C'est dans un souci de laisser décanter les idées, un moment, à propos de la laïcité et surtout pour ne pas utiliser les colonnes du journal El Watan comme un support de cours d'une discipline à l'interface de la science politique et de la philosophie morale -l'effet immédiat serait de rebuter les chers lecteurs- que délibérément, je suspends la réflexion sur la question fondamentale de la laïcité. J'aurai à y revenir. Parce que la comprendre et voir son intérêt est primordial pour notre nation. Aujourd'hui, la chronique porte sur la religion. Outre son étymologie latine religio, maintes fois ressassée, qui remonte pour la première fois à Cicéron, sous-tendant l'idée de «révérer une nature supérieure que l'on qualifie de divine et lui rendre un culte», nous connaissons son sens en arabe et en hébreu. Nous n'avons pas à nous y appesantir. En revanche ce que je soumets à la sagacité des lecteurs, c'est ce que les anthropologues du fait religieux appellent la structure ternaire de la religion. En effet, il y a la religion-force, la religion-forme et la religion comme cadre pour une expérience humaine du sacré et du divin. La religion-force se présente toujours en matière de sens comme une référence. Elle offre des réponses aux sempiternelles questions auxquelles l'homme est confronté. Celles des origines, celles de la raison d'être dans ce monde. Quel sens donner à la vie ? Pourquoi cette aventure terrestre ? Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Sommes-nous en «absurdie» ou y a-t-il un dessein à ce passage ? La fameuse grande pâque humaine qu'en est-elle au juste ? Et surtout les esquisses de réponses formulées pour les fins dernières et les questions eschatologiques sont bien édictées dans le cadre de la religion-force. D'aucuns appelleront cela téléologie : s'intéresser aux finalités, discourir sur le but de la vie. Tandis que la rteligion-forme, à son tour, elle se subdivise en trois sous-branches. Ce sont la religion-refuge ; la religion-repaire et la religion-tremplin. La première est lorsque la religion agit comme un refuge pour les opprimés sur la terre et le lieu d'expression de la détresse des hommes ; la deuxième est lorsque la religion devient un repaire pour les fanatiques et un espace d'évolution pour leurs obsessions extrémistes ; la troisième est lorsqu'on utilise la religion comme tremplin pour tous les carriéristes. Avec tout mon respect pour les vocations réelles et sincères, je constate le nombre croissant de ceux qui se découvrent une disposition à tenir un discours creux de type religieux avec emphase pour avoir un ascendant sur leurs semblables et accéder à la «notabilité». Il y a parmi eux des imams ignares autoproclamés. Ils viennent se mêler de la vie quotidienne de leurs coreligionnaires. Parfois ils s'occupent, dans le moindre détail en s'immisçant dans leur intimité, de ce qui ne les regarde pas. Tout cela, parce qu'ils ne peuvent pas agir autrement. Et dans la plupart des cas ils ne savent pas faire autre chose. La religion et l'imamat sont devenus le choix de la facilité et malheureusement celui aussi du charlatanisme, de la jactance et de la forfanterie. Enfin, la religion peut offrir le cadre d'une expérience humaine du sacré et de l'intériorité de l'adoration de Dieu. Le culte voué au Seigneur n'a pas besoin d'ostentation ni d'étalage. Le recueillement et la contemplation des splendeurs de la Création incitent à un authentique ressourcement élévateur et salvateur. Ils induisent une volonté de comprendre le monde et de s'y aider avec le recours à la méditation et la réflexion. C'est ainsi qu'on acquiert la connaissance et qu'on atteint la quiétude, la paix des cœurs et l'absence de troubles intérieurs. C'est ce que les Grecs appellent l'ataraxie.