Pour la SG du PT, les deux messages de Bouteflika et de Gaïd Salah au FLN augurent des jours sombres pour le pays. Inédit, hideux, laid, viol des consciences des soldats et des officiers, dérive dangereuse, acte anticonstitutionnel…» Mme Louisa Hanoune a usé hier d'une palette de superlatifs décapants pour qualifier la lettre du président de la République à Amar Saadani et celle du vice-ministre de la Défense nationale et chef d'état-major de l'armée, Ahmed Gaïd Salah, adressée à Amar Saadani, à l'occasion de son plébiscite au congrès du FLN. Sa conférence de presse était très attendue, elle qui a eu le rare privilège d'être reçue, en tant que responsable politique par le chef de l'armée au ministère de la Défense, aujourd'hui au centre d'une violente polémique. Force est de constater que la pasionaria n'a pas «déçu» par son ton grave, radical, violent aux entournures dans certains de ses commentaires acidulés. Bien qu'elle se soit gardée de s'en prendre personnellement au général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, auteur de la fameuse et fumeuse lettre, Louisa Hanoune ne s'est pas privée pour autant de dire crûment ce qu'elle pense de son contenu. «Il s'agit d'un viol de la conscience des soldats et des officiers, dont son auteur n'aurait pas mesuré l'impact d'un tel acte», tonne-t-elle. La première responsable du Parti des travailleurs, habituellement plus subtile et nuancée quand il s'est agi de commenter les faits et gestes du cercle présidentiel, a cette fois tiré dans le tas. A commencer par le président de la République, dont elle semble douter même qu'il soit l'auteur de la lettre de félicitations envoyé à Amar Saadani. «Le message attribué au président de la République lors du congrès du FLN est inédit, hideux, laid. Ce n'est pas digne de notre pays. Le président de tous les Algériens devient, tout d'un coup, celui d'un parti. Tout le contraire de ce qui est en cours ailleurs», déclare-t-elle. Les illusion perdues En creux, Louisa Hanoune suggère deux choses : soit le Président n'est pas l'auteur de la lettre auquel cas ce serait grave, ou alors qu'il en assume le contenu, ce qui ne l'est pas moins. Au passage, elle dit «prendre acte» de «l'absence de volonté politique chez le Président d'engager un processus constitué par le haut». Plus grave encore, elle pense qu'«il y a plusieurs centres de décision et d'intérêts à la Présidence même et autant de scénarios et pas un seul». Louisa Hanoune a mis des mots détonants sur les maux qui caractérisent la scène politique nationale. «On est en train d'assassiner le pays au nom du président de la République», bombarde-t-elle dans ce qui s'apparente à un coup de sommation contre les différents centres de décision, où elle semble ne plus saisir l'agenda. «L'Algérie est comme un bateau ivre… » Pour elle, la situation que renvoie la double lettre de félicitations à Amar Saadani porte un nom : «La politique de terre brûlée.» Ce qui l'inquiète le plus est que la lettre de Gaïd Salah «n'est pas la continuité de celle du Président ; mais la preuve d'une concurrence féroce entre plusieurs cercles». Mme Hanoune affirme : «Il y a des recompositions guidées, par moments, par leurs seuls intérêts étroits, avec le mépris du peuple.» En filigrane, Mme Hanoune laisse entendre que le Président et son vice-ministre de la Défense ne sont pas forcément sur la même longueur d'onde. Mais au-delà, le message du général Gaïd Salah constitue à ses yeux «une dérive dangereuse non constitutionnelle qui ne l'engage pas personnellement». Elle en veut pour preuve que «l'armée n'a pas l'habitude d'adresser des lettres de félicitations à des partis politiques». Elle croit même savoir que le chef de l'armée «n'a pas calculé les impacts de sa démarche». Et pour cause, la patronne du PT estime qu'un tel geste «inhabituel de la part de l'institution militaire (le message de Gaïd Salah) pourrait engager le pays dans la déstabilisation et la fragilisation». Et d'ironiser : «L'Algérie est telle ce bateau ivre sans personne au gouvernail, qui peut chavirer et sombrer à tout instant. Il y a caporalisation des institutions et du gouvernement. C'est un rythme étourdissant, d'où la difficulté des lectures.» C'est dire qu'il y a de la désillusion, de l'amertume, de la crainte et parfois de la panique dans les propos de la secrétaire générale du PT, visiblement déroutée par l'accélération des événements et des décantations. Sa conclusion sonne comme une funeste fatalité : «Cela prépare l'avenue de l'irrémédiable parce que la roue de l'histoire ne fait jamais marche arrière.»