Le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, a annoncé avant-hier l'état d'urgence pour une durée d'un mois, et ce, neuf jours après l'attentat terroriste de Sousse, qui a coûté la vie à 38 touristes. La décision du président tunisien de décréter l'état d'urgence intervient alors que son pays traverse une période d'instabilité, marquée par la montée en puissance des risques terroristes. Pourtant, Béji Caïd Essebsi n'était pas chaud à pareille décision lors de la réunion du Conseil supérieur de la sécurité, tenue le 28 juin, deux jours après l'attentat de Sousse. Le Président aurait opposé son véto à la proposition du gouvernement de faire pareille annonce, très lourde de conséquences, selon lui, sur le plan économique, notamment pour le tourisme, affirme-t-on dans les coulisses. Apparemment, les dernières révélations sur le plan sécuritaire l'ont fait revenir sur sa décision initiale. BCE a déclaré que «la situation sécuritaire est délicate et que l'Etat est visé», sans aucune précision. La rue parle de voitures piégées, de cellules dormantes réactivées et de listes de cibles potentielles pour les terroristes. Sur le terrain, le couloir de départ est interdit aux voitures à l'aéroport de Tunis-Carthage. La liste des personnalités bénéficiant de garde rapprochée a été élargie à des activistes comme l'universitaire anti-islamiste Raja Ben Slama, ou le secrétaire général adjoint de la centrale syndicale, UGTT, Kacem Afaya. Obligations sécuritaires Il est utile de rappeler que, suite à l'attentat de Sousse, le gouvernement tunisien a pris une série de mesures préventives pour faire face au terrorisme, comme l'appel à l'armée de réserve et l'armement de la police touristique, ainsi que la fermeture de 80 mosquées illégales, connues pour être dirigées par des rigoristes religieux. Ces mesures ont déjà été appliquées. Mais, les experts sécuritaires les ont considérées comme insuffisantes. Les premières révélations de l'enquête sur l'attaque de Sousse laisseraient apparaître l'existence de cellules terroristes dormantes s'étant déjà entraînées en Libye et attendant le signal pour agir, comme l'avaient fait l'instigateur de l'attentat de Sousse et les deux terroristes du Bardo. Par ailleurs, l'application de ces mesures préventives de la part du gouvernement a suscité des réactions de rejet chez une partie de la population, notamment à Kalaa Kebira et Msaken, dans le gouvernorat de Sousse, ainsi que dans quelques bourgades à Kasserine, Sidi Bouzid ou Ben Guerdane. «Or, la situation n'est pas indiquée pour la poursuite des débats sur l'opportunité de ces mesures. Les terroristes peuvent se glisser à travers ces manifestations pour perpétrer de nouveaux coups bas, alors que la Tunisie n'a plus de droit à l'erreur. Une autre pourrait être fatale», affirme le président Caïd Essebsi pour expliquer cette décision de l'inévitable état d'urgence. Raisons Les réactions à l'état d'urgence n'ont pas été uniformes. Les deux principaux partis, Nidaa Tounes et Ennahdha l'ont soutenu. Le Front populaire de Hamma Hammami s'y est opposé arguant les possibles atteintes aux libertés. Selon le secrétaire général du parti El Massar, et ex-membre de l'Assemblée nationale constituante, Samir Taieb, qui soutient la décision, trois raisons fondamentales ont poussé Béji Caïd Essebsi à décréter l'état d'urgence. D'abord, la révélation de l'existence de cellules dormantes. Les forces de sécurité et de l'armée doivent être en alerte maximale et disposer d'une facilité de manœuvre. Secondo, la situation à la frontière Sud du pays est très inquiétante. Les diverses enquêtes sur les attentats perpétrés en Tunisie, depuis Rouhia en mai 2011, en passant par les assassinats politiques de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi et l'armement du maquis de Chaambi, ont révélé que les armes utilisées sont entrées par cette frontière. Enfin, il s'agit de faire ressentir à la population et aux acteurs politiques que le niveau du danger est très élevé pour qu'ils agissent en conséquence. La Tunisie est sur le qui-vive.