«Un véritable séisme, le monde s'écroule sur ma tête ; qu'ai-je fait pour mériter cela ?» sont les mots chargés d'émotion et de colère qui reviennent le plus souvent. A l'occasion de la Semaine de lutte contre le cancer, qui s'est déroulée du 4 au 11 avril à l'Université de Blida, l'association El Badr d'aide aux malades atteints de cancer a organisé, mercredi dernier, en collaboration avec la faculté des sciences humaines et sociales de l'université Ali Lounici d'El Affroun, une journée d'étude sur l'accompagnement psychologique des malades cancéreux. Rassemblant d'éminents spécialistes de la santé mentale ainsi que des sociologues et autres universitaires, la thématique de cette rencontre a été mise à profit par de nombreux étudiants pour se solidariser avec les cancéreux et mieux comprendre et appréhender le vécu psychologique de cette catégorie de malades chroniques. La cérémonie d'ouverture a d'ailleurs été marquée par un vibrant hommage rendu à deux enseignantes universitaires, décédées récemment d'un cancer du sein, et une minute de silence a été observée en leur honneur par les participants. Commentant la problématique du thème retenu pour cette manifestation scientifique, Mustapha Moussaoui, président de l'association El Badr, a insisté sur la nécessité et l'importance primordiale de la prise en charge psychologique des cancéreux. L'orateur, développant son argument, estimera que les psychologues cliniciens praticiens en santé publique font partie intégrante du personnel soignant dans le processus thérapeutique de cette catégorie de malades et de leur famille. Partant de ce constat, il lancera un appel implicite à l'endroit des chercheurs en psychologie présents pour former des psychologues spécialisés en oncologie. L'association El Badr comme expérience «Accompagnement psychologique : expérience de l'association El Badr», a été la communication présentée par la doctorante en oncologie, Leïla Hassas Boumghar, psychologue clinicienne, chargée du volet soutien et formation psychologique au sein de l'association. L'exposante, qui prépare un doctorat portant sur la psychologie du cancer du sein, a mis en exergue la nécessité d'intégrer en force et en qualité des psychologues cliniciens dans la prise en charge, outre des cancéreux, du personnel soignant. Ce dernier, soumis selon l'oratrice au stress et au burn-out, doit bénéficier d'un soutien psychologique pour mieux traiter les patients. «Il est inconcevable qu'un service anticancer soit dépourvu de spécialistes en santé mentale», déplore-t-elle. Faisant bénéficier de son expérience sur le terrain les participants à la journée, elle apportera des témoignages poignants du vécu psychologique de ces malades et de leur angoisse au quotidien. Leïla Hassas Boumghar abordera par la suite le parcours du combattant du cancéreux, allant de l'annonce de la maladie, du premier choc et le déni de la maladie, à l'acceptation puis à l'engagement thérapeutique sans faille et continu des soignants. «L'annonce de la maladie n'est pas du seul ressort du psy, mais doit être faite par le médecin traitant, assisté par toute son équipe pluridisciplinaire», prévient-t-elle. Et d'ajouter : «L'annonce est un moment très contraignant et doit être abordée avec tact. Il s'agit de savoir en fait quels mots utiliser pour dire la maladie, à quel moment et dans quel but.» La psychologue apportera par la suite les réactions émotionnelles de certaines personnes à l'annonce de la maladie. «Un véritable séisme, le monde s'écroule sur ma tête ; qu'ai-je fait pour mériter cela ?» sont les mots chargés d'émotion et de colère qui reviennent le plus souvent. «L'angoisse de la mort est très présente malgré la foi», souligne la communicante Le soutien par l'écoute, le besoin d'être rassuré, la représentation de la maladie, la préparation à la lourdeur du traitement, la radiothérapie, les retombées de la chimiothérapie sur le corps sont autant de moments pénibles qu' il faut gérer mentalement par un accompagnement psychologique de qualité. Concernant la famille, celle-ci est partie prenante dans le processus de soutien moral et son implication dans l'assistance au malade n'est pas à négliger. Quant à l'accompagnement à la mort, là aussi la présence d'un imam pour le travail spirituel et du psychologue ne sont pas négligeables. Abordant le volet de la prise en charge psychologique, la doctorante insistera d'abord sur l'exigence de la formation continue et des psychologues et des médecins en oncologie et plus particulièrement ceux qui exercent dans les centres anticancer. L'animation de groupes de parole de patients et de soignants, la relaxation, la psychothérapie de soutien, les techniques de l'entretien clinique sont autant de moyens et de méthodes d'intervention pour atténuer les souffrances du cancéreux, selon la conférencière. Celle-ci lancera un appel pressant aux pouvoirs publics, vu le nombre sans cesse en progression, afin de programmer des formations en oncologie au profit des intervenants en cancérologie. Réagissant par rapport au sujet, le professeur en sociologie, Fodil Retimi, notera que la cellule familiale, ainsi que les associations ont un rôle à jouer auprès des personnes atteintes de cancer, tout en soulignant tout le sens de la vie dans la lutte contre la maladie. Le docteur Fatma Zohra Ezzeroug, dans sa communication «La psycho-oncologie : définition, objectifs et intervention» a surtout mis l'accent sur le volet cognitif et comportemental. Comprendre la maladie, accéder à l'autonomie, l'obligation de se faire traiter constituent des paramètres à mettre en œuvre pour une meilleure prise en charge. Elle exigera en outre de réelles capacités mentales et une bonne formation en psycho-oncologie de la part des intervenants afin de pouvoir assurer un accompagnement et un suivi psychologique à des personnes vulnérables et atteintes sur le plan narcissique lorsqu'il s'agit du cancer du sein. Dans sa communication intitulée «Modèle biopsychosocial-contrada du cancer et ses complications préventives et thérapeutiques», le professeur Abdelaziz Haddar a insisté sur la nécessité de pratiquer des bilans médicaux périodiques à partir d'un certain âge afin de prévenir toute maladie avant toute complication. «Il manque à l'Algérien cette culture de consulter un médecin en dehors de toute affection». Et de s'interroger : «Ne dit-on pas vaut mieux prévenir que guérir ?» Un master en psycho-oncologie s'impose D'autres thèmes ont été exposés lors de cette journée, mais ceux relatifs au volet psychologique ont accaparé la part du lion et retenu l'attention des étudiants, surtout ceux préparant des diplômes en psychologie clinique et psychologie de la santé. D'ailleurs, parmi les recommandations énoncées, l'institution d'un module ou un master de psycho-oncologie reste un vœu pieux tant la demande de prise en charge psychologique des cancéreux demeure l'une des plus grandes préoccupations des soignants.