Début du bac dimanche. Après une année scolaire perturbée par plus d'un mois de grève, les candidats semblent désemparés, alors que le ministère se veut rassurant. «Cette année sera celle d'un véritable baccalauréat», une promesse faite par le ministère de l'Education nationale à travers son directeur de l'Inspection générale de la pédagogie il y a quelques mois déjà. Mais cette année encore, les candidats au bac, les parents et les syndicats répètent en chœur que règne la plus «grande pagaille». Après une courte année scolaire fractionnée par des grèves répétitives et même des intempéries, le bac se tiendra à sa date initiale, c'est-à-dire à partir de dimanche. Quelque 800 000 candidats se présenteront dans les 2550 centres d'examen, avec un effectif de 163 000 surveillants et 5100 observateurs. «Nous avons eu des cours au compte-gouttes depuis le début de l'année, puis nous avons été bombardés de polycopiés après la fin de la grève, dès la rentrée des classes début avril. Personnellement, je n'arrive plus à suivre, et d'ailleurs j'ai décidé depuis avril de ne plus retourner en classe. Je continue la préparation de mon examen en cours particuliers». Yasmine, en filière gestion au lycée de Baba Hacen à Alger, ne cache pas sa colère. Les candidats sont-ils prêts alors qu'ils ont failli avoir une année blanche ? «Nous avons été perturbés pendant l'année scolaire et voilà qu'aujourd'hui nous n'avons même pas ce seuil de cours qui doit nous limiter les révisions !» s'exclame Sarah, candidate du lycée Omar Racim d'Alger-centre. La situation est plus inquiétante à In Salah, Tamanrasset et Ghardaïa, où les protestations antigaz de schiste et les violences ont paralysé les cours pendant plusieurs jours. Ataba Pourtant, «il s'agit d'une année ordinaire comme toutes les précédentes, même si nous avons sérieusement ressenti cette grève car elle a eu lieu à une période critique, soit à la fin du deuxième trimestre. Par ailleurs, jamais le programme scolaire n'a été achevé auparavant. La grève est gérée de la même façon que l'on gère les catastrophes naturelles ou d'autres imprévus», estime Assia Outhmania, secrétaire générale de la direction de l'éducation d'Alger-Centre. La mesure qui «rassurait» jusque-là les candidats n'existera pas cette année. La première grande nouveauté du bac 2015 est, en effet, l'annulation du seuil des cours, dit «Ataba». Depuis 2007, date de l'instauration de cette mesure au lendemain de sérieuses perturbations qu'avait connues l'année scolaire, jamais un ministre n'a osé la supprimer. Les candidats ont protesté, parfois même violemment, et réclamé son maintien. Même revendication de la part des syndicats et même des parents d'élèves qui n'ont pas hésité à l'exiger pour cette année. La ministre s'y est clairement opposée. Argument : «Restituer à ce diplôme la valeur qui est la sienne pour qu'il soit reconnu à l'échelle internationale», avait déclaré dans les médias le directeur de l'Inspection générale de la pédagogie au ministère de l'Education nationale, Meskem Nedjadi. Retard «Le seuil a été instauré suite à une conjoncture particulière, puis maintenu à cause d'autres circonstances au fil des années», explique encore Assia Outhmania. Comptant en effet sur cette mesure exceptionnelle, les enseignants et parfois les élèves multiplient les grèves et les revendications, dans la mesure où en réalité les cours de rattrapage ne sont plus obligatoires. Car, jusque-là, la commission pédagogique chargée du suivi des programmes et l'élaboration des sujets sillonnait les établissements scolaires du pays et fixait un seuil des cours à réviser pour les candidats. Désormais, plus de concession. Au lendemain de la reprise des cours début avril, la ministre avait déjà annoncé la couleur. Pas de report de l'examen du bac, encore moins le maintien de ce seuil. Pour elle, tous les cours sont importants et il faut une «rupture avec cette habitude et cet état d'esprit qui reviennent chaque année». Les sujets et l'évaluation ne porteront que sur des cours «réellement dispensés» et le retard enregistré n'étant pas «très important». «Il n'y a pas de retard dans les cours. Je rassure les candidats. Il n'y aura aucune question sur des cours qui n'ont pas été dispensés en classe», confirme la secrétaire générale de l'académie d'Alger-Centre. Quelle valeur a encore cet examen aujourd'hui dans la mesure où jamais le programme tracé n'a été achevé ? Le baccalauréat algérien «n'a plus aucune valeur» et ses examens «sont devenus inutiles», affirme Meskem Nedjadi. «Le seuil aurait ainsi pleinement participé à la dévalorisation du diplôme algérien durant les sept années de son application». Statistiquement, affirme encore le même responsable, 35% des bacheliers ayant bénéficié du seuil de cours n'ont pas validé leur première année universitaire et «n'ont pas assimilé les cours». Mme Outhmania le contredit : «Le bac restera crédible.» En tout état de cause, «le taux élevé de réussite au baccalauréat ne doit pas être un indicateur de la réussite des réformes en cours dans le système éducatif, ni celle d'un ministre en poste, car ce dernier exige une évaluation objective et un examen sérieux de tous les programmes de réforme», estime le pédagogue Bachir Hakem.