En 2014, 40 femmes ont été assassinées, 23 ont échappé à la mort et 6886 autres ont été agressées physiquement. Les auteurs sont les maris dans 7737 cas, des membres de la famille dans 3209 cas et des étrangers dans 15 707 cas. Des chiffrent qui appellent à la mobilisation pour que la loi sur la protection des femmes soit une priorité… La violence à l'égard des femmes ne cesse de prendre de l'ampleur. Elle n'intéresse pas les islamo-conservateurs et leurs relais au Parlement, qui mènent, depuis des semaines, des campagnes médiatiques pour le retrait de la loi sur les violences conjugales. Pourtant, en 2014, les tribunaux ont enregistré 40 affaires de femmes assassinées, 23 autres de tentative d'assassinat et 6886 de coups et blessures volontaires. Les auteurs sont les maris dans 7737 cas, des membres de la famille dans 3209 cas, et des personnes étrangères dans 15 707 cas. En effet, selon un bilan établi par le ministère de la Justice, durant l'année 2014, il y a eu 40 affaires d'homicide enrôlées dans les tribunaux, dont 37 avaient été jugées. Les chiffres officiels font état également de 23 autres affaires de tentative d'assassinat contre des femmes, dont 21 seulement ont été jugées. Les coups et blessures volontaires viennent en première position par rapport aux violences commises contre les femmes avec 6886 affaires, dont 634 seulement ont été jugées. Les «coups légers» représentent 5865 affaires, les menaces 5208, l'abandon de famille 4192, le harcèlement sexuel 83 affaires, le viol 188, l'attentat à la pudeur 1180 affaires, l'insulte 8912 affaires et la diffamation 903 affaires. Selon toujours le même bilan, les auteurs de ces violences sont en majorité, dans 7737 cas, les maris, 3209 cas, un membre de la famille, 667 cas, un collègue de travail. Les auteurs de ces violences sont aussi des hommes avec lesquels les victimes n'ont aucun lien de parenté ou de travail. En 2014, 15 707 Algériens ont été condamnés pour avoir commis des violences à l'égard des femmes dans un espace public. Ces chiffres sont loin de représenter la réalité, parce que rares sont les victimes qui osent aller déposer une plainte auprès des tribunaux. De nombreuses affaires sont également enregistrées au niveau des commissariats. Les statistiques de 2014 montrent une évolution inquiétante des violences à l'égard des femmes. En effet, durant les 9 premiers mois seulement, la Sûreté nationale a enregistré 7091 femmes violentées, dont 4113 ont été victimes de violences conjugales, 1960 agressées dans la rue et 156 autres sur leur lieu de travail. Les violences physiques occupent la première position avec 1508 victimes, suivies des agressions sexuelles avec 205 cas et le harcèlement sexuel avec 71 cas. Durant la même période, 27 femmes ont été assassinées. Résignation et douleur Les profils de ces victimes montrent que les femmes divorcées sont sujettes aux violences, avec 751 victimes, ainsi que les veuves, avec 440 cas, et les femmes mariées avec 3847 cas. Encore une fois, et tous les spécialistes le soulignent, ces statistiques cachent un chiffre noir qui du reste est impossible à avoir en raison de cet environnement qui fait que les femmes ont souvent peur d'aller se plaindre de leurs agresseurs, surtout lorsqu'il s'agit du mari ou d'un membre de la famille. Les pesanteurs socioculturelles, le poids d'une religion mal interprétée font que les victimes se résignent souvent dans la douleur et le silence. Ce qui a suscité de vives réactions de la part des militants des droits de l'homme et les ONG internationales, qui n'ont de cesse d'épingler l'Algérie sur cette question. L'amendement du code pénal, pour introduire des dispositions allant dans le sens d'une meilleure protection des femmes, n'est en réalité que le fruit d'un long combat du mouvement féminin et des juristes. Cependant, jamais un texte de loi n'a suscité autant de réactions à l'APN, avant qu'il ne soit adopté au début du mois de mars en cours. Plus de 140 questions orales, qui frisent l'insulte, ont été posées au ministre de la Justice, qui visiblement a été très surpris de voir des députés, y compris de sa formation politique, constituer un front très hostile à cette loi. Composé de députés islamo-conservateurs de l'Alliance de l'Algérie verte, de TAJ, du FLN et même d'«indépendants», ce front s'est attaqué avec virulence au projet de loi, le présentant comme un texte qui porte «atteinte à la famille». Les arguments avancés pour descendre en flammes cette loi relèvent carrément de la misogynie. Pour les islamo-conservateurs, «si les femmes sont agressées dans la rue, c'est de leur faute. Et si l'une d'elles est battue par son mari et qu'elle dépose plainte contre lui, elle fera exploser la famille». Plus grave, un député islamiste va jusqu'à déclarer : «On ne peut criminaliser un homme qui a été excité par une femme.» Une députée de la même mouvance évoque le risque d'une suprématie de la femme sur l'homme, et une autre relève que les femmes par «leurs habits non conformes à la charia sont responsables de la violence des hommes». Protéger les populations vulnérables Des déclarations qui nous renvoient à cette sinistre époque où les députés discutaient de la longueur du bâton avec lequel le mari devrait battre son épouse, et de toute façon, comme l'avait bien souligné l'un d'eux, «même si lui ne sait pas pourquoi, elle, elle le sait». Pris à partie, le ministre de la Justice, Tayeb Louh, défend sa loi en disant : «Le fait de ne pas prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à la violence faite à la femme est contraire aux préceptes de la charia qui la protège et préserve sa dignité. Personnellement, j'ai une femme et des filles et je dois préserver leur dignité. Personne ne peut accepter que la dignité de la femme soit bafouée.» Oui personne, sauf certains députés, qui restent enfermés dans cette logique de suprématie de l'homme sur la femme. Pourtant, ce texte est venu mettre un terme à une situation de non-droit qui a trop duré. Pour les militants des droits de l'homme, l'Etat est dans l'obligation de protéger les populations vulnérables, notamment les femmes et les enfants. Raison pour laquelle les autorités, durant longtemps épinglées par les ONG des droits de l'homme et le mouvement féminin, ont fini par amender le code pénal afin de prendre en charge ce fléau qui porte atteinte à la dignité humaine. La riposte des islamo-conservateurs était prévisible, dans la mesure où il est question de permettre à la loi de s'exercer même dans la cellule familiale, lieu qu'ils considèrent (islamo-conservateurs) comme étant leur territoire. Leur violente riposte contre un texte qui, en finalité, protège, nos filles, nos mères, et nos sœurs, n'a d'autre explication que cette volonté avérée de maintenir les femmes, surtout les épouses, sous leur domination. Raison pour laquelle, depuis l'adoption du projet de loi (au forceps), ils mènent une campagne médiatique (sur les chaînes de télévision privées) insidieuse et manipulatrice, mais aussi un lobbying de bas niveau pour un retrait pur et simple de la loi, avant qu'elle ne soit débattue au Sénat. Des sources bien informées, se déclarent révoltées de voir des députés contacter des ministres, de hauts responsables de l'Etat, y compris le frère du Président, pour les pousser à peser de leur poids et procéder au retrait de la loi. Certains sénateurs ont été approchés pour servir de relais, et déjà des rumeurs sur la déprogrammation de ce texte circulent dans les couloirs du Sénat, d'autant qu'aucune explication n'a été donnée, au renvoi sine die de l'examen de cette loi, prévue le 22 mars. Force est de constater que les questions liées aux droits et à la dignité des femmes sont celles qui suscitent le plus de débat et de réticence, parce qu'elles renseignent sur la véritable nature du projet de société. Dénoncer la corruption qui gangrène la sphère publique, réclamer plus de contrôle sur la gestion des deniers publics, défendre les libertés collectives et individuelles, réclamer une justice indépendante ne font pas partie des priorités des islamistes et conservateurs, dont le seul souci est de faire en sorte que la femme n'échappe pas au contrôle et à la domination de l'homme.