Les choses sont définitivement claires depuis la réunion de l'OPEP de ce week-end à Vienne. La guerre des prix lancée par l'Arabie Saoudite à l'automne dernier est une guerre de longue durée. Youcef Yousfi, l'ex-ministre de l'Energie, n'en était pas convaincu de longs mois durant. On connaît la suite. L'OPEP ne va donc pas bouger. Pas d'un baril. Même plafond de production généreux — 30 millions de barils/jour. Même souplesse avec ceux qui dépassent leurs parts de production et qui font qu'au mois d'avril l'OPEP a produit 31,21 millions de barils par jour. Mais alors, à quoi est dû ce sentiment qui a plané sur Vienne, qu'en dépit d'un marché largement excédentaire au premier semestre 2015, la tendance est bien orientée pour les producteurs ? A deux conséquences «positives» de la chute de 40% des prix du brut (mai 2015 rapporté à l'été dernier). La première était souhaitée par les Saoudiens et concernait l'offre de pétrole. La seconde attendue de tous et touchait la demande. L'offre d'abord. Elle est désormais bridée. Le but poursuivi par Riyad de faire stopper des forages non conventionnels aux Etats Unis — produisant du pétrole de schiste cher en plus du gaz — a commencé à être atteint depuis le début de l'année. La production américaine de pétrole a légèrement baissé. Plus de 40% de puits ont été soit fermés, soit ont vu leur production (forage) différée dans le seul Texas. Du côté de la demande, la déflation énergétique liée à la baisse des cours a contribué à relancer l'activité de la zone euro et a contenu l'atterrissage dans les pays émergents. Il en résulte une prévision de croissance légèrement supérieure à 1% de la demande de pétrole mondiale au second semestre 2015. Une amélioration par rapport aux prévisions précédentes. Cette tendance à la sortie du marché d'une partie des producteurs marginaux est avancée comme la première explication au redressement des cours du brut ces derniers mois. Ils ont repris en moyenne 40% par rapport au plus bas atteint en novembre 2014. Le pétrole autour de 60 dollars le baril — plus ou moins 5 dollars selon les deux variétés du brent ou du WTI — est bien sûr inférieur de 40% aux 112 dollars en moyenne du début du cycle baissier en été 2014. Ce prix permet-il toutefois d'affirmer que le bras de fer entre gros producteurs à faible coûts de l'OPEP et nouveaux producteurs à coûts élevés hors OPEP est en train d'être gagné par les premiers ? Les analystes sont partagés sur les conséquences d'une poursuite de la stratégie Saoudienne de l'OPEP laissant les excédents réguler le marché pétrolier. Le principal résultat auquel elle est en train d'aboutir, de fait, est de transférer l'ajustement des prix de l'OPEP vers les Etats-Unis. En effet, si une partie des acteurs américains a déjà contribué au redressement des cours durant le premier semestre 2015, en sortant du marché, elle peut, lorsque les cours seront à nouveau suffisamment rémunérateurs, décider de la reprise de la production et donc d'un nouveau cycle excédentaire de l'offre. Et sa séquence suivante, la baisse des cours pétroliers en l'absence d'une restriction du plafond de production et des quotas des Etats membres de l'OPEP. Les Etats-Unis sont donc amenés à réguler les cours en fonction de leur niveau de production, lui-même dépendant des cours. C'était exactement le rôle de l'OPEP ces 40 dernières années. Et, en dernière instance, celui de l'Arabie Saoudite au sein de l'OPEP. La nouvelle situation concrétise la nouvelle donne géo-économique dans l'offre mondiale de pétrole. L'OPEP en assurait 55% en 1970. Seulement 33% en 2015. Le scénario dominant au-delà de 2015 est celui d'un maintien d'une production haute de l'OPEP avec les retours attendus de la production iranienne freinée par les sanctions économiques et ceux d'autres pays qui n'atteignent pas leur plafond pour cause de troubles internes (Irak et Libye principalement). Les parts de marché que vont perdre les acteurs américains du non-conventionnel sont destinés à être reprises par les membres de l'OPEP en priorité. Dans un équilibre offre-demande en trompe-l'œil. L'Algérie n'est bien sûr pas le seul pays à souffrir de la tentative saoudienne de rétablir un rôle central de sa production dans la régulation du marché mondial de pétrole. Le seuil du déficit budgétaire débute à 95 dollars le baril pour l'Algérie, à 80 dollars pour l'Angola, et même à 77 dollars pour le Koweit, selon son ministre du Pétrole, Ali Saleh Al-Omair. Le fait est qu'un changement de stratégie de l'Arabie Saoudite est exclu dans un horizon temporel prédictible. Une politique de raffermissement des prix par la baisse du volume de production remettra en selle trop vite et beaucoup trop de producteurs américains marginaux. A Vienne, vendredi, personne n'a songé le demander clairement à Riyad. C'est dire si tous ces pairs ont intériorisé le cap actuel. Laisser faire les excédents. Le nouveau ministre algérien de l'énergie, Salah Khebir, a fait l'aller-retour à Vienne sans déclarations à la presse. Il a encore le temps de s'exprimer cette semaine. La tendance des ministres du «renouveau» à ne rien dire depuis leur installation il y a trois semaines commence à peser lourd sur la lisibilité de leur politique. Abderrahmane Benkhalfa, nouveau ministre des Finances, a demandé du temps — à des confrères qui l'ont sollicité pour des entretiens — , ce qui augure déjà de la difficulté à soutenir les mêmes propositions avant et après les nominations. Le mutisme présidentiel fait donc école. Pour lire les intentions de politique à conduire dans chacun des secteurs coiffés par de nouveaux ministres, il faudra, en attendant des contenus programmatiques, décrypter des nominations. Salah Khebri a récupéré Mohamed Hamel pour le suivi Opep. Tout le monde s'en félicite dans le secteur de l'Energie. L'ancien vice-président de Sonatrach est réputé très solide sur le dossier. Mais pour faire quoi ? Autre indication à défaut de déclaration, le retour de Younes Grar au ministère des PTIC. Avec lui au moins on connaît un bout des orientations stratégiques qu'il défend. Elles sont résolument tournées vers la construction d'un écosystème de la numérisation de l'Algérie. Pourra-t-il les partager avec la nouvelle ministre des PTIC à partir de sa nouvelle fonction de directeur de cabinet ? Il est peut-être temps que les ministres prennent la parole.