Il est vrai que depuis 1990, avec la chute du communisme et la disparition de l'ancienne URSS, le monde a changé, et même terriblement. Il est devenu unipolaire, ce que beaucoup regrettent et même dénoncent. Des frontières géographiques ont été révisées, de nouveaux Etats sont apparus. Il y a moins sinon plus du tout d'idéologie. Mais après, dira-t-on, et c'est ce qui explique la poursuite de la politique de non-alignement. Plus qu'une doctrine, c'est une philosophie à laquelle se montrent sensibles un nombre d'Etats toujours plus grand. Il n'est pour cela que de consulter la liste des pays invités aux différents sommets. Un signe particulier, tous viennent de l'hémisphère nord réputé plus développé, mais tous revendiquent le droit à l'existence et à la justice. Ce qui donne encore plus de consistance et de pertinence au message lancé en ce sens, en 1973 à Alger. Un mot caractérise cette démarche. Il s'agit de la justice. Droit à la vie avec ce que cela suppose comme égalité de chances et d'obligations. Ce qui ne semble pas évident aujourd'hui avec ce que l'on appelle communément la mondialisation ou encore une gestion presque unilatérale des rapports internationaux. Seule une poignée de paix entend s'octroyer le droit de décision. Cela s'est vu tout récemment avec l'agression israélienne contre le Liban, avec en parallèle un blocage total du Conseil de sécurité. L'ancien ministre algérien des Affaires étrangères Lakhdar Brahimi, a relevé avec beaucoup de pertinence que la majorité de cette instance aurait pu, si bien entendu elle l'avait voulu, prendre l'initiative, au lieu de mettre en cause une opposition américaine bien réelle il est vrai. Cette majorité est demeurée silencieuse, laissant faire Israël. Et dire qu'il y a quinze ans, certains Etats membres affirmaient que le non-alignement n'avait plus de raison d'être. L'histoire leur donnera tort, puisque numériquement au moins, cet ensemble réunit la plus forte communauté après les Nations unies. Pas moins de 140 pays seront représentés au sommet qui s'ouvre dans la capitale cubaine. Les hauts fonctionnaires sont à pied d'œuvre depuis hier. Leurs travaux seront suivis par la conférence ministérielle préparatoire avant l'ouverture vendredi du sommet en présence du secrétaire général de l'ONU. Kofi Annan, hôte traditionnel du sommet, viendra s'exprimer ce jour-là devant les chefs d'Etat et de gouvernement. Nul doute que la participation sera élevée et importante en raison du contexte international actuel, marqué par les guerres, le phénomène du terrorisme, ou encore la misère qui frappe l'écrasante majorité des habitants de la planète. Nul doute également que les participants refuseront ces réponses toutes faites qui consistent à traiter ces questions séparément et au cas par cas. Il est aussi attendu que ce débat se déplace dans l'enceinte des Nations unies avec la tenue de la nouvelle session de l'Assemblée générale. L'on relèvera à cette occasion le nombre élevé (24) de pays observateurs, alors que le mouvement devrait se renforcer avec les adhésions de Haïti et de l'île Caraïbe de Saint Kitts y Nevis, portant à 118 les pays membres. Ce qui ne voudra pas dire pour autant que le mouvement va être de fait encore plus fort. Cette force ne pourra lui venir que de la volonté de ses membres, engagés depuis plus de trente ans dans une épreuve de force qui ne dit pas son nom. Le sommet d'Alger de 1973 avait formalisé la revendication pour un nouvel ordre mondial, ou encore un ordre mondial plus juste. Ceux qui sont concernés par cet appel se sont repliés sur eux-mêmes, se lançant dans des artifices sans suite, évitant le cadre global des Nations unies pour toutes les questions liées à la gestion des rapports internationaux impliquant la pauvreté, la santé et l'éducation.