Après avoir entendu la défense des accusés poursuivis pour des délits, le tribunal criminel de Blida a entamé, hier, les plaidoiries des accusés en détention. Tous ont réclamé l'acquittement et évoqué encore une fois les cas des personnes citées dans l'arrêt de renvoi mais qui n'étaient pas concernées par ce procès qui tire à sa fin. C'est en début d'après-midi que les avocats des accusés en détention ont entamé les plaidoiries. Tous ont réclamé l'acquittement. Me Houria Mahoudi, avocate de Mohand Arezki Amghar, directeur de Khalifa Rent Car, contre lequel une peine de 15 années de réclusion avait été demandée, déclare qu'il y a une confusion entre un crédit qui doit avoir comme garantie une hypothèque d'un bien et un prêt dont la garantie est le salaire. «Mon client a obtenu un prêt qu'il devait rembourser.» L'avocate réfute les accusations de vols qualifiés et d'abus de confiance retenues contre son mandant, en expliquant qu'il «n'a jamais caché le montant du crédit, et de ce fait, il n'avait pas l'intention de voler ou d'abuser de la confiance de l'entreprise, précisant qu'il a aussi entamé le remboursement de ce crédit». Elle demande l'acquittement avant que Me Boutarek, avocat de Abdehafid Chachoua, responsable de KGPS (Khalifa Protection et Sécurité) contre lequel une peine de 20 ans de réclusion a été requise, et son père Ahmed Chachoua, employé de KGPS, contre lequel le parquet a requis 10 ans de réclusion commence par affirmer qu'il attend «cette affaire depuis 2012, mais pour des considérations non encore inconnues, elle a été programmée puis déprogrammée, avant de revenir». Il est formel : pour lui, cette affaire est purement commerciale, mais elle a été transformée en criminelle. Il revient sur le propos du procureur général, qui affirmait que «depuis l'arrivée des Chachoua, la banque a changé. Il l'a mis parmi les membres de l'association de malfaiteurs. Alors le liquidateur que fait-il ? Il liquide une association de malfaiteurs ? Dans ce cas, il faut poursuivre la personne morale, qui est El Khalifa Bank». Me Boutarek rappelle au procureur général qu'il n'a pas introduit de pourvoi contre Abdehafid, et de ce fait, ses demandes sont jugées «inexplicables». Me Boutarek s'attarde sur «la collaboration» de son client avec le liquidateur avant de réfuter toutes les accusations contre son client. Et d'évoquer Ahmed Chachoua, le père, âgé de 82 ans, ancien moudjahid : «Si vous le connaissiez, vous lui accrocheriez une médaille. Il a rejoint la police en 1962, où il a exercé jusqu'à sa retraite. Le procureur général dit qu'il vendait des bonbons sur une charrette. Non, il était grossiste de bonbons, et avait bénéficié d'une concession agricole. Il assurait le transport de fonds, autre chose ne le concerne pas. Alors qui a-t-il volé ?» Pour l'avocat, aucune des accusations dirigées contre Ahmed Chachoua «ne repose sur des preuves». Au procureur général, il affirme que son client a le droit de passer des nuits dans un hôtel, et il lui demande d'expliquer comment il peut prouver le vol qualifié, l'association de malfaiteurs et l'escroquerie. Il se dit étonné de voir le parquet l'accuser de faux et usage faux alors qu'il n'est pas concerné par la comptabilité. Le juge : «Le faux concerne l'affaire des 11 écritures entre sièges.» L'avocat conclut en demandant l'acquittement. Me Mohamed Zitouni, avocat de Noureddine Dahmani, responsable des équipages de Khalifa Airways, contre lequel une peine de 5 ans de réclusion a été demandée, plaide l'innocence de son mandant, en expliquant qu'il avait bénéficié d'«un crédit (NDLR : 9,5 millions de dinars) et la garantie était son poste de travail, mais aussi l'accord signé du PDG». Me Chawki Belaabia, avocat de Salim Larbi, un steeward de Khalifa Airways, contre lequel une peine de 5 ans de réclusion a été requise, pour avoir pris un crédit de 1,5 million de dinars sur la base d'une demande faite à Abdelmoumen Khalifa, à bord d'un avion, demande au tribunal «si ces faits peuvent constituer un crime. C'est peut-être une erreur, mais pas les crimes d'association de malfaiteurs, de vol qualifié et d'abus de confiance. Y a-t-il ici un seul mis en cause qui l'ait cité ? Est-ce que mon client s'est appuyé sur un des accusés pour avoir ce crédit et de surcroît qu'il a remboursé ? Non. Alors pourquoi est-il poursuivi ? Est-ce que la demande faite à son PDG est illégale ? Non. C'est son PDG. Il lui a fait un bout de papier. Est-ce son erreur ? Non.» L'avocat rappelle au tribunal la promesse faite par le procureur général, lors du procès de 2007, d'ouvrir des enquêtes sur les déclarations de certains témoins, «mais en vain». Pour ce qui est de Fayçal Zerrouki, directeur de l'agence de Blida, contre lequel une peine de 10 ans de réclusion a été requise, l'avocat affirme que son client a été poursuivi parce que c'est avec son code d'accès que la manipulation de 13 comptes débiteurs, devenus créditeurs, a été effectuée. «Fort heureusement, tout le monde sait que Zerrouki était en congé lorsque cette opération a été effectuée. De plus, tout le monde sait qu'il n'était pas la personne qui avait un intérêt dans cette affaire», dit-il avant de réclamer l'acquittement. L'ombre d'Ahmed Mir Me Nabil Benouaret et Me Ould El Hocine, avocats d'Ahmed Yacine, PDG de Digromed, contre lequel le procureur général a demandé une peine de 6 ans de réclusion, font remarquer que leur client est dans le box pour avoir placé 325 millions de dinars à El Khalifa Bank, alors que cette décision a été prise après les problèmes rencontrés par Digromed au CPA. «Cette banque publique a créé à la société des contentieux avec les clients au point où certains de ses comptes ont été gelés. Le PDG était obligé de trouver une autre solution. El Khalifa Bank offrait les meilleurs services. En bon gestionnaire, Ahmed Yacine a placé l'argent de la société dans cette banque où une grande partie de ses clients y sont domiciliés.» Me Benouaret s'interroge sur les déclarations du procureur général à propos des biens de son client en Algérie et en France et déclare : «L'appartement de Paris a été acheté en 2001 par Mme Yacine, avec laquelle il s'est marié en 2002. Il est impliqué dans cette affaire sur la base des déclarations de Aziz Djamel, directeur de l'agence d'El Harrach. Il a bel et bien procédé à des sessions de formation pour un montant global de 8,5 millions de dinars, qu'il n'a pas pris dans des sacs. Il a été payé par chèque dans la légalité la plus absolue. Il m'a demandé pourquoi il est au box alors qu'il avait bénéficié de la relax, je lui ai dit que le parquet général a le droit de faire un pourvoi et alors il m'a surpris par une autre question. Il m'a demandé pourquoi alors, le même parquet a retiré son pourvoi contre un accusé qui avait été condamné à une peine de prison ferme. Là, j'ai aussi dit que cela relève de ses prérogatives.» L'avocat cite, en fait, l'affaire d'Ahmed Mir, qui avait été condamné, en 2007, à 2 ans de prison et le procureur général a introduit un pourvoi contre lui, mais il l'a retiré quelques temps plus tard. Le seul retrait de pourvoi du parquet. Contre toute attente, Ahmed Mir quitte la prison moins d'une année après, sur instruction de la présidence de la République, après qu'un des membres de sa famille soit allé solliciter le Président. Me Ould El Hocine estime que tout le travail du parquet général repose sur «des suppositions, des peut-être, des on dit. Où sont les preuves ? C'est à l'accusation de ramener les pièces à conviction. Quelles sont les motivations qui justifient les chefs d'accusation contre Ahmed Yacine ? Il n'y a rien dans le dossier. De ce fait, je demande l'acquittement». Dans la matinée, les avocats des accusés poursuivis pour des délits ont poursuivi leurs plaidoiries rejetant tous les faits reprochés, et demandant la relaxe. Me Athmane Bendahou, avocat de Omar Mohamed Belkebir, responsable de Khalifa Impression, contre lequel le procureur général a requis 3 ans de prison ferme, pour abus de confiance, revient sur la carrière professionnelle de son mandant, avant d'évoquer la «confusion faite entre KRG, la société de médicaments de 1996, et celle créée en 2002 et au sein de laquelle mon client n'a jamais exercé. Moumen a vendu toutes ses actions et tout son materiel pour créer Khalifa Impression, laissant uniquement une voiture, une Cielo». L'avocat reprend les propos du liquidateur Moncef Badsi, selon lesquels, «cette filiale était la filiale qui a le plus rapporté d'argent parce qu'elle avait des actifs. Cela veut dire que Belekbir était un bon gestionnaire». Me Bendahou rappelle au tribunal que ni le parquet ni le juge ne peuvent sortir du contenu de l'arrêt de renvoi. «Les documents dont parle le procureur général ne concernent que la société. Ils étaient en possession du séquestre judiciaire. S'ils étaient importants, Belekbir aurait été poursuivi pour dissipation de documents. Or, il est là pour une voiture, qui n'était pas sur la liste des véhicules réclamés par Moncef Badsi liquidateur d'El Khalifa Bank. Ce véhicule a été refusé par ce dernier et par le séquestre judiciaire de Khalifa Impression parce qu'il était au nom de KRG de 1996. Il a tenté de le restituer à la famille Khalifa, mais elle était injoingnable. Alors, il l'a gardé, en attendant qu'il soit réclamé. Dans ce cas-là, Belekbir a abusé la confiance de qui ?» lance l'avocat avant de demander la relax. «Lors du procès de 2007, le procureur général a promis des enquêtes sur certains témoins» Me Abdelhafid Belkheider, avocat de Adda Foudad, l'ancien directeur de l'Ecole de police de Aïn Benian, contre lequel le parquet général a demandé une peine de 7 ans de prison ferme, relève que les délits de corruption et de trafic d'influence, pour lesquels est poursuivi l'ancien divisionnaire, «ne peuvent être retenus en même temps». Pour l'avocat, Foudad est «une victime» parce qu'effectivement, à Paris en France, «il n'y a pas d'agence El Khalifa Bank, mais un petit bureau, si l'on se réfère aux déclarations de Soualmi, avec quelques agents. L'argent est remis à la secrétaire, qui elle va le déposer sur le compte d'El Khalifa Bank à Sao Paulo. Foudad a été parmi ces gens. Il a confié son argent à ce bureau. Il a été victime de Soualmi. Celui-ci dit aussi, que Sao Paulo donne à El Khalifa Bank, 3% d'intérêt pour l'argent qu'on dépose, et en Algérie, on verse aux déposants 8%. Il est possible que l'argent de Fouddad ne soit jamais rentré, mais il a été victime de Soualmi». L'avocat met tout sur Hocine Soualmi, l'ancien directeur de l'agence des Abattoirs, qui d'après Me Belkheider, a été à l'origine de ce nantissement sur une hypothèque d'une usine appartenant à une société algéro-espagnole, pour récupérer son argent auprès du liquidateur. «Foudad a été naïf de croire Soualmi.» Me Belkheider est formel : «Badsi ne s'est pas opposé au nantissement dans la lettre transmise à l'avocat de Foudad. Mais après, l'opération s'est avérée impossible parce que l'argent était déjà parti et le liquidateur a tout annulé. Pour lui, la transaction est illégale. C'est son droit. Mais dans cette affaire, c'est Foudad qui a été victime et personne d'autre. Peut-il voler son argent ? Pour nous, le seul responsable de ce vol est Soualmi.» Maîtres Tendighar et Nacéra Ouali, avocats de Mustapha Benhadi, l'un des dirigeants de la société algéro-espagnole qui a signé avec Foudad le nantissement, contre lequel le procureur général a requis 3 ans de prison ferme, mais aussi Samira Bensouda, directrice du bureau de Khalifa TV à Alger, contre laquelle une peine de 2 ans de prison ferme a été requise, reviennent tous deux sur un point de droit lié à la cassation. D'emblée, ils affirment : «Nous sommes tous, ici, ligotés par l'arrêt de renvoi, mais aussi par l'arrêt de la Cour suprême. L'article 524 du code de procédure pénale est très clair. Nous ne devons pas sortir des moyens de cassation sur lesquels la Cour suprême s'est prononcée. Il faut que le tribunal se limite à démontrer comment Benhadi a fait pour escroquer El Khalifa Bank. Rien ne prouve que le mis en cause a pu escroquer El Khalifa Bank. Il a tout payé. Bien que l'opération de rachat de sa dette par Adda Foudad soit légale, comment pouvait-il savoir que l'argent de Adda Foudad n'a jamais été transféré ? C'est une victime. Mais il a remboursé sa dette sans aucun problème. Pourquoi est-il ici ? Où est le faux et l'usage de faux ? Est-ce qu'El Khalifa Bank s'est plainte ? Non, elle ne l'a pas fait. Nous attendons qu'il soit relaxé.» Pour ce qui est de Samira Bensouda, les deux avocats déclarent que «la voiture que la justice lui reproche de ne pas avoir rendue n'a pas été prise par la mise en cause. Elle était au siège de Khalifa TV. Samira Bensouda était en voyage et lorsqu'on lui a dit que les gendarmes cherchaient la voiture, elle est rentrée et l'a restituée. Où est l'abus de confiance ?» Ils rappellent les conditions dans lesquelles elle a été détachée de son poste de directrice chargée de la presse au ministètre de la Communication pour être désignée à la tête du bureau d'Alger de Khalifa TV. «C'est elle qui a tout fait pour restituer la voiture à M. Houssou, le liquidateur, mais il lui a demandé de la garder parce qu'elle travaillait avec lui. Elle est partie en voyage en la laissant au siège de Khalifa TV. Lorsqu'on l'a appelée pour lui dire que la gendarmerie voulait la récupérer, elle est rentrée et l'a restituée. Elle doit être relaxée», plaident-ils. De nombreux avocats des accusés en détention absents à l'audience Me Mohamed Malek, avocat de Majda Laagoun (contre laquelle une peine de 2 ans de prison a été requise pour n'avoir pas restitué une voiture qu'elle avait louée auprès de Khalifa Rent Car) conteste, lui aussi, les faits reprochés à la mise en cause, en affirmant que sa cliente «n'avait nullement l'intention de garder le véhicule». Il indique que «le retard enregistré dans la restitution ne peut être utilisé pour poursuivre sa cliente». Me Mustapha Oukil, avocat de Rabah Bousabine, PDG de l'EPLF de Blida, contre lequel une peine de 2 ans de prison ferme a été demandée, revient au procès de 2007 et affirme que «durant ce procès il y a eu une campagne très grave et aujourd'hui, nous sommes toujours victimes de cette campagne parce que nous sommes devant un procès des déposants et non pas d'El Khalifa Bank». L'avocat souligne que son client est poursuivi uniquement pour corruption : «En mai 1999, il avait reçu des offres pour des taux d'intérêt de 12 à 13% pour les placements. En décembre 1999, l'entreprise a vendu des logements à la Sûreté nationale, l'argent perçu a été placé à El Khalifa Bank. Le PDG a soumis cette décision au conseil d'administration, qui a autorisé le placement à travers une résolution. Où est le trafic d'influence ? Comment l'accuser de corruption juste parce qu'il a obtenu un crédit dans les règles, avec intérêt, et qu'il a remboursé ? Depuis quand un contrat de crédit devient-il de la corruption ? Corrigez cette erreur en appliquant la loi.» L'avocat de Berkat Benachir, financier de l'OPGI de Relizane, contre lequel une peine de 2 ans a été requise, note que son client n'a fait qu'exécuter les décisions du directeur général en effectuant le placement de 80 millions de dinars.