C'est maintenant quasi certain : la réconciliation nationale ira largement au-delà de sa date butoir formellement fixée par le pouvoir dans sa tentative de ramener à la raison les irréductibles parmi les groupes armés. Le chef du gouvernement Abdelaziz Belkhadem vient de donner le la devant les caméras de la télévision sur le « day after » du délai de rigueur de la loi sur la réconciliation nationale. A ceux qui croyaient encore que le pouvoir était capable de tenir, pour une fois, ses promesses de passer à l'action, M. Belkhadem sert deux solutions-succédanés à la loi ayant échoué : « Soit il (le président NDLR) le fera à travers une loi ou alors la réconciliation nationale sera prorogée de fait, comme cela avait été le cas pour la loi sur la concorde civile. » Le faux suspense entretenu six mois durant autour d'une prétendue fermeté retrouvée du pouvoir dans son appréhension de l'équation sécuritaire vient d'être démasqué. Le fait est que, même la date exacte de l'expiration du délai n'est pas assumée publiquement du fait qu'elle n'est pas vraiment importante aux yeux d'un pouvoir qui a l'habitude de ne pas tenir compte y compris de ses propres engagements. Loin d'être naïfs, les Algériens savaient que l'air de la réconciliation nationale sonnait le déjà-entendu, eux qui connaissent la musique de la concorde. M. Belkhadem n'a d'ailleurs pas hésité à en faire le parallèle en suggérant que le délai de la réconciliation devrait être prorogé tout comme celui de la concorde civile ! Pourquoi donc changer une politique qui gagne…du temps, semble dire nos dirigeants à un peuple qui n'arrive plus à suivre leurs « errements » politiques. La gestion du pays par l'approximation et l'hésitation conduit fatalement à collecter les mêmes échecs, induisant ainsi une disqualification de la politique et jetant le discrédit sur les institutions de la République. L'essai et l'erreur... De quelle crédibilité pourrait donc se prévaloir un pouvoir qui n'en finit pas de décevoir et, plus grave encore, de mentir à son peuple ? Il est cependant évident qu'il se soucie moins de ce que pense l'Algérien que de ses projections politiques à venir. C'est que, de la concorde civile à la réconciliation nationale, les sept années de pouvoir du président Bouteflika sont une succession de tergiversations, d'indécision et même de déjugement. A commencer par le règlement de la crise de Kabylie jusqu'à ce controversé délai de la réconciliation en passant par l'adoption puis l'amendement de la loi sur la dénationalisation des hydrocarbures et l'opportunité de l'augmentation des salaires des travailleurs. Bouteflika fait sienne la devise selon laquelle la politique est l'art du possible. Il en résulte que le président rechigne à trancher dans le vif, préférant la valse-hésitation pour ne pas se mettre à dos des forces qui gravitent autour de son pouvoir. Faut-il donc s'étonner du fait que la réconciliation nationale soit finalement extensible à souhait ? Et plus si affinités… Le constat vaut également pour son retrait des affaires de l'Etat depuis près de deux mois, sans que l'opinion saisisse les tenants et les aboutissants d'une telle absence. Son valeureux chef du gouvernement rassure tout de même que Bouteflika est « en Algérie et gère le pays » ! Aux Algériens de deviner comment… Le propos rappelle la même réplique de Belkhadem quand le président était hospitalisé au Val-de-Grâce, estimant que Bouteflika gérait le pays depuis son lit d'hôpital… Le chef du gouvernement qui voulait sans doute couper court aux rumeurs et interrogations relayées par la presse autour de l'absence du président a fini par entretenir le secret : « Il reprendra très prochainement ses activités officielles… » Quand ? Secret d'Etat…