Le romancier Rachid Boudjedra, honoré cette année par le Festival international du film arabe d'Oran (Fifao) pour ses cinquante ans de carrière littéraire, réagit avec calme à la polémique suscitée par ses propos sur l'athéisme fait dans l'émission «Mahkama» d'El Chourouk TV de Madiha Allalou. «La présentatrice de l'émission a fait un montage à sa manière et a manipulé mes propos. Elle s'est concentrée sur une expression que j'ai dite sur le ton de la plaisanterie. Une plaisanterie lourde. Elle m'a agressé en me demandant si j'étais athée ou pas. Je lui répondu que oui pour répondre à cette agression. Pour moi, l'islam est la religion du peuple algérien, pas celle de l'Etat. Moi, je suis du côté du peuple. Je ne peux dire du mal de l'islam, car de cette manière je porte atteinte à ce peuple. Tout le monde connaît mon parcours politique. Si je suis communiste, c'est parce que j'aime mon peuple», a déclaré, hier, Rachid Boudjedra, au théâtre Abdelkader Alloula d'Oran, en marge d'un colloque sur le roman et le cinéma organisé à la faveur du 8e Fifao. Rachid Boudjedra est la cible d'attaques haineuses sur les réseaux sociaux, y compris de l'Association des oulémas musulmans qui, dans un communiqué, a appelé à ne pas enterrer l'écrivain dans un cimetière musulman. «C'est un malentendu total. Je suis un fils de zaouïa et un lecteur du Coran. J'ai grandi dans une famille qui respectait la religion islamique. Je respecte l'islam non seulement comme une religion, mais comme une civilisation aussi. Je suis parmi les rares écrivains arabes à avoir utilisé la civilisation arabo-musulmane, ses textes et ses sciences dans mes romans. J'ai évoqué Al Khawarizmi et les moutasawifine. Je me sens musulman soufi. J'ai une vision de l'islam qui ressemble à celles d'Ibn El Arabi, El Halaj ou l'Emir Abdelkader. Donc je m'interroge : pourquoi la présentatrice d'El Chourouk m'a-t-elle posé la question sur l'athéisme. C'est une provocation. Je n'ai aucun rapport avec l'athéisme. Cela dit, tout le monde connaît les complots d'El Chourouk, journal comme télé», a ajouté l'écrivain. «J'ai 75 ans. J'ai fait plusieurs interviews à des télévisions et des journaux. A aucun moment, je n'ai dit que j'étais athée. Donc ce qui se dit à propos de cela relève du mensonge et de l'invention», a-t-il appuyé, en citant l'exemple des attaques subies par le passé par Kateb Yacine. Interrogé sur la campagne menée depuis quelques mois contre les hommes de culture et les écrivains (Lyès Salem, Kamel Daoud, etc.), l'auteur de Topographie idéale pour une agression caractérisée a estimé que les écrivains doivent s'exprimer librement en Algérie. «Nous devons respecter la liberté d'expression et la liberté du culte. Notre société n'est pas encore prête à accepter certaines choses», a-t-il dit.