Se dirige-t-on vers une grande offensive du pouvoir pour une action combinée de paix et de force de la loi? La date butoir de l'expiration de la période de grâce de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale prévue pour la fin du mois courant est aux portes des politiques. Qu'en sera-t-il fait de la lecture des résultats réalisés durant six mois de volontariat politique en faveur de l'extinction de la voix des armes des groupes encore actifs dans le pays? Y aura-t-il prolongation des délais pour la concrétisation des objectifs assignés à ce pacte national pour la paix? Ou alors assisterons-nous à l'application, à la lettre et sans état d'âme, aux prescriptions de cette Charte qui stipule qu'il sera fait appel à une grande offensive militaire pour mettre fin et de façon définitive au phénomène de violence terroriste dans le pays. Une mission qui échoit aux différents services de sécurité dont les forces de l'ANP qui sont déjà en position dans les différents fiefs du Gspc. Cette offensive militaire annoncée et brandie telle l'épée de Damoclès est-elle la solution idoine pour le règlement du phénomène terroriste en Algérie? Cette voie n'a t-elle pas été déjà prospectée par les anciens tenants du pouvoir et plus particulièrement par la frange éradicatrice du pouvoir, civil et militaire? Ou encore, faut-il accorder plus de temps et donner plus de chances à l'offre de paix qui ne peut être prescrite dans une durée de temps limitée et un calendrier préétabli suivant des échéances électorales aussi capitales soient-elles? Ce sont, en tout cas, autant de questions si ce n'est plus, qui taraudent en ces temps précis, l'ensemble de la classe politique et une large couche de la société civile. Cette situation s'est traduite par une controverse de déclarations politiques qu'on ne soupçonnait pourtant pas. Sinon comment expliquer cette sortie du président de l'Alliance présidentielle, en la personne de Boudjerra Soltani, qui a signé un communiqué qui rappelle les limites temporelles fixées par les textes d'application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale et milite pour la non-reconduction des délais. Une position consensuelle qui exprime, en théorie, la ligne de conduite du triumvirat FLN-RND-HMS en charge de l'application du programme du président de la République mais qui est aux antipodes de l'avis de l'acteur central de cette même Alliance, le premier responsable du FLN et néanmoins chef de l'Exécutif et président de la commission nationale chargée de superviser l'application des ordonnances de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. En effet, Abdelaziz Belkhadem a laissé entendre, à l'occasion de l'ouverture de l'Université d'été, que «la réconciliation ne doit pas être limitée dans le temps». Au vu du poids et de la portée politique de cette voix et de la place qu'occupe l'homme dans le sérail présidentiel on est porté à croire que la question des suites à donner au projet de la réconciliation nationale est déjà tranchée. Homme de confiance du président, le discours du chef du gouvernement traduit peut-être la pensée du chef de l'Etat qu'on ne peut imaginer attendre le dernier jour du mois d'août pour décider de l'avenir du projet qu'il tient à concrétiser, à savoir la réconciliation, et l'arrêt de l'effusion de sang entre Algériens. Le secrétaire général du FLN donne même un fondement philosophique à cette sortie médiatique, soigneusement préparée, en déclarant que la réconciliation n'est pas une valeur qu'on peut situer dans le temps. Une déclaration de foi qui donne un sens à l'option stratégique de l'offre de paix adoptée par le président Bouteflika. D'autant que cette démarche trouve des adeptes au sein d'autres milieux partisans dont les thèses politiques sont loin d'avoir des attaches avec les milieux islamistes, à l'instar du PT qui a fait savoir, à travers sa secrétaire générale, Louisa Hanoune, qu'il est pour la prolongation des délais impartis par les textes de la Charte. C'est cette tendance qui semble prendre le dessus dans les milieux politiques et au sein de la société civile qui s'attendait à de meilleurs résultats chiffrés pour ce qui concerne le nombre de repentance enregistré pendant les six mois de validité de l'offre de paix en direction des groupes armés. Les quelque 300 redditions enregistrées dans les rangs du Gspc annoncées par le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, est un chiffre certes en deça des espérances, mais ce sont autant d'armes réduites au silence dans les maquis et dans les villes du pays. Tout indique donc que l'offre de paix serait maintenue puisque le dernier mot revient au président de la République, seul habilité à trancher sur la question en vertu des prérogatives qui lui sont conférées par les clauses de cette Charte. Sur le plan sécuritaire, l'on ne semble pas attendre d'autres directives bien précises quant à la politique à adopter face aux groupes armés encore en activité. De grandes opérations militaires sont lancées ces derniers jours, précisément dans les régions réputées être des fiefs du Gspc. En Kabylie, un vaste ratissage est déjà entamé. Le massif forestier de Boumahni est passé au peigne fin alors que les monts de l'Edough sont la cible d'un grand déploiement des forces de l'ANP. Des mouvements de troupes qui montrent bien que la lutte antiterroriste est toujours d'actualité même si l'on parle peu de la grande offensive promise par le pouvoir. Toutefois, rien n'indique que cette option militaire est mise au placard. Ce qui donnerait lieu à une lecture inédite de cette nouvelle stratégie qui consiste à maintenir la pression sur les durs parmi les Katibate du Gspc tout en laissant la porte ouverte aux éventuels candidats bénéficiaires des clauses de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Cette attitude placerait le pouvoir en position de force pour tenter de régler, de façon définitive, le phénomène de violence armée qui a pris racine dans les moeurs politiques en Algérie au cours des dernières années. Et il semble bien que le président de la République travaille pour donner une certaine image au pouvoir, à savoir celle d'un Etat géré par une classe politique patiente et prête à se donner le temps nécessaire pour rétablir la paix et arrêter l'effusion du sang. Convaincu peut-être que la paix ne se décrète pas et qu'un projet visant à déraciner les germes de cette violence qui s'est greffée dans la société exige du temps. Alors se dirige-t-on vers une grande offensive combinée du pouvoir pour une action de paix et de force de la loi?