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Procès EL Khalifa Bank : Convoqués, de nombreux témoins désertent le tribunal
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Publié dans El Watan le 01 - 06 - 2015

Sur les 70 témoins convoqués pour être auditionnés hier, seuls 15 étaient présents au procès. Le tribunal criminel de Blida s'est contenté de lire leurs procès-verbaux d'audition devant le juge, évitant ainsi un débat contradictoire qui aurait pu contribuer à l'éclatement de la vérité.
Encore une fois, le tribunal criminel de Blida n'a pas jugé utile de faire ramener les témoins n'ayant pas répondu à ses convocations. Mis dans l'embarras, le juge Antar Menouer s'est senti obligé de faire remarquer à l'assistance que Abdelmadjid Tebboune, ministre de l'Habitat, Noureddine Bouterfa, PDG de Sonelgaz et Lezhar Bounafaa, ancien directeur général de l'OPGI de Dar El Beïda, ont été convoqués mais «s'ils ne se présentent pas durant la journée, le tribunal se contentera de la lecture de leurs procès-verbaux d'audition devant le juge d'instruction».
Samedi dernier, le président avait préféré lire une série de PV de témoins qui n'ont pas jugé utile de répondre à la convocation du tribunal. Parmi ces derniers Ouahiba Hamiani, qui était représentante de Khalifa à Paris lors de l'Année de l'Algérie en France, prestation pour laquelle elle avait perçu un montant annuel de 50 millions de dinars sans avoir, dit-elle au juge d'instruction, signé un quelconque contrat de travail.
Parmi les absents d'hier, il y avait également le PDG de la compagnie aérienne française Aigle Azur, Arezki Idjerouidène, qui, en 2001, avait vendu à Khalifa Abdelmoumen sa compagnie algérienne Antinea Airlines pour 210 millions de dinars, constituant le capital de la société. Son avocat, Me Allouche, s'est présenté dès l'ouverture de l'audience pour remettre au juge un certificat médical attestant que le témoin en question était hospitalisé en France. Le troisième après ceux de l'ex-directeur de l'agence El Khalifa de Hussein Dey, Hocine Soualmi, et de l'ex-directeur général du centre de thalassothérapie de Sidi Fredj.
Trois milliards de dinars de redressement fiscal pour El Khalifa Bank
Le juge appelle à la barre Boussad Drider, représentant de l'inspection des impôts de Tipasa. D' emblée, il affirme qu'El Khalifa Bank avait bénéficié d'une exonération d'impôts pendant une durée de trois ans, prolongée pour deux autres années, le 22 août 2002 par une décision de l'Agence de promotion et de soutien à l'investissement (APSI).
Selon lui, le bilan transmis par El Khalifa Bank à l'administration fiscale n'étaient pas les mêmes que celui adressé à la Banque d'Algérie. «Ce qui est important pour les impôts, c'est d'avoir le chiffre d'affaires réalisé, pour voir si le bilan est négatif ou positif. Tout repose sur la comptabilité envoyée par la banque, mais s'il y a une anomalie dans les chiffres ou une quelconque dissimulation, le service peut procéder à un contrôle a posteriori et décider d'un redressement d'office.
C'était le cas pour El Khalifa Bank. Une enquête de vérification des déclarations de 1994 à 2002, a fait ressortir des anomalies et des irrégularités dans les déclarations, ce qui a suscité un redressement de 3 milliards de dinars», déclare M. Drider. Interrogé par le procureur général sur l'exonération d'impôts, le témoin déclare qu'il s'agit d'avantages accordés dans le cadre de l'APSI et que la prolongation de deux ans, était «une exception» que les services des impôts n'ont fait qu'exécuter.
Et d'ajouter : «Lors de la vérification, il s'est avéré que la comptabilité dEl Khalifa Bank était entachée d'anomalies et d'irrégularités ayant motivé une première tarification d'office de 2 milliards de dinars en 2002, suivie d'une autre, après le contrôle a posteriori sur la période de 1994 à 2002.» Maître Lezzar, avocat de Abdelmoumen, demande à Drider si ce redressement sur le chiffre d'affaires montre que la banque était en bonne santé. «Le redressement concerne la gestion de comptabilité ; il n'a rien à avoir avec le chiffre d'affaires», dit-il. Mais l'avocat n'est pas convaincu de la réponse du témoin ; il revient à la charge et Drider insiste : «Ces impositions n'ont rien à voir avec le chiffre d'affaires.»
A propos des bilans d'El Khalifa Bank, il affirme : «Ils font état d'un déficit de 62 millions de dinars pour l'exercice de 1999 et de 58 millions de dinars pour 2000. Durant l'exercice 2001, il y a eu un bénéfice de 75 millions de dinars.» Et de préciser qu'«il est possible que durant les deux premières années, les bilans soient négatifs, mais ce est important, c'est d'éviter qu'il y ait des défauts de comptabilité qui suscitent les redressements fiscaux». Me Lezzar : «Pourquoi avoir attendu l'installation de l'administrateur provisoire et du liquidateur pour faire une vérification ?»
Le témoin : «Il faut savoir que le système fiscal algérien est déclaratif jusqu'à ce qu'on prouve le contraire par le contrôle fiscal après quatre années d'exercice. Ce qui nous met dans les délais, puisqu'El Khalifa Bank a été créée en septembre 1998.» Le juge appelle Mohamed Larbi Selmi, chauffeur à l'agence d'Oum El Bouaghi de la Caisse nationale de retraite (CNR) dirigée par Toufik Jedidi. Le témoin affirme que ce dernier lui a demandé de se préparer pour aller avec lui à Alger pour récupérer des véhicules. «Nous sommes arrivés à la maison Toyota, à Hussein Dey.
Jedidi a discuté avec une personne qui lui a remis les papiers de deux véhicules au nom de Jedidi Toufik et d'un troisième à celui de Slimane Kerrar, directeur des finances à la direction générale, qui était également sur place, à Toyota. Ce dernier m'a dit de la prendre pour la laver en attendant de revenir. J'ai laissé la voiture rue Khelifa Boukhalfa et je suis reparti pour ramener la deuxième», affirme Selmi. Il révèle au procureur général qu'il est rentré à Oum El Bouaghi à bord du nouveau véhicule et Jedidi également.
Le juge appelle Mohamed Tahar Beldjoudi, directeur général adjoint de la CNR, qui déclare avoir ignoré les montants déposés à El Khalifa Bank jusqu'à novembre 2002, «lors de la réunion du conseil d'administration dont certains membres ont parlé de la nécessité de retirer les 12 milliards de dinars. 8 milliards ont pu être retirés, le reste a été perdu». Pour ce qui est des dépôts de 2 milliards de dinars effectués par l'agence d'Oum El Bouaghi sans avoir la qualité, il déclare n'avoir pas été informé jusqu'à l'inspection de 2003 «pour une affaire spécifique et c'est là que nous avons découvert ces placements».
Il renvoie la balle au directeur financier, Slimane Kerrar, qui est, selon lui, seul responsable de la gestion des fonds de la CNR. Au procureur général, Beldjoudi affirme qu'en dehors de ce dossier, «Jedidi avait ouvert trois comptes à Chéraga, où 80 millions de dinars ont été perdus». Le juge appelle Belaïd Taleb, directeur général des Moulins des Bibans, une filiale d'Eriad, qui avait placé en 2002 100 millions de dinars à un taux d'intérêt de 10%, remis en janvier 2003 pour la même durée, un montant qui n'a pu être retiré.
Le procureur général lui demande pourquoi n'avoir pas respecté l'instruction du PDG transmise en 2000 exigeant que les placements se fassent à la BADR. Belaïd Taleb affirme n'avoir jamais entendu parler de cette instruction, précisant qu'à la BADR, «nous n'avons que les comptes d'exploitation». Amer Boumali, directeur des finances à l'Institut national de cartographie et de télédétection, affirme avoir placé une somme 200 millions de dinars. Il étonne le juge en affirmant que les fonds de l'entreprise étaient au CPA à un taux de 19% avant de chuter subitement à 5,5%, disant en ignorer les raisons.
Lakhdar Yezza, directeur général de l'agence foncière de Batna, révèle que 60 millions de dinars avaient été placé à El Khalifa Bank à un taux d'intérêt de 9%, précisant que cet argent avait été retiré du CPA après la chute progressive des taux d'intérêt de 18,5% à 1% dès 1999. Mabrouk Kourari, directeur de l'Entreprise de production de bière à Annaba, affirme que les 300 millions de dinars placés à El Khalifa Bank à un taux d'intérêt de 10,5% n'ont pu être retirés. Néanmoins, une somme de 64 millions de dinars, représentant les intérêts, a pu être récupérée.
Tahar Souissi, directeur général de l'OPGI de Aïn Defla, indique qu'en 2002, la majorité des OPGI avaient déjà effectué des placements pour bénéficier de taux d'intérêt très élevés. «Pourquoi ?», lui demande le juge. Le témoin : «Il y avait des instructions.» Le juge passe à une autre question, laissant l'assistance sur sa faim. Le montant déposé était de 200 millions de dinars, qui n'ont pas pu être récupérés. Mourad Zeriati, PDG de l'Entreprise d'engineering civil et de construction, filiale de Sonatrach, étonne le tribunal en affirmant n'avoir déposé aucun sou à El Khalifa Bank. Il confirme avoir bénéficié d'une carte de thalassothérapie, qu'il dit n'avoir pas utilisée.
Les formulaires, dit-il, ont été laissés le jour où des cadres d'El Khalifa Bank sont venus faire des offres pour les placements de fonds. Le juge appelle Amar Ouedfel, un déclarant en douane qui avait acheté une Toyota Echo à un policier du nom de Saadi ; il déclare l'avoir payée 630 000 DA. Il dit ne pas connaître le propriétaire mais «son frère, qui était douanier. Lorsque les gendarmes sont venus chercher le véhicule, le vendeur m'a donné à la place une Clio».
Le juge appelle Djamel Tidjani, adjoint de Moncef Badsi, le liquidateur d'El Khalifa Bank. Il était chargé du commerce extérieur avant de faire le tour de tous les services de la liquidation. Le juge l'interroge sur l'affaire Adda Foudad, ex-directeur de l'Ecole de police de Aïn Benian. Le témoin : «Il s'est présenté à la liquidation pour compenser un nantissement d'un dépôt à terme de 600 000 euros, avec une dette d'une société algéro-espagnole d'un montant de 54 millions de dinars.
Lorsqu'il y a eu étude du dossier, il n'a jamais été question de lui accorder l'opération.» Le juge lui demande d'expliquer les circonstances. «J'en ai parlé avec le liquidateur qui a donné ordre d'étudier le dossier. Après, le liquidateur a refusé la compensation», souligne Djamel Tidjani. Le président lui rappelle ses propos devant le juge, selon lesquels le liquidateur avait donné son accord de principe à l'opération et le témoin dément catégoriquement. «Lorsque vous avez ordonné à Ghouli de procéder à l'opération…»
Le témoin : «Oui, mais cette opération ne pouvait pas se faire sans l'accord écrit du liquidateur. Ghouli aussi ne peut le faire sans cet écrit. L'accord concernait l'étude de la demande, pas l'opération.» Des propos qui suscitent l'ire du magistrat : «Ou vous dites la vérité ou vous vous taisez. Vous avez fait des déclarations devant le juge d'instruction. Dites-nous c'est quoi l'accord de principe ?» Le témoin : «C'était le jour où Foudad a déposé sa demande. Mais le liquidateur a refusé de donner l'accord définitif.» Maître Ali Meziane lui demande si Foudad s'est inscrit au niveau de la liquidation et le témoin dit ne pas s'en rappeler.
Sur l'agence El Khalifa Bank de Blida, que le témoin Djamel Tidjani a expertisée, il affirme : «Une employée de la comptabilité m'avait informé de 13 comptes qui étaient débiteurs ont été soldés pour devenir créditeurs. J'en ai informé M. Badsi et j'ai parlé avec Faycal Zerouki, qui était directeur. Il a nié, mais je lui ai dit que ces opérations ont été effectuées avec son code. C'est là où il m'a parlé de son prédécesseur, Belaid Kechad, qui était chargé du recouvrement. Kechad a été convoqué à la liquidation.
Lorsque M. Badsi l'a interrogé sur ces opérations, il a promis de faire un rapport, après je ne sais pas ce qui s'est passé.» Le procureur général insiste pour savoir pourquoi avoir accepté à Foudad le nantissement sans accord du liquidateur et le témoin ne cesse de répéter que «l'accord définitif n'était pas encore acquis». Du fond de la salle, Adda Foudad lève la main pour intervenir ; le président lui demande d'attendre.
Les 13 comptes débiteurs devenus créditeurs manipulés par le chef d'agence de Blida
Le procureur général revient sur la manipulation des 13 comptes de l'agence de Blida et le témoin est formel : «Le code de Zerrouki a été utilisé par Kechad.» Me Belkhider, avocat de Foudad, lui demande si les 600 000 euros de son client ont été reçus ou pas. Djamel Tidjani dit ne pas s'en souvenir. L'avocat exhibe des documents de l'agence de Husein Dey et le témoin répond : «Je ne peux pas répondre parce que je n'ai pas vérifié si cet argent est rentré ou non.»
A propos du présumé procès-vernal d'accord à propos du nantissement, le témoin déclare qu'il ne s'agissait que d'un compte-rendu de la rencontre avec Adda Foudad. Me Belkhider : «Est-ce que le liquidateur a déchiré le PV ?» Le témoin confirme et ajoute : «Pour lui, il a été présenté comme un PV alors que ce n'était pas le cas.» Le juge appelle Adda Foudad. «Avez-vous rédigé un PV dans lequel vous aviez même fait la conversion au taux de l'époque pour réaliser l'opération de compensation et ordonné à Ghouli de l'exécuter ?» Le témoin persiste à nier.
Le juge appelle à la barre le témoin Akli Ferrani, directeur général de l'Entreprise de production de boissons, qui déclare que Aziz Djamel, directeur de l'agence El Khalifa d'El Harrach, est venu le démarcher pour des placements. Le premier placement était de 50 millions de dinars à un taux de 11,5 % et le deuxième de 20 millions de dinars. «Nous avons récupéré 5,75 millions de dinars et 6,4 millions de dinars d'intérêts.
En 2001, j'ai vu le feu orange clignoter. J'ai dépêché mon financier pour récupérer 50 millions de dinars, puis 150 millions, placés à la BADR. Nous avons encaissé 34 millions de dinars d'intérêts», indique le témoin. Me Lezzar : «Expliquez nous ces feux oranges qui clignotaient par des faits ?» Le témoin : «En fait ce sont des informations que j'ai eu par des amis qui étaient dans les banques publiques et un peu partout…»
Brahim Nouh avait bénéficié d'un non-lieu après avoir été inculpé. Il était directeur des finances à Naftec, une filiale de Sonatrach qui n'avait pas effectué de placements malgré les démarches de Djamel Aziz, venu au siège de l'entreprise entre 2000 et 2001. «J'ai refusé de travailler avec la banque parce qu'à l'époque déjà, les intérêts élevés qu'elle accordait suscitaient des doutes. Nous étions au niveau des banques publiques qui n'accordaient que 4%», explique le témoin. Sur les 72 témoins convoqués, seulement une quinzaine étaient présents.


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