire, le proviseur précité estime que les subventions ne sont pas «suffisantes», du moins pour son établissement. Ce pédagogue énumère les difficultés qu'il peut rencontrer pour organiser une seule sortie par an. «Il faut une autorisation paternelle. Mais surtout le sacrifice du personnel (pédagogique et administratif). «Ce qui génère un surcroît de travail pour les responsables qui n'aiment pas être sortis de leurs activités administratives routinières !» souligne Fatima Belkacem-Benamer, docteur en didactique des langues étrangères. «Frilosité face à la musique, théâtre et excursion » Cette enseignante de l'université de Béjaïa évoque également des problèmes d'ordre idéologique : «La frilosité devant des activités (musique, dessin, excursion, théâtre) (…), qu'on attribue à la vie occidentale opposée à l'enfermement que vénèrent certains cercles dans le monde de l'éducation actuel», est responsable de la régression de l'école. Pourtant, l'impact positif de ces sorties n'est pas à prouver. Durant ces sorties, il n'y a plus de contraintes de la classe pour être rigide : l'enseignant est plus souple, «à l'aise», et donc plus bienveillant et avenant, ce qui qui ne peut pas réellement exister en classe de 35 à 40 élèves au risque de la transformer en «souk», explique Belkacem Benamer. Et de poursuivre : «Cela lui permet de mieux connaître ses élèves individuellement, de percer leurs appréhensions, leurs ''hobbies'' et leurs ''stratégies d'approche des choses''. Ce qui l'aidera à mieux gérer sa façon de faire en classe pour toucher le plus grand nombre.» Pour les élèves, l'excursion est un moment exceptionnel. «Je me souviens de deux excursions, l'une m'a permis de découvrir la ville de Batna, l'autre c'était vers Jijel. Mais cela remonte à très loin, j'étais au primaire», se rappelle Manal, une élève du lycée El Idrissi, ayant passé son enfance à Constantine. «Les parents d'élèves ont un rôle primordial à jouer» Mais aucune sortie depuis son arrivée à Alger où elle a fait le collège et où elle continue son enseignement secondaire. Pourtant, ce ne sont pas les espaces de divertissement qui manquent au niveau de la capitale : musées, parcs d'attractions, Jardin d'essai d'El Hamma... Les sorties se font, estime Messaoud Amraoui, porte-parole de l'Union nationale des travailleurs de l'éducation et de la formation (Unpef), selon le degré d'engagement de chaque directeur. Il n'y a aucune loi qui oblige le directeur à organiser des promenades. M. Amraoui considère primordial le rôle des parents dans l'animation et l'organisation des sorties. Ce syndicaliste invite les parents à rationaliser les dépenses de l'argent collecté pour assurer ce genre d'activités qui, d'après lui, revêtent un caractère socio-pédagogique important. Sur le plan social, ces sorties permettent à l'écolier de «connaître son pays, de renouveler ses performances après de grands efforts intellectuels telle que la période des examens». Le porte-parole de l'Unpef trouve dans ces sorties des aptitudes sans égales. «L'élève peut se faire une autre image de son enseignant que celle qu'il a de lui en classe. Il découvre surtout le côté humain et divertissant de son éducateur», affirme le syndicaliste. De l'avis de ce dernier, les sorties permettent aux élèves de se rapprocher davantage de leurs enseignants. Autre point,positif : «Cet apprentissage n'est pas coupé du monde, mais plutôt lié à l'action sociale et à la population active», affirme Mme Belkacem Benamer. Mais à l'heure où on remplace les enseignants par des CD, le débat sur les sorties pédagogiques n'est-il pas déphasé ?