La décision d'abroger le décret portant sur l'obligation d'utiliser le chèque pour des paiements supérieurs à 50 000 DA était « prévisible » pour de nombreux analystes et observateurs. Selon M. Lamiri, économiste, ce décret était inapplicable du fait que les banques ne se sont pas encore ouvertes à l'ère de la modernité. « Ce système n'était pas techniquement possible. Avant de promulguer ce décret, il fallait d'abord s'assurer que le paiement de masse était fin prêt. Les deux méthodes doivent fonctionner en parallèle. Le système bancaire électronique n'est pas opérationnel à 100%. Ils se sont empressés, et ils se sont fait piéger », estime M. Lamiri. Le ministre des Finances, Mourad Medelci, avait, dans une récente intervention médiatique, avancé les mêmes arguments. Il a ainsi déclaré que cette « mesure pouvait être reportée à la fin de l'année, en raison du retard pris dans la mise en place du système de paiement ». Le texte qui devait entrer en vigueur le 1er septembre 2006 était, de l'avis des spécialistes, purement et simplement « inapplicable ». « Ce système ne marchera que lorsque le système électronique fonctionnera normalement. Ils n'auraient pas dû fixer une date pour l'utilisation obligatoire du chèque », affirme encore M. Lamiri. Il serait possible d'appliquer cette mesure, affirme-t-on, à condition que le traitement des chèques se fasse en temps réel dont le délai ne dépassera pas les 3 jours. Une condition qui semble difficilement réalisable. Il est à rappeler que le décret exécutif 05-442 du 14 novembre 2005 (JO n°75 du 20 novembre 2005), mis en application de l'article 6 de la loi 05-01 du 6 février 2005 (JO n°11 du 9 février 2005), relative à la « prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme » stipulait que tout paiement d'une dépense quelconque dont le montant excédera 50 000 dinars algériens (DA) ne pourra plus s'effectuer en espèces. Dès lors que ce seuil sera atteint, le règlement devra impérativement intervenir par chèque, virement, carte de paiement, prélèvement, lettre de change, billet à ordre ou tout autre mode de paiement scriptural. Les sanctions financières vont de 50 000 à 500 000 DA et s'appliquent à « quiconque effectue ou accepte un paiement en violation des dispositions de l'article 6 », précise le texte. Le but de cette opération était de limiter la circulation frauduleuse des grosses sommes d'argent. Des observateurs ont estimé cependant que les Algériens n'étaient pas encore préparés à l'application de cette mesure par crainte que des escrocs qui n'hésitent pas à régler leurs factures par des chèques sans provisions. Le recours systématique au chèque certifié ne serait, de ce fait, pas à exclure, ce qui induirait un surcroît de travail imposé aux banques, sans parler du coût élevé occasionné par la certification. Par ailleurs, selon des sources bancaires, cette abrogation serait motivée par l'importante activité du commerce informel. Les pouvoirs publics auraient ainsi préféré ne pas inclure des contraintes supplémentaires sur les transactions commerciales. Car de l'avis des banquiers, le niveau de bancarisation est encore très faible, alors que, pour assurer le succès de la mesure annulée, il faut que les instruments de paiement soient utilisés de manière généralisée. Le décret abrogé semble donc receler de nombreux points faibles que les pouvoirs publics n'avaient pas pris en compte.