Depuis la pose de la plaque inaugurale du lancement du projet de réhabilitation de l'îlot Sidi Ramdane, à l'aube de l'an 2000, apposée sur le mur face à la maison du centenaire à l'époque du gouvernorat d'Alger, mais sans suite, un autre projet de reconstitution de parcelles résiduelles issues de la démolition dans La Casbah vient de voir le jour. Il s'agit de La Charrette d'or 2015, qui tente de réactiver l'initiative citoyenne «Darna», lancée en 2010 – brinquebalante, pour ne pas dire en dormance. Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ? Les autorités locales sauront-elles prendre le taureau par les cornes pour mettre en œuvre le projet qui, faut-il souligner, n'a pas moins emballé les présents, dont des officiels lors de la remise des prix à la Safex au début du mois en cours. En tout cas, c'est au terme d'une âpre concurrence qui a motivé 144 candidats architectes de tout le territoire national que la lauréate d'Annaba, Yasmine Belabend, a remporté le concours sur un projet autour de «Identité et revalorisation pour la sauvegarde du patrimoine» qui a fait l'unanimité du jury. «Cela montre que c'est une question technique et ce ne sont pas, obligatoirement, les proches (enfants, ndlr) de La Casbah qui apportent les solutions les plus perspicaces», fait remarquer un architecte. Le projet de reconstitution est situé au quartier du «Djebel», sur les hauteurs de l'ancienne médina, plus précisément entre les HBM (Habitations bon marché) et la mosquée de Sidi Ramdane. Depuis, les terrains sont utilisés comme parkings publics, exploités par une bande mafieuse, sans que le ou les proprios, ou même les offices publics revendiquent leurs droits ou leur part des revenus tirés de l'exploitation des parcelles «privées». Parfois le laisser-faire est plus efficient que dix bulldozers. Autrement dit, détruire le patrimoine en le livrant à l'état d'abandon. De cette opération test dépend la réussite ou l'échec du devenir de La Casbah, disent des architectes et des Casbadjis invités pour la circonstance. Elle (La Charrette d'or) porte sur 22 parcelles, alors que La Casbah compte plus de 600 terrains vagues, auxquels risquent de s'ajouter les 200 bâtisses, recensées – en 2013 – par l'Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés (OGEBC). Ces dernières menacent ruine et sont l'objet de mesures d'urgence. Dans ce quartier, les maisons et immeubles se sont effondrés au fil des ans, ont présenté un danger public, sans que le propriétaire s'en préoccupe. Identifier les sources de blocage L'Etat mamelle a procédé au relogement des occupants (proprios et locataires), démoli les ruines, enlevé les gravats, ordures et autres signes d'abandon, procédé à la stabilisation des sols, conforté les douérate, etc. Mais serait-il impertinent de dire qu'il subsiste quelque part des sources de blocage qui justifieraient la remise en cause du programme de reconstruction de La Casbah ? Des membres qui conduisaient le projet «Darna» butaient contre l'inertie des autorités locales, dont le souci se confine dans la mise de couches de plâtre sur les parties visibles... «Pourtant, relèvent-ils non sans dépit, rien ne s'oppose à la mise en œuvre du projet parallèlement aux actions d'urgence qui ont englouti des centaines de milliards pour des résultats très peu convaincants». Et il est des rabat-joie qui, à court d'arguments, usent d'arguties répétitives, en sortant leurs jokers : «Ce sont des terrains privés et l'Etat ne peut rien faire sans l'accord des propriétaires.» Du déjà-entendu qui ne fait pas moins sortir un vieux Casbadji de ses gonds en rétorquant de manière péremptoire : «L'on ne comprend pas ces gens qui se pressent à convoquer le passé pour mieux retarder le présent et remettre le futur aux oubliettes.»Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, nombre d'opérateurs soucieux de se réapproprier le patrimoine ambitionnent toutefois d'intervenir sur ce projet «La Charrette d'or». Deux bureaux d'études (Zerouel et Lounis), membres du jury, se proposent de prendre en charge les études du projet retenu et d'assumer la mise en forme des plans d'exécution, alors que d'autres mettront la main à la pâte en se chargeant du suivi du chantier, apprend-on. L'Ordre des architectes est disposé, quant à lui, à se lancer dans le bain, en réalisant «La Maison de l'architecte» au sein de l'îlot. «Ne reste aux autorités qu'à faciliter la mise en œuvre des programmes retenus et encourager d'autres organismes publics ou privés intéressés, afin d'inaugurer le cycle et les signes palpables dans une cité dont la restauration et la reconstruction par endroits pâtit des récurrents courts-circuits», dira en guise de conclusion le sociologue Djafar Lasbet.