Mohamed Rahmani «C'est une calamité qui s'est abattue sur notre pays, il faut éradiquer cette engeance !» C'est la déclaration du président de la République tunisienne, Béji Caïd Essebsi, juste après le lâche attentat qui a frappé le musée du Bardo, mitoyen avec le siège du Parlement tunisien, en plein cœur de Tunis. Cette déclaration en dit long sur l'état d'esprit dans lequel se trouvait le premier responsable de ce pays voisin et frère confronté à la horde terroriste. Il faut dire que l'homme n'est pas novice en matière de politique et il sait que sa déclaration ne laisse planer aucun doute quant à la détermination des autorités face à ce phénomène-gangrène qui gagne du terrain et qui menace désormais tout le pays. En effet, «l'activité» terroriste qui était confinée au sud du pays, principalement dans le mont Chaambi, et qui était plus ou moins contenue et circonscrite dans cette région, s'est déplacée pour s'orienter vers les grandes villes et toucher en premier la capitale, symbole du pouvoir politique et économique. L'attaque terroriste du musée du Bardo, haut lieu de la culture, situé tout près du siège du Parlement, haut lieu du pouvoir politique en Tunisie, montre qu'ils n'ont pas été suffisamment protégés. 21 morts dont 20 touristes de différentes nationalités, européennes pour la plupart, et un Tunisien outre les deux terroristes auteurs de l'attentat. Un bilan lourd qui remet en question le dispositif sécuritaire mis en place par les autorités et qui appelle à revoir la stratégie adoptée face à ce phénomène qui prend de l'ampleur. En effet, le démantèlement de cellules de soutien aux groupes terroristes (logistique et renseignement), la découverte de dépôts d'armes de guerre et de munitions à Benguerdane, l'élimination de terroristes aux frontières ouest avec l'Algérie à proximité du poste algérien d'El Ayoune n'ont pas vraiment influé sur l'activité de la horde terroriste qui, en perpétrant cet attentat lâche et odieux, en tuant des personnes innocentes a montré les limites de ce dispositif devenu caduc et inopérant. Il faut dire aussi que l'armée tunisienne est inexpérimentée dans la lutte antiterroriste et dépourvue de moyens à même de lui permettre d'y faire face avec en plus un service de renseignements qui a été quelque peu écarté depuis la Révolution de janvier 2011. Ce «coup d'éclat» revendiqué jeudi dernier par Daech (Etat Islamique) et qui vient conforter Béji Caïd Essebsi dans ses déclarations à chaud, frappe de plein fouet l'économie tunisienne dont le secteur du tourisme est le cœur battant puisqu'à lui seul il représente 7% du PIB auquel s'ajoutent les transports, la restauration et l'artisanat qui gravitent autour, ce qui fait en tout 40% du PIB tunisien. Une catastrophe, une calamité, pour reprendre les propos du Président tunisien et dont les effets psychologiques ne sont pas des moindres. Les investissements étrangers qui commencent à peine à revenir à la faveur de la stabilité politique et sécuritaire supposée, vont se replier pour s'orienter vers d'autres pays ce qui fait plonger encore plus l'économie tunisienne confrontée à bien des difficultés. Sur le plan sécuritaire, les citoyens tunisiens qui n'ont jamais vécu cette situation auparavant éprouvent un sentiment de tristesse profonde mêlée de peur et de crainte pour leur avenir et celui de leur pays. La même situation a été vécue par les Algériens durant la décennie noire où la horde terroriste massacrait sans distinction, dans les douars, les villages et les villes croyant ainsi soumettre tout un peuple qui n'aspirait qu'à vivre dans la paix et la liberté. L'ANP avait réussi à vaincre la horde terroriste dont quelques individus sévissent encore mais qui sont toujours pourchassés. Le bilan des opérations de l'armée presque chaque semaine fait état à chaque fois d'élimination de terroristes et de la récupération d'armes et de munitions. Il y a quelques jours, les forces combinées de l'ANP et de la Gendarmerie nationale effectuaient un ratissage sur toute la frontière Est avec la Tunisie avec des renforts de troupes déployées tout le long de la bande s'étalant jusqu'à la wilaya de Tébessa pour sécuriser cette partie du territoire national. Empêcher toute incursion terroriste, intercepter toute contrebande ou passage d'armes, surveiller tout mouvement suspect et agir en conséquence et contrôler toute la bande frontalière telle est la mission difficile et ardue que l'armée algérienne doit remplir. L'impact de cette présence de l'ANP dans cette zone est très positif dans les milieux populaires qui font confiance aux forces armées. «Je me sens en sécurité, car je sais que nos militaires veillent et ils ont l'expérience qu'il faut pour empêcher toute action terroriste», nous dit une vieille dame rencontrée au marché, hier à Annaba, par contre «je suis vraiment choquée par ce qui est arrivé chez nos frères tunisiens qu'il faut aider impérativement, car les terroristes n'ont pas de nationalité, ils se mettent tous ensemble pour tuer des innocents. Pourquoi font-ils ça ? Ils savent pourtant qu'à la fin, ils perdront et ne pourront jamais imposer leurs lois». Pour un autre, étudiant à la faculté de droit, ce qui est arrivé en Tunisie est très grave et démontre les capacités de nuisance des terroristes dans ce pays symbole de la réussite de la transition démocratique pacifique. «C'est vraiment triste, la Tunisie commence à émerger et à sortir d'une crise dans laquelle elle se débat depuis trois ans et voilà qu'on l'attaque dans son cœur. Ce terrorisme aveugle qui a frappé ce pays, croit que la Tunisie est une proie facile qu'il peut soumettre car petit Etat pacifique et pacifiste n'ayant pas les moyens nécessaires pour le combattre. Mais il se trompe. Les Tunisiens ne se laisseront pas faire et voir confisqué leur révolution, leurs rêves, leur culture et cette tolérance qu'on ne trouve pas dans d'autres pays arabes. Je suis sûr que l'Algérie l'aidera dans sa lutte et elle aussi en sortira vainqueur. Chez nous, Al hamdou lillah (Dieu soit béni), l'armée fait son travail et nous protège. Et j'en suis heureux», dira-t-il. Les habitants à Annaba se disent tous choqués par ce qui est arrivé en Tunisie, car tout le monde se sent concerné du fait de la proximité de ce pays qui pourrait basculer dans le chaos si on ne l'aide pas à se débarrasser de ce phénomène. «C'est une question de sécurité nationale, nous confie un militaire à la retraite. La Libye est devenue la Mecque des terroristes. C'est le chaos là bas. Les armes circulent et passent d'une frontière à l'autre. La Tunisie est pour les terroristes une première étape dans leur stratégie avant de s'attaquer à notre pays. La vigilance est de mise et je suis sûr que les autorités militaires ont déjà pris les mesures qui s'imposent en pareille situation.» M. R.