La main du pouvoir frappe de nouveau. Les pressions des autorités ont contraint les responsables de la chaîne de télévision, El Djazaïria TV, à supprimer définitivement l'émission satirique «El Djazaïria Week-end». Et ce fut avec une grande émotion que le talentueux journaliste animateur de l'émission, Mustapha Kessaci, a annoncé, vendredi soir, que l'émission s'arrêtait. Ses compagnons, dont le journaliste Abdou Semmar et les comédiens Merouane Bendib et Réda Ainine, n'ont pu retenir leurs larmes. Tout a commencé le vendredi 17 avril. Abdou Semmar, également rédacteur en chef du site Algérie Focus, déroule, comme à chaque fois, l'essentiel de ce qui a marqué la scène politique durant la semaine. Et cette deuxième moitié d'avril, un livre, Alger-Paris : une histoire passionnelle retient l'attention. Le journaliste rappelle que l'ouvrage des deux journalistes français rapporte, entre autres, que des ministres ont acquis des biens en France. Mais il s'est attardé sur l'appartement acheté à 860 000 euros par la fille du Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Pour le pouvoir, c'était un commentaire de trop. Abdelmalek Sellal aurait même appelé le jeune dirigeant de la télévision, Karim Kedache, pour lui reprocher le contenu de l'émission. Et, jusque-là discret, le président de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel, Miloud Chorfi, diffuse un communiqué d'avertissement. «Le président de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel, Miloud Chorfi a convoqué M. Kardache Karim, directeur de la chaîne El Djazaïria auquel il a notifié un avertissement verbal. Pour cause, les dérives ‘‘répétitives'' de l'émission ‘‘Week-end'' qui verse dans le sarcasme et le persiflage à l'encontre de personnes, dont des symboles de l'Etat et de hauts responsables de différentes institutions de l'Etat», indique le communiqué rendu public le 19 avril. Contacté, le patron de la chaîne refuse de s'exprimer. Mais selon son entourage, il a «préféré sauvegarder» la chaîne en sacrifiant son émission-phare. Cette nouvelle a fait le tour des réseaux sociaux. Des journalistes, militants et de simples citoyens dénoncent ce qu'ils qualifient d'«atteinte à la liberté d'expression». Des groupes de soutiens se sont constitués tandis que certains journalistes appellent à organiser la riposte. Conçue à l'image du «Petit Journal» de Canal+, l'émission «El Djazaïria Week-end» est une émission de débat. Mais en plus des échanges avec des invités, des comédiens se chargent de tourner en dérision certains événements et de caricaturer certaines personnalités politiques ou artistiques. Le style est nouveau. Il ne plaît pas. Et les pressions fusent. L'émission est désormais à l'arrêt. Ce n'est pas la première fois que les autorités censurent une chaîne de télévision. En pleine campagne électorale pour la présidentielle de 2014, les gendarmes font irruption dans les locaux de la chaîne Atlas TV. Cette dernière disparaît du champ audiovisuel. A la même période, l'émission «Controverse» disparaît des écrans de la chaîne Dzaïr TV. L'Autorité de régulation de l'audiovisuel n'a jamais interpellé une autre chaîne de télévision. Elle se consacre en «priorité à la défense du pouvoir contre le commentaire critique et satirique», résume le chroniqueur du journal Liberté, Mustapha Hammouche.