Preuve que la «chose littéraire» a encore du sens, il y avait du monde pour cette rencontre à la Bibliothèque nationale parrainée par le ministère de la Culture et organisée par l'Entreprise nationale des arts graphiques (Enag). Mercredi dernier, la salle de conférences Lakhdar Essaïhi était assez emplie d'hommes et de femmes de lettres, d'éditeurs, de journalistes et de lecteurs passionnés venus se pencher sur le thème «Le passage de l'écriture journalistique à l'écriture romanesque». Un thème déjà abordé lors de la dernière édition du Salon international du livre d'Alger mais qui, comme l'a montré l'assistance présente à travers ses questions et interventions, est loin d'avoir épuisé son intérêt. Ouverte par Hamitou Messaoudi, PDG de l'Enag et, par ailleurs, commissaire du SILA, qui a plaidé pour une animation autour du livre tout au long de l'année, cette rencontre a été conçue par Hamid Abdelkader, journaliste culturel à «El Khabar» et auteur, et Mustapha Madi, sociologue et responsable éditorial chez Casbah Editions, tous deux acteurs dynamiques de la vie littéraire. La liste des invités composait un beau plateau avec Waciny Laaredj, Ahmed El Kabiri (Maroc), Ibrahim Saadi, Mohamed Sari et Mohamed Amine Mohamed Mansour Moussa (Egypte). Si nous ne disposons pas de statistiques, il est certain que les journalistes-écrivains représentent aujourd'hui dans la littérature algérienne un effectif au moins appréciable. Waciny Laaredj a souligné que l'écriture romanesque n'était pas un pis-aller pour les écrivains-journalistes (ou les journalistes-écrivains ?) dont les œuvres littéraires ne sont pas en général des manières d'éviter le courage nécessaire à l'écriture journalistique dans les pays où elle demeure contrainte, voire muselée. Il s'est appuyé sur le cas de Gabriel Garcia Marquez, le Nobel colombien de littérature. En tant que journaliste, il avait publié de nombreux articles et enquêtes dénonçant la dictature dans son pays. Mais à travers son roman «L'automne du patriarche», il a livré un réquisitoire bien plus puissant et plus durable de la dictature. Pour Ahmed El Kabiri, le passage à la littérature répond souvent à un besoin réel et profond d'expression pour disposer d'une écriture libérée des impératifs professionnels de l'information. Il a souligné pour sa part que les journalistes avaient l'avantage d'un contact intense avec la réalité qui leur permettait de nourrir leur imagination. La richesse des interventions et échanges a confirmé l'intérêt d'une rencontre qui, selon Hamitou Messaoudi, sera évaluée pour décider de la rendre périodique ou non et d'en définir les formes les plus adaptées. Soulignons que Waciny Laaredj a été particulièrement honoré par ses pairs et l'assistance pour avoir reçu fin mai, à Doha, le prix Qatara du roman arabe pour sa dernière œuvre «Le royaume du papillon», ce qui lui a valu une belle cérémonie au palais de la Culture d'Alger, initiée et présidée par Azzedine Mihoubi, ministre de la Culture.