Jamais l'Algérie n'a eu autant de possibilités pour conduire son développement », a déclaré le ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, au cours de la conférence de presse qu'il a organisée hier au siège de son département pour présenter les grandes lignes de l'avant-projet de loi des finances pour 2005, adopté la veille en Conseil des ministres. Cependant, la situation actuelle du pays, en bonne santé financière, est telle que l'Algérie se doit de réussir le pari des réformes structurelles qui l'attendent depuis des années. Le défi reste entier, et le ministre a vite fait de nuancer son propos en admettant que « le statu quo est intenable ». La Banque mondiale, à la faveur de la visite la semaine dernière en Algérie de son vice-président chargé de la région MENA, M. Poortman, a, elle aussi, cru utile et nécessaire de souligner la mise en mouvement des réformes aujourd'hui. Le risque de voir le pays rater l'opportunité que lui offre la situation interne et externe pour la conduite des réformes est ainsi mis en relief. C'est ainsi que l'esprit des réformes s'est déteint largement sur le discours du premier argentier du pays, qui a tant dit sur le programme pluriannuel du gouvernement. A ce propos, il est intéressant de remarquer que M. Benachenhou a fait de la rationalisation de la dépense budgétaire son cheval de bataille : « La sagesse budgétaire », comme il l'a nommé. Bien plus, se conformant aux préceptes de l'économie de marché, l'orateur a longuement insisté, indirectement certes, sur ce que doit être désormais le rôle de l'Etat, son champ ainsi que le degré de son intervention. Autant préciser tout de suite que l'« innovation » de l'action gouvernementale en matière de restrictions projetées des dépenses publiques emprunte toute sa philosophie à la nouvelle conception du rôle et des missions de l'Etat libéral. « L'année 2005 sera un tournant dans notre politique budgétaire », soulignera-t-il. L'ÉPINEUX DOSSIER DE LA FONCTION PUBLIQUE Ces mêmes missions dont l'Etat a à peine commencé à se doter, alors que des mesures portant sur son désengagement progressif du champ d'intervention qui était le sien jusqu'ici, seront annoncées à partir de l'an 2005. « Les Algériens sont des citoyens gâtés », a dit le ministre en abordant l'action sociale de l'Etat. Et de poursuivre : « Nous allons accélérer les recettes budgétaires et freiner le taux de croissance budgétaire. » Si en effet, pour l'an 2005, la dépense budgétaire est de 1950 milliards de dinars, soit 37,5% du PIB, à l'horizon 2009, a dit le ministre, « l'Etat ne dépensera pas plus de 30,5% de la richesse nationale ». M. Benachenhou informera que l'Etat « donne au moins 2,5 milliards de dollars à travers les différentes subventions des produits énergétiques, de l'eau, des transports » en plus des 8,34% du PIB consacrés au total des dépenses sociales. Autre point, le ministre laisse entendre sa volonté de stabiliser le niveau de la masse salariale publique, qui équivaut à 50,25% du budget de fonctionnement. A ce sujet, il indiquera qu'il y a « une divergence de vues au sein du gouvernement ». Un sujet qui renvoie directement, faut-il le dire, à l'épineux dossier sur la Fonction publique, actuellement en négociation entre le gouvernement et l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA). Il s'agit en effet de savoir si le gouvernement est prêt à accepter la permanisation des contractuels, très nombreux du reste. « Y aura une discussion sérieuse avec nos partenaires sociaux », a-t-il prévenu. Pour lui, l'argument inattaquable tient au fait que « la masse salariale est supérieure au produit de l'impôt ordinaire ». Et d'enchaîner : « La dépense publique doit servir à équiper le pays et non à financer le fonctionnaire. » Toutefois, est-il utile de préciser ici, le programme du gouvernement 2005-2009 n'existe encore qu'en termes de projets. L'idée est qu'il reste encore au gouvernement de mener à bon port tout le travail fastidieux de la collecte des impôts. Ce même impôt ordinaire sur lequel repose, faut-il en convenir, toute la nouvelle action de l'Etat, notamment dans le domaine social. L'Etat peut-il se désengager de ses missions habituelles sans s'être acquitté de tout le travail de transformation de notre appareil économique et de son environnement ? Le risque politique paraît de taille si, en effet, dans le même temps, la révision des missions de l'Etat n'est pas accompagnée efficacement de toute la structure inhérente à l'économie de marché. Il en est ainsi de l'environnement des affaires, de la réforme et de la modernisation des banques, de l'administration des impôts, du marché du travail, enfin, tous les éléments constitutifs d'une économie de marché. A ce sujet, il importe de souligner que le gouvernement sera jugé sur ses réalisations et non sur ses intentions.