Les pays arabes ont donc décidé ou plutôt accepté d'avoir de nouveaux voisins, ce qui, à l'heure de la mondialisation et de la compétition que se livrent les Etats, constituerait une preuve d'ouverture, avec ce que cela suppose comme rapports politiques susceptibles de dénouer les crises, et même de les éviter. Sauf qu'ils ne les ont pas choisis. L'Europe l'a fait pour eux en ouvrant son espace aux Républiques de l'ancienne URSS, des pays non éligibles, disait-on alors, au statut de membre de l'Union européenne (UE) dès la mort annoncée, il est vrai, du processus euro-méditerranéen lancé en 1995, et qui a tenu son dernier sommet en 2005. La toute nouvelle politique de voisinage, lancée en 2004, a remplacé celle dite du partenariat privilégié, impliquant au départ 27 pays des deux rives de la Méditerranée. On sentait, dès 1995, qu'il s'agissait là d'un nouveau rapport remplaçant les anciens accords de coopération établis entre l'Europe et chacun de ses partenaires, et en aucun cas entre ensembles régionaux, alors que de ce côté de la Méditerranée ils étaient en plein développement comme l'Union du Maghreb arabe (UMA), Ligue arabe et autres. Des accords de partenariat ont bien été signés, mais la zone dite de prospérité partagée a bien disparu des programmes. L'heure donc est à la PEV (Politique européenne de voisinage) et il est intéressant de noter que les pays arabes qui viennent de lui consacrer une réunion l'appréhendent avec précaution. Il s'agit bien d'une initiative européenne à laquelle ils ont décidé d'adhérer, mais avec des conditions. En effet, «une feuille de route» contenant l'ensemble des propositions et des attentes des pays arabes de la rive sud de la Méditerranée a été adoptée mercredi à Beyrouth au terme de la conférence sur la révision de cette politique. Aussi revendiquent-ils «le droit à un traitement d'égal à égal» et la nécessité d'être impliqués dans l'ensemble du processus de consultation sur la révision de cette politique. On retiendra aussi qu'il ne s'agit pas seulement d'affaires, mais aussi et même surtout de la consécration d'une paix globale basée sur le droit international. L'allusion à la persistance de certains conflits y apparaît très nettement, exactement comme dans la plateforme du processus de Barcelone, laquelle y a même anticipé en prévoyant dans son chapitre politique un volet coopération militaire entre membres, donc avec Israël, ce qui ne s'est jamais produit, puisque cela suppose une normalisation, et cette fois, les pays arabes ont demandé à l'UE de contribuer à forcer Israël à respecter le droit international et à mettre fin à sa politique systématique de colonisation. Il n'y a donc pas rejet de la PEV, comme l'avait fait l'Algérie dans un premier temps, mais plutôt un besoin de l'adapter et en profiter. Ce que l'Europe accepterait en s'engageant à «prendre en considération toutes les contributions et points de vue», ce qui exclurait autre chose. Le propos est bien prudent et même trop, il n'est nullement de décision et même de négociation. Mais en fait tout est là, c'est-à-dire dans la capacité des pays arabes à négocier en position et force. Avant l'ouverture de la réunion en question, le ministre algérien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Ramtane Lamamra, posait la question en ces termes : «Nous espérons que le document final… puisse refléter nos ambitions pour ce partenariat et la volonté des pays arabes et de la rive sud de la Méditerranée d'être partie prenante à la dynamique de la construction de l'ordre international de demain.» Est-ce le cas ?