Les avocats exigent l'examen de toutes les preuves et la fixation d'un calendrier des débats lors du procès. A quelques jours du procès de l'affaire autoroute Est-Ouest, prévu le 19 avril, les avocats de Mejdoub Chani, principal accusé, publient une lettre dans laquelle ils exigent la présence de tous les témoins, surtout les sept pour lesquels ils viennent de déposer une demande de convocation. Constitué de maîtres Zahia Aït Amar, Amine Sidhoum et Mohand Tayeb Belarif, ainsi que de deux autres avocats, Phillipe Penning du barreau du Luxembourg, et William Bourdon du barreau de Paris, le collectif de la défense de Chani a déposé, dimanche dernier, une demande de convocation de sept nouveaux témoins, dont la présence est jugée très importante. Contacté hier, Me Belarif explique que ces témoins «ont déjà été destinataires d'une convocation que nous avons, nous-mêmes, envoyée, en attendant que le parquet les convoque. Pour nous, ces témoins sont très importants. Ils doivent être présents, quitte à utiliser la force publique, afin de créer un débat contradictoire lors du procès. Nous voulons aussi que le tribunal mette en place un calendrier du déroulement des débats. Une sorte de planning pour avoir une idée sur le temps que prendra le procès. Sans ces garanties et celles contenues dans la lettre rendue publique hier, le procès du 19 avril ne sera pas équitable». Une lettre, dit-il, qui «mettra chacun devant ses responsabilités afin que justice soit rendue et que la vérité soit connue». Dans cette lettre, les cinq avocats commencent par rappeler les nombreuses dispositions du code de procédure pénale, qui garantissent un procès équitable et transparent, avant d'exprimer, néanmoins, leur «regret» de constater «la disparition de ces principes juridiques et moraux des tribunaux algériens depuis longtemps (…) Comment y croire, lorsque nous constatons que les arrêts et les décisions ne sont argumentés que par des références générales à des documents et des dossiers joints à l'affaire sans les examiner de manière précise et sans qu'il soit indiqué s'ils ont été discutés devant le juge ? Comment croire à un jugement équitable alors que le débat en audience n'est pas enregistré ? Comment y croire lorsque les témoins à charge ne sont pas convoqués à l'audience et lorsque le juge estime leur présence inutile, sous prétexte que leur témoignage est consigné dans les procès-verbaux ? Comment y croire lorsque le juge refuse de convoquer les témoins à décharge réclamés par l'accusé ? Comment y croire lorsque l'autorité judiciaire ignore tout acte que l'accusé entreprend pour récuser la légalité d'une opération ou dépose une plainte pour grave violation de la loi ?». Les avocats rappellent, par ailleurs, les conventions internationales contre la torture, ratifiées par l'Algérie, et qui obligent cette dernière à enquêter sur toute allégation de torture. Le collectif de la défense précise que l'accusé a été arrêté par des officiers du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) le 16 septembre 2009, alors qu'il sortait de l'aéroport d'Alger, après son retour de France, sans qu'il soit déféré devant le procureur du pôle pénal spécialisé d'Alger, jusqu'au 6 octobre 2009, vers minuit. Durant les 20 jours, «où il était détenu dans un lieu inconnu, Chani a subi toutes les formes de pression, en violation des lois et des conventions internationales des droits de l'homme. Ni le juge ni le procureur, chargés de cette affaire, n'ont réagi en dépit du fait qu'ils aient été informés de l'état flagrant de Chani. Le procureur général a, quant à lui, gardé la plainte déposée par les avocats de Mejdoub Chani contre les officiers du DRS qui auraient violé les dispositions du code de procédure pénale, sans prendre les mesures nécessaires. Comment peut-on croire à la possibilité d'un procès légal et équitable devant une autorité judiciaire, lorsque des magistrats déclarent en pleine audience la légalité de la pratique de la torture par les officiers du DRS pour avancer dans l'enquête, et leur permettre ainsi l'impunité ? Comment pouvons-nous croire à un procès légal et équitable, lorsque ses principes de base sont violés de manière flagrante ? La persistance de l'accusation de Mejdoub Chani par le procureur général près la cour d'Alger, du procureur du pôle pénal de Sidi M'hamed et du juge d'instruction de la 9e chambre du même pôle, est unique dans les annales de la justice criminelle à travers le monde». Les avocats sont revenus sur l'affaire d'Algérie Télécom, jugée par le tribunal de Sidi M'hamed, en disant que les autorités «ont utilisé» des informations contenues dans une commission rogatoire adressée à la principauté de Lichtenstein, pour enfoncer l'accusé et le présenter comme «un dangereux criminel». alors que «son seul crime est de n'avoir pas cédé aux provocations d'une personne qui a le pouvoir de causer des préjudices aux autres, ce qui constitue une violation du principe de la crédibilité de la preuve». Les avocats se demandent comment peuvent-ils «faire entendre la voix de la justice dans un environnement dominé par les plus puissants ?» Leur mission, disent-ils, ne se résume pas à éviter à l'accusé la sanction, mais aussi de lui assurer toutes les garanties consacrées par la loi, précisant que dans un procès criminel, la défense est tenue de défendre l'accusé, même s'il y va de sa sécurité. A ce titre, le collectif des cinq avocats exige la convocation de tous les témoins, y compris ceux qu'il a réclamés, l'exposition et l'examen de toutes les preuves et tous les documents, l'enregistrement du débat à l'audience, et la mise en place d'un calendrier des débats…