Les Etats membres de l'Union européenne (UE) veulent prendre le taureau par les cornes concernant le problème du trafic de migrants en Méditerranée. Pour preuve, ils étaient hier en pleins préparatifs pour lancer une opération navale. A l'occasion, la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a formulé le vœu que les ministres des Affaires étrangères de l'UE lancent formellement l'offensive dans les plus brefs délais. De leur côté, les ambassadeurs des 28 ont prévu de se réunir, aujourd'hui, demain et vendredi, à Bruxelles, afin d'approuver le plan opérationnel de la mission. En l'absence d'un feu vert des Nations unies, cette opération sera pour le moment limitée à une surveillance accrue des réseaux de passeurs. Selon ses initiateurs, cette opération – qui nécessite un accord à l'unanimité des Etats membres de l'UE – vise à «rendre la vie impossible» aux trafiquants. Jeudi, les autorités militaires feront pour leur part le point sur les contributions en termes de matériel et d'hommes de chacun des 28. «Il y a plein de moyens très diversifiés provenant de nombreux Etats membres», a affirmé une source européenne. Mais l'opération, censée in fine permettre de détruire les embarcations utilisées par les trafiquants au plus près des côtes libyennes, et notamment les «bateaux mères» qui servent à tracter en haute mer des radeaux de fortune chargés de migrants, sera très limitée explique-t-on. Ecouter, voir et analyser Pour certains observateurs, il s'agira surtout de préparer le terrain en attendant une résolution de l'ONU afin de «monter en puissance». Car la destruction des navires et autres avoirs des trafiquants reste la raison d'être de cette mission, ce que les Etats membres visent. Mais le Conseil de sécurité de l'ONU ne peut donner son aval à l'usage de la force sans requête formelle du gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale. Une requête qui n'a pas été encore formulée explicitement. Ceci exclut, donc, les arraisonnements et destructions de navires suspects dans les eaux territoriales libyennes et en haute mer par les marines européennes. Donc dans un premier temps, l'UE se contentera notamment d'écouter, de voir et d'analyser les activités des trafiquants grâce à l'utilisation de navires militaires, d'avions patrouilleurs maritimes, de drones et de sous-marins. Parallèlement aux préparatifs menés pour lancer cette opération navale, la Commission européenne planchait hier sur un vieux projet de répartition «solidaire» des migrants qui arrivent en Europe. En activant ce mécanisme d'urgence adopté en 2001, la Commission veut imposer aux Etats de se partager la prise en charge de 40 000 demandeurs d'asile originaires de Syrie et d'Erythrée arrivés en Italie et en Grèce depuis le 15 avril dernier. Cette relocalisation doit aider ces deux pays à faire face à un afflux sans précédent en Méditerranée, du fait notamment de l'instabilité en Libye. L'Italie a dû prendre en charge, rappelle-t-on, près de 60 000 personnes arrivées par la mer depuis le début de l'année, et de plus en plus de migrants passent clandestinement en Grèce par la Turquie. Frontex, l'agence chargée des frontières extérieures de l'UE, chiffre à 100 000 le nombre des entrées irrégulières dans l'UE depuis le début de l'année. L'Exécutif européen a également invité les 28 à accueillir 20 000 réfugiés syriens en provenance de pays extérieurs à l'UE. Mais une dizaine d'Etats, dont l'Espagne et la France, refusent le caractère obligatoire de la relocalisation proposée. La question suscite déjà un débat houleux. Pas évident donc qu'un accord soit vite trouvé.