Les déclarations de Louisa Hanoune, présidente du Parti des travailleurs (PT), lors de sa conférence de presse, mercredi dernier, dans lesquelles elle évoque un climat «prérévolutionnaire» dans le pays, ne paraissent pas dictées par une quelconque nostalgie pour l'action révolutionnaire et les luttes de classes. Elles découlent d'une analyse qui se veut désormais sans complaisance sur la situation du pays et des dangers qui menacent son unité, sa stabilité et son devenir. Ce n'est pas pour ajouter la peur au spectre de la peur qu'agite le pouvoir à travers ses représentants dans les institutions de l'Etat et sa clientèle, dans les partis et la société civile qui lui sont proches ! Après avoir tiré la sonnette d'alarme sur l'OPA lancée sur les richesses du pays par l'oligarchie financière, de connivence avec des milieux influents de l'entourage présidentiel, et espéré une intervention salutaire de Bouteflika pour mettre le holà sans avoir été écoutée, elle décide désormais de passer à l'action en encadrant des comités populaires locaux pour canaliser et donner de la voix aux indignés contre «tous les centres de décision en concurrence, même ceux qui gardent le silence». Mme Hanoune croit même percevoir dans ce mouvement de colère une lame de fond révélant que des militaires et des policiers «nous ont exprimé leur confiance». La révolution est-elle en marche ? Si la patronne du PT a rassuré sur les objectifs de sa démarche en direction des forces vives du pays, qui vise à absorber la colère citoyenne en l'encadrant politiquement en vue d'en faire une force agissante dans les rapports de force ambiants, elle ne dévoile en revanche rien sur le contenu opérationnel qu'elle donne à cet appel à la large mobilisation populaire qu'elle vient de lancer. Quelle forme prendra cette lutte citoyenne ? Quelle sera la réaction des autorités dont on connaît le degré de tolérance zéro contre les manifestations publiques, voire à toute opposition au régime, qu'elle soit partisane ou portée par la société civile ? Les derniers événements ayant marqué la scène nationale avec l'arrivée à la tête du Forum des chefs d'entreprises (FCE) de Ali Haddad, investi d'une nouvelle feuille de route, les changements intervenus au sein des deux partis du pouvoir, le FLN et le RND, la lettre de félicitations du chef d'état-major de l'ANP, le général-major Gaïd Salah, au FLN après la tenue de son dernier congrès, toutes ces péripéties ont poussé, selon toute apparence, Mme Hanoune à consommer son divorce avec le pouvoir. Elle devient même l'opposante en chef, alors que personne ne l'attendait sur ce terrain, après avoir accordé un chèque en blanc au quatrième mandat au nom du respect du choix du peuple. Le ton véhément utilisé contre Ouyahia, qui ne l'a pas ménagée lors de son retour en grâce au RND, trahissant certainement une position partagée au sein du pouvoir pour lequel elle est devenue infréquentable, indique bien que Mme Hanoune a fait le choix de s'affranchir de ses anciennes alliances. Il serait aujourd'hui trop tôt et hasardeux pour dire sur quoi débouchera le «printemps révolutionnaire» auquel appelle la présidente du PT. Et s'il peut y avoir une possible jonction avec la démarche de l'opposition, regroupée autour de la Coordination pour les libertés et la transition démocratique (CLTD), qui n'en pense pas moins que Mme Hanoune sur l'enjeu de l'implication de la rue pour amorcer le changement et les réformes systémiques.