«Ya hasrah ! Jadis le Ramadhan était synonyme de sortie en famille ou entre copains. C'était presque un rituel. Je m'en rappelle des soirées chaâbi et ouahrani au Régent et des ballades nocturnes sur les plages de Trouville, pieds dans le sable. A Mdina Jdida, l'ambiance était réellement feutrée. Une odeur de musc, de friandise et de café vous fouettait les narines comme pas possible. Le Ramadhan avait une odeur !» Houari, 66 ans, qui habite toujours le quartier Miramar, se remémore la «belle époque», les années 70 et 80, et fulmine contre ce temps présent «où les gens sont hébétés devant leurs téléviseurs et ne s'intéressent plus aux délices du Ramadhan», hlawet sahrat ramdane comme il le dira à plusieurs reprises. Est-ce que les soirées du Ramadhan ont perdu de leur profondeur ? Un mois dont les soirées signifiaient autrefois gaité, retrouvaille et légèreté. Oui, répondent à l'unisson celles et ceux âgés de plus de 40 ans qui regrettent la «naïveté» et l'«identité» d'antan. «Il y avait des soirées partout. Chaâbi, raï, wahrani, moderne. Il y avait des récitals de poésie, des rencontres à tour de rôles chez des amis, pour le f'tour et pour les jeux de cartes. Avec nos épouses et nos enfants, nous pouvions programmer des sorties cinéma, plages, théâtre, ballade ou rester à la maison. J'ai comme cette impression que tout était permis, qu'il n'y avait pas de sous-entendu. Aujourd'hui tout est devenu complexe !» Nous confie Adlène, 56 ans, qui nous montre son fils, inscrit en 2ème année universitaire, qui dort encore alors qu'il est 16 heures. «Le soir je lui prête ma voiture, il ne rentre que vers 3 heures du matin. Mon autre fils, âgé de 19 ans, est en train de devenir salafiste. Il se laisse pousser la barbe et passe sa journée à nous sermonner, moi, sa mère et son époque». Le Ramadhan aujourd'hui c'est le mois où tu accomplis le maximum de prière et tu lis le coran. Ou c'est le domino. Les plus fortunés, c'est el omra aux lieux saints de l'Islam ou la grande Kheïma et les clubs huppés de chicha.