En avril 2014, à l'occasion de la commémoration du 20e anniversaire du génocide, le président rwandais, M. Kagame, avait accusé la France d'avoir «joué un rôle direct» dans la préparation du génocide et d'avoir pris part «à son exécution». Le président François Hollande a ordonné, mardi, la déclassification des archives de la présidence française (notes des conseillers diplomatiques et militaires de l'Elysée, des comptes rendus de conseils restreints de Défense ou de réunions ministérielles) sur le Rwanda, de 1990 à 1995. Ces documents, explique-t-on, vont être mis à la disposition «des chercheurs, des associations de victimes et de la société civile». Les observateurs s'attendent à ce que ces archives livrent un nouvel éclairage sur la politique controversée de Paris durant, particulièrement, la période couvrant l'offensive du Front patriotique rwandais (FPR), repoussée grâce au soutien de la France, jusqu'à la première année post-génocide. La conquête du Rwanda par cette rébellion dirigée par Paul Kagame avait permis de mettre un terme au génocide. Entre avril et juillet 1994 — lorsque le FPR s'empare de Kigali —, quelque 800 000 personnes, essentiellement issues de la minorité tutsie, ont été tuées en une centaine de jours, selon l'ONU. Paris a promis, par ailleurs, que les archives de l'Assemblée nationale et des ministères des Affaires étrangères et de la Défense seront à leur tour déclassifiées, mais à des dates inconnues, chacun allant «à son rythme». Au Rwanda, la réaction au geste de François Hollande a été prudente. Tout le monde semble être dans l'attente de connaître la portée exacte de l'initiative pour pouvoir se prononcer. Aussi, Kigali s'est, hier, contenté en effet de saluer la décision de Paris, accusé par le Rwanda de complicité dans le génocide de 1994. Le seul responsable à s'être exprimé sur la question est le ministre rwandais de la Justice, Johnston Busingye, qui a dit espérer «seulement que la déclassification sera totale». Pour le moment, ni la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, ni le président, Paul Kagame, n'ont réagi.Il faut rappeler que le rôle controversé de la France, avant, pendant et après le génocide, empoisonne depuis des années les relations entre les deux pays, culminant avec la rupture totale des liens entre 2006 et 2009. En avril 2014, à l'occasion des commémorations du 20e anniversaire du génocide, le président rwandais, M. Kagame, avait d'ailleurs accusé la France d'avoir «joué un rôle direct» dans la préparation du génocide et d'avoir pris part «à son exécution». Côté société civile, l'association des rescapés du génocide, Ibuka, a salué l'annonce française, appelant Paris à déclassifier rapidement. «On aura accès à certains dossiers», s'est félicité Jean-Pierre Dusinguzemungu, son président. L'ex-secrétaire général de la commission nationale de lutte contre le génocide, Jean de Dieu Mucyo, aujourd'hui président de la commission Mucyo, qui a publié en 2008 un rapport controversé sur le rôle de la France, a toutefois tempéré : «C'est un pas en avant, mais il faudrait connaître le contenu des documents. Il faudrait qu'il y ait tout et pas seulement une partie.» Le rapport Mucyo accusait la France d'avoir «participé» activement à la préparation du génocide et ses soldats d'avoir pris part à des massacres et des viols. Des ONG françaises, comme Survie qui travaille à mettre en lumière les liens troubles entre la France et l'Afrique, ont suggéré que les archives de la présidence française ne sont sans doute pas les plus sensibles. A signaler que l'annonce de cette déclassification intervient à une date symbolique. Elle coïncide avec le jour de la commémoration du 21e anniversaire du génocide. Cette année, le thème de la commémoration est la lutte contre le «négationnisme».