A peine 160 déclarations de soupçons de blanchiment d'argent en faveur d'associations terroristes et autres organisations maffieuses auraient été portées à la connaissance de la cellule de traitement du renseignement financier chargée de diligenter des enquêtes sur ce fléau qui a pris une ampleur considérable à la faveur de l'insécurité subie par l'Algérie durant plus de quinze années. Ce bilan, évidemment très en deçà de la réalité, a été établi sur la base d'informations fournies exclusivement par les banques et les établissements financiers publics, alors que les opérateurs susceptibles de renseigner sur les mouvements de fonds sont autrement plus nombreux. Outre les banques privées, notamment étrangères, bien placées pour observer les transferts de capitaux sous d'autres cieux, on peut citer, entre autres « opérateurs bien informés », les notaires, par qui transitent des sommes parfois colossales en liquides destinées à régler des transactions commerciales douteuses, certains comptables et commissaires aux comptes qui se sont transformés en « maquilleurs » de flux financiers délictueux, les agents immobiliers qui captent une partie non négligeable des capitaux d'origines incertaines et les bijoutiers qui offrent aux trafiquants de tous bords de transformer l'argent mal acquis en or. Toutes ces sources potentielles d'informations n'ont curieusement donné aucun renseignement utile susceptible d'aider à lutter contre le fléau du blanchiment d'argent qui gangrène la société algérienne, notamment depuis que les flux d'importations se sont accrus à la faveur de la reprise économique. Dérapage mafieux L'étalage sous nos yeux de signes extérieurs (achat et construction de villas somptueuses, exhibition de véhicules de luxe, création de fonds de commerce par des citoyens surgis du néant, etc.) ne trompe pas sur l'origine pour le moins douteuse de fortunes accumulées notamment durant la période trouble du terrorisme. Un dérapage mafieux peut même être constaté dans les zones de commerce informel où il est loisible d'observer des « trabendistes » compter avec dextérité d'importantes sommes d'argent qui passent de main en main. Et tout semble être fait pour que la situation perdure, à commencer par les autorités financières qui traînent dans la mise en œuvre des réformes, notamment celles devant favoriser la bancarisation des transactions commerciales auxquelles la généralisation du traitement informatique devait de surcroît donner davantage de transparence. La tentative d'imposer le paiement par chèque pour toutes les transactions supérieures à 50 000 DA a, on s'en souvient, tourné court avant même l'entrée en vigueur du décret qui devait rendre obligatoire le recours à la monnaie scripturale en 2007. Il faut toutefois reconnaître que les conditions d'application de la mesure n'étaient pas du tout réunies, nos banques n'étant pas organisées en conséquence pour mener à bien la bancarisation souhaitée. Insuffisantes et mal équipées pour la circonstance, les agences bancaires auraient été, à n'en pas douter, prises d'assaut au point d'engendrer un grave préjudice pour le commerce. Elles n'avaient pas, non plus, la capacité d'honorer les commandes de chéquiers qu'elles ont, aujourd'hui encore, beaucoup de mal à satisfaire, les usagers des banques étant obligés d'attendre parfois plus de six mois pour disposer d'un carnet de chèques. Au ministère des Finances, on évoque à nouveau l'intention de promulguer un nouveau décret contraignant les opérateurs économiques et les citoyens à utiliser le chèque pour les paiements et retraits de fonds supérieurs à 200 000 DA. Le texte de loi qui sera publié, espère-t-on, avant la fin de cette année, envisage, contrairement au précédent décret exécutif, de différencier les seuils d'obligation de recours au chèque, selon que l'on est une entreprise commerciale, une personne physique ou morale non commerciale, ou un simple citoyen. Selon que l'on est l'un ou l'autre acteur, les seuils pourraient varier dans une fourchette allant de 200 000 à 600 000 DA. Une fourchette que l'on prévoit de réduire progressivement au gré de l'ancrage de l'usage du chèque dans la société algérienne. Beaucoup de conditions restent à réunir pour qu'une telle opération ait des chances de réussir. Il faudrait pour ce faire que la réforme bancaire soit entreprise avec conviction et détermination pour ériger nos banques, qui font aujourd'hui encore figure de simples guichets payeurs, en authentiques firmes capables de capter les innovations et de les diffuser au profit de leurs clients. Une simple virée dans les guichets des banques de la capitale permet de constater à quel point les autorités chargées de la réforme de notre système financier sont loin de la réalité et combien il sera difficile, voire impossible, de mettre en application les mesures prévues.