Par Ahmed Grigahcène Docteur en astrophysique, maître de recherche au Craag Lors de sa 68e assemblée générale, l'Organisation des Nations unies a annoncé la célébration, en 2015, de l'année internationale de la lumière et des techniques utilisant la lumière. Une année entière est le temps qu'il faut saisir pour prendre conscience, s'il le faut, et faire prendre conscience de l'importance des sciences et technologies de la lumière dans notre vie. Ce sera aussi une grande opportunité pour découvrir, connaître et mieux apprécier l'œuvre des pionniers de cette discipline, Ibn Al Haytham en tête bien sûr, à qui il est temps de rendre hommage avec d'autres noms connus, tels qu'Einstein et Newton et moins connus, tels que Maxwell. Une réelle aubaine pour la divulgation scientifique, c'est l'occasion pour susciter les vocations et promouvoir la culture scientifique. Cependant, certaines questions, légitimes par ailleurs, peuvent se présenter à l'esprit : pourquoi la lumière ? En quoi mériterait-elle que l'humanité entière la célèbre et lui consacre une année entière de son histoire ? Quels sont ses apports au bien-être de l'homme ? Une première réponse réside dans le fait que la lumière est l'un des constituants les plus importants à l'origine de la vie sur Terre. En effet, elle est l'élément principal dans la photosynthèse, réaction biochimique qui permet aux plantes de synthétiser de la matière organique. L'horloge biologique humaine et animale est complètement régulée par l'alternance lumière/obscurité due à la succession jour/nuit. La nature synchronise ses cycles en prenant comme repères temporels ceux donnés par la lumière naturelle. L'Unesco, quant à elle, répond à ces questions en rappelant quelques évidences qui sont souvent oubliées : «La lumière a révolutionné la médecine, a ouvert la communication internationale via internet et continue d'être un vecteur important qui lie à la fois les aspects culturels, économiques et politiques de la société mondiale». Quel que soit notre objectif, que l'on vise la compréhension du monde qui nous entoure ou que l'on veuille améliorer notre bien-être ou préserver notre santé, la lumière est la discipline qui rend cela possible, elle est au centre de tous les développements scientifiques et technologiques. C'est lors de pannes d'électricité survenant durant les longues nuits d'hiver que l'on apprécie le plus cette lumière. Les sciences en général, la physique et l'astronomie en particulier, n'ont pris leur essor que grâce à l'étude de la lumière. La révolution de la physique moderne, faut-il le rappeler, s'est faite par la découverte du caractère dual de la lumière : ondes-corpuscules. Un peu plus loin dans le temps et moins connus sont l'utilisation des observations astronomiques pour valider la théorie de la gravitation, la spectroscopie pour comprendre l'évolution des étoiles, et tout récemment la détection des exoplanètes et les observations révolutionnaires du satellite Planck. Pour revenir à notre vie quotidienne, il suffit de signaler que toutes les technologies de communication se basent sur la lumière. Les ondes radio ont permis de réaliser des pas de géant dans ce domaine. Un autre palier a été franchi par l'utilisation de la fibre optique dans l'élaboration du réseau international d'internet. Sans oublier les rayons x et leur rôle fondamental en médecine ou la lumière laser et les micro-ondes, etc. On terminera, sans achever la liste des applications, par évoquer les technologies de l'image, les caméras CCD par exemple, qui doivent tellement à l'interaction de la lumière avec la matière. En fait, et à la différence avec d'autres disciplines, la lumière se distingue par son rapport à l'inconscient humain qui lui confère des effets psychologiques et thérapeutiques non négligeables. En son absence, on se sent perdus et seuls, on a tout simplement peur. Dans le cas contraire, elle est omniprésente, elle nous enveloppe de toutes parts, nous éclaire le chemin et nous permet de nous situer. En définitive, elle a cette capacité de nous donner un sentiment de sécurité et nous libère de nos phobies, et surtout elle nous donne du pouvoir. L'exposition à la lumière réduit le stress, facilite le sommeil et permet ainsi de lutter contre la dépression. D'un autre côté, elle joue un rôle primordial dans le domaine artistique, où les jeux de lumière sont indispensables pour nous faire voir la beauté et la révéler en nous-mêmes. A la lumière de ce qui précède (sans jeu de mots...), nous avons vu comment la lumière a substantiellement amélioré notre qualité de vie, que ce soit par les développements scientifiques et technologiques ou par l'augmentation des heures de travail et d'étude. Seulement, il faut aussi rappeler que la production de la lumière a un coût. Elle consomme de façon irréversible les réserves mondiales en combustibles. La prochaine révolution, tant espérée par l'humanité entière, qui consiste dans la découverte de moyens de se passer des énergies fossiles, risque de se réaliser grâce à l'exploitation de l'énergie solaire par une nouvelle génération de cellules photovoltaïques. L'Année internationale de la lumière 2015 a été inaugurée au mois janvier dernier au siège de l'Unesco. Elle mettra aussi en avant les travaux scientifiques d'Ibn Al Haytham, considéré comme le père fondateur de l'optique moderne et l'un des précurseurs de la méthodologie scientifique. «Bien que millénaire, la vie et l'œuvre du scientifique révolutionnaire et humaniste Ibn Al Haytham n'ont jamais été aussi pertinentes qu'elles ne le sont aujourd'hui», commente la directrice générale de l'Unesco. Tout au long de l'année 2015, il est essentiel que les principaux acteurs, y compris les associations scientifiques et de divulgation scientifique, les structures de l'éducation et de l'enseignement supérieur, les pôles technologiques, les partenaires du secteur privé conjuguent leurs efforts et s'unissent. Pour qu'ensemble ils œuvrent pour démontrer la valeur et l'importance de la lumière et en quoi les techniques utilisant la lumière ont pu et peuvent améliorer la qualité de vie dans notre pays. Tout en gardant présent à l'esprit que le choix d'une généralisation de la culture, de l'éducation pour tous passe essentiellement par le développement durable et la réduction des pollutions lumineuses et du gaspillage d'énergie.