Utiliser les matériaux locaux dans les futurs projets de construction est une idée fortement discutée aux journées d'information et de sensibilisation du 4e Festival international de promotion des architectures de terre, ArchiTerre, à l'université Ahmed Draia, à Adrar. Des journées clôturées dimanche soir. Les matériaux locaux sont, selon Abdelhamid Benouali du Centre national d'études et de recherches intégrées du bâtiment (CNERIB), naturels, sains et non énergivores à la production et à l'exploitation. «Et la terre est le matériau le plus ancien utilisé en Algérie. Il en est de même de la pierre et du plâtre fabriqué localement. Aujourd'hui, dans les programmes du logement, le parpaing de ciment et la brique de terre cuite sont les plus utilisés. Ces matériaux donnent des habitations avec un comportement thermique médiocre», a-t-il relevé. Il a plaidé pour un retour aux pratiques ancestrales de construction, notamment dans le sud du pays et dans les Aurès, pour économiser l'énergie et respecter l'environnement. Tous les intervenants aux débats ont relevé que les constructions en béton consomment beaucoup d'électricité et de gaz pour la climatisation et le chauffage comparées aux habitations bâties en terre ou en pierre. L'architecte Yasmine Terki, commissaire du Festival ArchiTerre, a noté, pour sa part, que les ksour du sud de l'Algérie sont menacés de disparition aujourd'hui. La raison ? Un plan du ministère de l'Habitat pourtant sur «la lutte contre les constructions précaires» a été adapté, créant des confusions. Dans les régions du Sud, les APC ont demandé aux citoyens de détruire leurs maisons bâties en pierre comme le veut la tradition constructive pour les remplacer par des habitations en béton en plein Sahara ! Une aide financière est accordée à ceux qui acceptent de reconstruire leurs maisons faussement présentées comme «plus solides». «Le problème ne réside pas dans les matériaux de construction utilisés dans les ksour, mais dans le fait que l'Etat n'a rien fait pour moderniser ces espaces. On peut parfaitement vivre dans les maisons en terre ou en pierre et dans des conditions modernes de confort», a soutenu Yasmine Terki. Ilhem Belhatem, architecte et directrice de l'Atelier D à Paris, a relevé un retour à la construction en bois avec remplissage bio sourcé (matériaux à base végétale) en Europe. Plusieurs architectes européens plaident actuellement pour l'utilisation du béton chanvre, qui est constitué de chaux, de chènevotte fibrée et d'eau. Ce béton est aussi solide que celui constitué de ciment mais plus souple et résistant aux séismes. Selon Ilhem Belhatem, les savoir-faire ancestraux en matière de construction se sont adaptés aux écosystèmes naturels depuis longtemps. «Dans l'architecture bio climatique, il est important d'observer le niveau d'ensoleillement, la pluviométrie, le sens des vents, les vents dominants. Les vents permettent de rafraîchir les intérieurs de façon passive. Il faut s'appuyer sur les savoir-faire locaux et l'architecture vernaculaire qui nous donnent des leçons sur la manière de s'adapter au climat, à la chaleur, au froid», a-t-elle noté, soulignant que les savoirs-faire locaux sont liés à la matière qui existe localement. Ilhem Belhatem a notamment réalisé avec son équipe un immeuble en briques de terre crue à Bujumbura, capitale du Burundi. L'ingénieur civil Horst Shroeder, ancien président de l'Association de la construction en terre (Dachverband Lehme) et ancien enseignant à l'université Bauhaus, a présenté les normes et standards adaptés en Allemagne pour les architectures de terre. «Le tout est rassemblé dans un livret Lehmbau Regeln élaboré par notre association. Ces normes, qui couvrent tous les aspects du bâtiment, ont été approuvées par l'autorité allemande de construction en 1999. L'intérêt pour la construction en terre en Allemagne a commencé au début des années 1980 avec l'émergence de la culture écologique. Depuis cette année, on fait attention à la consommation d'énergie, au climat, au développement durable. Tout le monde est d'accord sur la nécessité de réintégrer la terre comme matériel de construction dans les bâtiments contemporains», a expliqué Horst Shroeder. Après Adrar, les invités de ArchiTerre 2015 se déplacent à Timimoun pour visiter, entre autres, le Centre algérien du patrimoine culturel bâti en Terre (Capterre) que dirige Yasmine Terki. Le Capterre, qui existe depuis 2012, est installé dans l'ex-hôtel Oasis rouge.