Notre article “La vieille cité se meurt” a suscité des réactions parmi les architectes restaurateurs ainsi que les associations ayant plaidé pour la cause de La Casbah et qui continuent à le faire. Pour clore le sujet, nous publions la contribution de l'ancien président de la fondation Casbah, Ali Mebtouche. En complément d'information, suite à votre article du 24 novembre 2008, page 12, rubrique Zoom sur la capitale, j'ai le plaisir d'apporter ma modeste contribution à ce débat. Dans cette cité, ce n'est plus une maison qui se lézarde, ni qui tombe en ruine, ce sont des quartiers entiers qui disparaissent, exemple rue Mustapha-Djouab (ex-rue des Dalles). Il est malhonnête de parler de préservation de ce site historique sans une reconstitution à l'identique de ce qui a disparu, pour éviter la théorie des dominos. On veut restaurer La Casbah en parlant d'un plan de sauvegarde en cours d'élaboration, sans cahiers des charges. La Casbah était divisée en cinq îlots, la première opération a commencé le 23/02/1998 par l'îlot Sidi-Ramdane, où plus de 140 maisons ont été récupérées et plus de 500 familles transférées, et la deuxième opération touchait l'îlot souk El-Djemaâ où 350 familles ont été relogées. Mais, malheureusement, cette opération a été stoppée par l'arrivée d'un nouveau wali aux commandes de la wilaya d'Alger, et sans raison apparente, même le projet de la pêcherie a été gelé. Jusqu'à ce jour. Il va falloir penser à restaurer ce quartier avant de l'avoir inauguré. Quel gâchis ! La bêtise humaine a été plus forte que le bon sens et l'objectivité. Le tissu immobilier de La Casbah compte 95% de biens privés, ceux-ci étaient associés à cette démarche avec des mesures d'accompagnement bien étudiées, avec un concours financier, un cahier des charges les obligeant à restaurer leurs biens, faute de quoi l'application de la loi 98/04. Mêmes les lieux historiques ou religieux n'ont pas été épargnés par cette catastrophe. Il ne faut surtout pas oublier que La Casbah a été un haut lieu de la guerre de Libération, pour ne citer qu'un chiffre qui donne froid dans le dos, cette cité compte plus de 10 000 disparus durant la bataille d'Alger. C'est vrai que tous les 23/02, on célèbre la Journée de La Casbah avec de beaux discours et des petits fours. Il ne faut surtout pas se voiler la face, La Casbah est un patrimoine en péril. Et pourtant, la déclaration des droits des peuples, élaborée à Alger en juillet 1976, stipule dans la section iv art. 14 : “Tout peuple a droit à ses richesses antiques, historiques et culturelles”. Le temps est un facteur important dans l'histoire de l'humanité, chaque fois qu'il passe, il laisse derrière lui des ruines pour marquer son passage. La Casbah a été caressée par ce phénomène, suite à l'abandon des hommes. Il faut avoir connu cette cité pour se faire une idée du rayonnement qu'elle a pu et su exercer sur les grandes cités de la Méditerranée. La véritable culture d'un peuple ne réside pas dans la folklorisation ou dans de simples aspects de préservation de musées, de palais ou dans les slogans. Mais dans la nécessité d'un retour aux sources, vers des valeurs architecturales, preuve irréfutable d'un passé glorieux, d'une nation qui a sacrifié les meilleurs de ses enfants pour la liberté, la dignité et un avenir meilleur. On ne peut pas rester coupé du monde culturel pour se hisser au niveau des sociétés modernes et se développer en harmonie avec la marche du temps. On ne peut pas non plus garder le silence sur la dégradation de ce site pour ne pas être complice de la catastrophe qui guette notre Casbah. Si par le passé, le patrimoine culturel algérien a été l'objet d'une domination étrangère, il doit aujourd'hui bourgeonner et s'épanouir, or, c'est l'effet inverse qui s'est produit. La Casbah est victime de la gestion administrative, elle ne croit plus aux larmes mais à l'efficacité et au résultat. Ali Mebtouche Membre fondateur et ancien président de la fondation Casbah.