Le pouvoir, dans ses différentes déclinaisons, semble s'être enfin accordé sur un agenda politique plus ou moins consensuel pour boucler l'année sans trop de casse. Quand on voit le soudain empressement du pouvoir à expédier les procès de série noire qui auraient dû étaler le linge sale de la corruption, la conclusion est que quelque chose de plus sérieux, voire de décisif se prépare. L'autoroute Est-Ouest, El Khalifa Bank, la CNAN, Sonatrach 1, Oultache sont autant de procès éminemment politiques ouverts, comme par enchantement, de manière simultanée. Connaissant les tares et les avatars de la justice algérienne, il serait naïf de croire qu'il y a véritablement volonté de crever les abcès et de sanctionner les coupables. Avec le déroulement du procès Khalifa, on a eu la confirmation que l'opinion publique devait juste se contenter de cette mise en scène et inscrire à l'actif du pouvoir que le procès de l'ex-golden boy a bel et bien eu lieu. Et tant pis s'il s'a été transformé en un non-événement languissant, tant le gros poisson n'a pas mordu à l'hameçon. Il est tout de même significatif que Rafik Khalifa qui a promis de grands déballages se soit tenu tranquille, voire, parfois taquin, face à une assistance qui n'en croyait pas ses yeux. La question brûle les lèvres : pourquoi avoir attendu une dizaine d'années et un scénario rocambolesque de demande d'extradition pour arriver à un procès sans relief et pour un verdict sans doute anecdotique ? Ce procès comme ceux cités plus haut semblent plus servir une feuille de route politique qu'une volonté de rendre justice. Faut-il souligner que l'ouverture de ces scabreuses affaires a été accompagnée d'un feu vert à Amar Saadani de tenir le congrès du FLN sans se soucier des contestataires, rapidement mis hors d'état de nuire ? Il y a forcément dans cette cohérence de calendrier un dessein politique qui dépasse largement les enjeux de procès, fussent-ils très préjudiciables à l'économie nationale. Il y a clairement une volonté de mettre les choses à plat, quitte à bâcler les procédures et faire payer les lampistes, pour déblayer le terrain aux choses plus «sérieuses». A commencer par la révision de la Constitution qui pourrait intervenir à la rentrée sociale. Mais le plus important est que le régime affiche une union sacrée – du moins en apparence – avec un FLN plus ou moins stabilisé et un RND remis en ordre de bataille par le tonitruant revenant Ouyahia. C'est sans doute ce que le président Bouteflika appelle le «renforcement du front interne». Ebranlés par la chute brutale des cours du pétrole et les menaces du voisinage immédiat, les différentes composantes du pouvoir veulent sauver leur peau quitte à oser des baisers de Judas. En creux, il y a évidemment la question de la succession à Bouteflika qu'on souhaite négocier sans accro. Mais la grande inconnue est de savoir s'il est encore possible, dans un contexte national et régional crisogène de sauver et le régime et l'Algérie sans trop de casse. L'opposition n'y croit pas trop.