La wilaya de Tizi Ouzou est riche d'un nouveau marché hebdomadaire. Il se tient tous les vendredis sur le lit de l'oued Sebaou, à Taboukirt, à une vingtaine de kilomètres à l'est de Tizi Ouzou. Le marché déborde de l'oued et envahit les abords de la RN12, créant un embouteillage sur 2 km, du matin jusqu'au milieu de l'après-midi. Des centaines d'automobilistes restent stoïques dans leurs véhicules, se demandant pourquoi des marchands de fruits et légumes ont installé leurs camions au bord de la route. Ils sont loin d'imaginer qu'un supermarché de fortune a ouvert ses portes en contrebas de la route, entre les forages de l'Algérienne des eaux et quelques terres cultivées. Sous les pieds des marchands et des centaines de personnes qui déambulent entre les étals, les maigres ressources hydriques et la faible couche de sable qui a échappé au pillage ces dernières années. Cet endroit est un concentré de l'anarchie régnant dans la région. Squat, insalubrité, insécurité, racket… Le lieu d'implantation est insolite. Il faut descendre dans l'oued pour faire ses courses. En finissant leur journée sur le Sebaou, les marchands oublient d'emmener leurs déchets et personne ne viendra les ramasser. C'est dans cette décharge à même le sable que des jeunes gens se tiennent debout sous le soleil, les bras ballants et l'œil en éveil. Pas de doute, ce sont des gardiens de parking. Il faut payer 50 DA pour garer sa voiture entre des amas de détritus, sur le tout-venant laissé par les pelleteuses. C'est trop cher ? « A côté, c'est 70 DA », rétorque le jeune homme qui ne s'encombre pas de tickets. Les marchands, quant à eux, ne paient pas pour l'instant. Mais cela va arriver, puisque l'APC de Tizi Rached n'entend pas laisser passer une telle opportunité commerciale. Il y a de l'argent à engranger et il n'y a pas de raison de s'en priver, comme dirait le gardien de parking de l'oued. Interrogé sur cet étonnant marché, qui est venu se superposer à la nappe phréatique, le P/APC nous dira que sa commune envisage de « régulariser et de normaliser » ce lieu, par le biais d'une adjudication. Autrement dit, il ne s'agit pas d'évacuer le marché et de libérer l'oued, mais de céder les droits de gestion à un ou plusieurs particuliers contre une somme d'argent conséquente. Ces futurs gérants deviendront à leur tour d'énormes tiroirs-caisses pour faire payer tout ce monde (marchands et visiteurs) qui vient dans l'oued. Le P/APC précise que les futurs attributaires de ce marché auront la charge d'assurer l'hygiène, la sécurité et l'organisation de la circulation aux abords de la route nationale. Ce qui est bien entendu impossible. Ils auront l'unique corvée de compter les rentrées d'argent tous les vendredis en fin de journée. Sollicité, le directeur de l'hydraulique, dont relève le domaine fluvial de la wilaya, était indisponible. Mais le dossier finira par atterrir sur les bureaux de l'administration de wilaya, car il y a des limites même dans l'anarchie.