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Les conditionnalités d'une sortie de crise garantie (3e époque) Dr Mourad Goumiri. Président de l'Association des universitaires algériens pour la promotion des études de sécurité nationale - ASNA
De manière à amuser la galerie et à occuper l'espace politique et médiatique, le Pouvoir a tenté d'exhumer un projet de révision de la Constitution(1), espérant ainsi gagner du temps dans son horloge politique qui doit impérativement préparer le remplacement du Président elliptique qui n'est plus en mesure d'assumer sa charge depuis bientôt trois années. Cette mission folklorique est confiée à M. Ouyahia(2), après avoir transité par les mains de M. Bensalah en 2011, puis de celles de M. Sellal en 2013. Ce premier a dû rassembler la curie, de manière à donner l'impression qu'un large débat(3) débouchera sur un consensus constitutionnel, tant pour la consommation nationale qu'internationale. N'étant pas lui-même informé des changements, décidés préalablement par le seul Président elliptique, le directeur de cabinet mais néanmoins ministre va s'en tenir à sa stricte mission protocolaire, d'accueil des propositions des partis, associations et personnalités politiques dont la liste a été arrêtée par le Pouvoir(4). Dans cette mission, qu'il sait casse-gueule et aux résultats soporifiques, il va tenter de ne pas commettre, une nouvelle fois, les erreurs antérieures, à savoir de se présenter comme une alternative au Président elliptique. Il va tenter de trouver un équilibrisme politiquement acceptable par les différents clans, entre la posture qui consiste à le projeter dans les amendements constitutionnels pour identifier sa future place et concomitamment, à celle qui consiste à montrer son allégeance au futur candidat virtuel en gestation… soit le syndrome de «Caïn du livre de la Genèse». Le premier tour de table de ce «carnaval constitutionnel», après plusieurs rounds de thé aux loukoums, s'est terminé par un échec cuisant sur le double plan de sa crédibilité et de son utilité, toute la classe politique confondue étant persuadée que les amendements étaient fixés par le Pouvoir préalablement. Cette première approche d'appareil mal engagée va entraîner l'enterrement, sans suite, du projet, du fait d'un casting ubuesque et d'une volonté de passage en force(5). Les clans du Pouvoir vont, dès lors, devoir prendre d'autres initiatives et surtout changer de casting pour arriver à leurs fins. L'exécuteur testamentaire de l'opération va utiliser ce fiasco et ses conséquences sur le plan politique(6), pour se promouvoir, d'autant qu'il a été exclu du dossier à sa conception. Au même moment, il mobilise ceux qui ont plaidé pour sa résurrection de ministre mais néanmoins directeur de cabinet et qui vont monter au front, enfonçant le clou et en réclamant son retour impérieux pour le salut de l'âme du Pouvoir ! Pourtant, l'équation posée par le Président elliptique était simple à comprendre dès le départ, avant son AVC : la nomination d'un vice-président(7) n'est acceptable, à ses yeux, que dans la mesure où son propre frère est désigné à ce poste, ce qui lui ouvrirait la voie dynastique à une désignation élective, lors de la prochaine élection présidentielle anticipée ou à terme ! De même que pour le poste de Premier-ministre, avec des pouvoirs constitutionnels réels, il est exclu que ce poste ne soit attribué à un prétendant au poste de président de la République, ce dernier poste devant revenir exclusivement à son propre frère ! C'est la seule condition sine qua non qui, à ses yeux, pourra assurer la protection absolue de tous les clans du Pouvoir et en particulier à lui-même et à sa famille, qui seront certains de ne pas avoir à rendre de comptes sur leur gestion passée et de pouvoir continuer à contrôler et à distribuer la rente, pour les vingt prochaines années. Le Président elliptique sait parfaitement que si un de ses avortons, qu'il a lui-même créés et utilisés impitoyablement, depuis 1999, pour servir la consolidation de son propre pouvoir(8), avec ceux qui l'ont installé au Pouvoir et qui lui ont assuré quatre mandats consécutifs, accédait au Pouvoir «qu'à Dieu ne plaise», ce dernier n'aura comme priorité absolue que celle de lui faire gravir les marches de l'échafaud, qu'il va lui construire(9), ainsi qu'à sa famille(10) et à son clan(11) ! Dès lors, faute de consensus sur son candidat unique, le statu quo devient de rigueur et une gestion politique ubuesque, irréfléchie et incontrôlée, est mise en œuvre pour occuper le terrain avec des marionnettes inconsistantes, doublées d'amateurisme et de prédation(12). Après son AVC, Président elliptique et ses clans entrent dans une phase de turbulences, dans la mesure où, en l'absence d'un Pouvoir unique incarné par le Président et l'émergence de plusieurs centres conflictuels de Pouvoir, vont aiguiser les appétits et se traduire par une lutte infuse et sourde pour la succession, sachant que la solution dynastique ne fait toujours pas consensus ! Les tensions deviennent visibles et descendent dans la société, beaucoup plus exacerbées par les guerres intestines que se livrent les composantes des différents clans du Pouvoir, aux ambitions personnelles démoniaques, que de la part de la société qui suit leurs escarmouches comme un feuilleton à la Dallas… en fait, comme un épisode qui se déroule à l'extérieur de la société algérienne ! Une condition sine qua non est cependant exigée par la vindicte populaire pour qu'elle ne devienne pas actrice et ne sorte pas dans la rue : Le Pouvoir doit satisfaire ses besoins sociaux et mieux répartir la rente par la «démocratisation de la corruption»(13). Cette politique initiée, depuis 1999, n'a été possible que grâce à l'amélioration constante de la rente pétrolière(14), jusqu'à 2013. Le renversement de la conjoncture sur le marché international des hydrocarbures ferme cette unique variable d'ajustement politique du Pouvoir, qui comprend, dès lors, que son horloge politique lui est comptée et qu'il doit rapidement procéder au remplacement du Président elliptique… avant que ce ne soit trop tard pour tous les clans et qu'une vague sociale de fond ne vienne emporter tout cet édifice factice en «pertes et profits». Car pendant ce temps, la nébuleuse opposition(14) gagne en maturité, se structure et s'affirme en interne et à l'extérieur, confortant ses rangs et poussant le Pouvoir jusqu'à ses derniers retranchements politiques(15). Incapable de lancer un projet de société novateur et crédible, le Pouvoir va s'adonner à ce qu'il a toujours fait, à savoir une fuite en avant additionnelle, en relançant, une nouvelle fois maladroitement, le débat sur les amendements constitutionnels(16), pour tenter de faire croire qu'il reste maître du jeu politique. Jugez-en : près de quatre ans après son annonce, par le Président elliptique, ce dernier a appelé l'opposition à participer aux consultations autour de la révision constitutionnelle le 24 décembre, pour aboutir à un «consensus». La date de révision du projet constitutionnel est arrêtée par le secrétaire général du FLN, M. Saâdani(17), à fin avril 2015. «La révision de la Constitution n'est pas à l'ordre du jour de la session de printemps du Parlement qui débute ce lundi 2 mars», lui répond, de son côté, le second pied nickelé M. Ould Khelifa, président de l'APN. Il précisera, dans un entretien à El Khabar : «Nous n'avons reçu aucune consigne du gouvernement pour programmer le projet de révision de la Constitution, pour la session de printemps du Parlement.» Cependant, il confirme que le projet sera soumis aux deux chambres parlementaires, qu'il sera approuvé par le Conseil des ministres et soumis au vote des parlementaires, en entier, sans débat, comme en novembre 2008. Le premier pied nickelé, M. Bensalah, le président du Conseil de la nation et également secrétaire général du RND(18) dément cette déclaration et le contredit, affirmant que «tous les indicateurs attestent que la révision de la Constitution n'est pas loin», dans son discours d'ouverture de la session de printemps du Conseil de la nation. Il ajoutera : «Peut-être que l'honneur de [la révision de la Constitution] marquera l'histoire du parlement durant cette session.» Revenant sur ses propres déclarations, le président de l'APN affirme, cette fois, qu'«il a effectivement reçu cette copie depuis 15 jours», à l'émission «Question de l'heure», de l'ENTV, dévoilant quelques anecdotes croustillantes, au passage, telles que «le chef du gouvernement sera issu du parti qui détient la majorité au Parlement et sera personnellement ainsi que ses ministres responsables devant lui» et que ce texte consacrera «la séparation des pouvoirs»… Mais il se ravisera une fois de plus en affirmant que «le dernier mot reviendra au Président». Le troisième pied nickelé, du triumvirat supplétif du Pouvoir, le président du Conseil constitutionnel, M. Medelci(19), s'apercevant que ces dérapages décrédibilisaient gravement l'opération elle-même, d'une part et le Pouvoir, d'autre part, réagit fermement, le samedi 11 avril 2015, en déclarant : «La Constitution est régie par des règles claires et lorsque le président de la République décide de procéder à sa révision, il le fait à travers une saisine officielle du Conseil constitutionnel et nous sommes en attente de cette saisine jusqu'à présent.» Bref, personne ne sait très exactement quelle ligne tenir, car nul ne sait qui a été retenu comme le futur dauphin et pour lequel les futurs amendements doivent être adoptés ! Car, encore une fois, la révision constitutionnelle n'a de sens, pour le Pouvoir, que dans la mesure où le dauphin est définitivement désigné et cette désignation ne peut être pour le Président elliptique que celle de son frère(20), ce qui ne fait pas consensus. Il ne faut pas oublier les séquences qui ont présidé aux derniers amendements de la Constitution et les objectifs assignés à ce texte. En effet, dès lors que le Pouvoir avait opté pour la reconduction du Président(21), les amendements ont fait l'objet d'une «moubayaa» obséquieuse de tout le cheptel boulitique, sans exception aucune. Des hordes personnalités sont descendues dans l'arène, sabre au clair, pour expliquer au «populos plebus vulgarum», le bien-fondé de ces amendements et les plus zélés, d'entre eux, furent récompensés par des postes de Premier ministre, de ministres, d'ambassadeurs, de wali, de PDG et par des contrats rentiers juteux… Cette mécanique(22), bien huilée, s'est traduite dès lors sur le terrain de l'exécutif par un remaniement, qui a permis au Pouvoir de verrouiller le système verticalement et horizontalement(23). Le scénario avait alors parfaitement fonctionné, à partir du moment que où le consensus sur la reconduction du Président sortant fut obtenu préalablement, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, loin s'en faut ! De même, le remaniement ministériel(24) est venu consolider le consensus entre les clans du Pouvoir pour la redistribution de la rente (25), chacun avançant et plaçant ses pions, dans toutes les structures politiques, administratives, économiques, sociales et culturelles, qui charpentent notre pays, sinon, ce dernier(26) n'a pas de sens pour le Pouvoir, nous sommes loin aujourd'hui de ce cas de figure(27) ! La situation nationale et internationale, tant au niveau sécuritaire, diplomatique, politique, économique et social, ne cessant de se dégrader(28), M. Hamrouche, qui avait interpellé l'institution militaire précédemment(29), va reprendre la parole pour réaffirmer que «l'urgence est de faire face à deux risques imminents, la désintégration totale du pouvoir de l'Etat et la délégitimisation de l'ensemble de la représentation politique et sociale». A sa suite, nous pouvons nous interroger également sur quelle sortie de crise garantie est alors envisageable ou plausible ? (A suivre)