L'heure est grave. La vallée du M'zab vit une tragédie nationale. Elle subit une situation de violence meurtrière qui risque de mettre en péril l'avenir de l'Algérie. La classe politique, les défenseurs des droits de l'homme, des associations, les notables des sept ksour de Ghardaïa affichent leur inquiétude et dénoncent l'utilisation d'armes à feu. Ils interpellent le gouvernement pour qu'il assume ses responsabilités et ils présentent leurs condoléances aux familles des victimes. RCD : le système est en perte de vitesse Cette situation qui perdure depuis près de deux années met à nu, selon le RCD, l'incapacité affligeante des gouvernants à appliquer la plus basique des dispositions de la loi constitutionnelle du pays, qui dispose en son article 24 que l'Etat est responsable de la sécurité des personnes et des biens. Atmane Mazouz, chargé de communication au RCD, regrette que devant la gravité de la situation, le régime, qui perdure depuis plus d'un demi-siècle, se complaise dans l'autisme, le déni, les explications vaseuses faites d'approximations et de simples spéculations, ou alors dans des mesures toutes aussi vaines les unes que les autres. Pour le RCD, cette terrible tragédie, qui se joue à ciel ouvert, avec une autre circonstance alarmante consistant en l'utilisation d'armes à feu, renseigne sur l'incurie et l'incompétence notoires d'un système en perte de vitesse et qui mène le pays inexorablement vers une véritable impasse institutionnelle et à un incontestable chaos. Ali Benflis : une tragédie éminemment politique Ce qui se passe à Ghardaïa ne saurait être réduit, selon la nouvelle formation dirigée par Ali Benflis, à un banal affrontement intercommunautaire ou à des opérations ordinaires de maintien de l'ordre qui réduiraient sa prise en charge à un simple traitement sécuritaire qui ne correspond ni à sa nature ni aux défis qu'il pose. «Cette tragédie est éminemment politique et c'est un traitement politique qu'elle exige en urgence», note Ali Benflis, qui pense qu'une crise de cette gravité aurait dû être depuis longtemps prise en charge au sommet de l'Etat. Malheureusement, le pouvoir s'est distingué par un silence et une inaction inacceptables et intolérables eu égard à l'ampleur des effets de cette crise sur l'unité nationale et la sécurité du territoire. Ali Benflis fera remarquer que depuis plus de deux longues années, ce foyer de tension et de crise a donné toute la mesure des périls qu'il portait pour la cohésion et la sécurité du pays sans amener le régime politique en place à se départir de la stratégie du pourrissement qu'il semble privilégier dans sa gestion. Et de fait, la dimension d'une crise politique et sécuritaire majeure prise par la situation tragique que vit la région de Ghardaïa est la conséquence directe de plus de deux années de laxisme, d'atermoiement et d'improvisation d'un pouvoir politique qui n'a jamais cru devoir accorder à cette région l'attention qu'elle méritait ni répondre avec diligence à ses appels de détresse. PT : l'approche sécuritaire n'est pas la solution Le parti de Louisa Hanoune propose au pouvoir de changer son approche dans le traitement de la crise qui secoue la vallée du M'zab. «Ghardaïa vit une tragédie nationale depuis 20 mois et le gouvernement n'a pas pu endiguer la crise. Il a privilégié l'aspect sécuritaire, alors que le problème est beaucoup plus politique, social et économique». Ramdane Taazibt, cadre du parti, invite le gouvernement à se remettre en cause. «Le pouvoir a échoué dans le règlement de la crise qui secoue Ghardaïa, il doit donc se remettre en cause en élaborant un véritable diagnostic de la situation. On ne réduit pas le problème que subit la vallée du M'zab à une question sécuritaire», note Ramdane Taâzibt. Le PT estime qu'il faut, certes, démasquer ceux qui sèment la terreur et qui poussent à l'affrontement, mais il y a un malaise social que seul le gouvernement peut prendre en charge. «Le citoyen n'est pas responsable de cette tragédie», déplore Taâzibt, qui tire la sonnette d'alarme en indiquant qu'il y a des pays qui ont explosé à cause de problèmes similaires. Jil Jadid : la responsabilité incombe au pouvoir Soufiane Djilali interpelle le président Bouteflika en lui demandant d'assumer son rôle. Ce qui se passe à Ghardaïa est extrêmement grave et tragique et la responsabilité totale incombe, selon Djilali, au pouvoir. «Le Président, selon son entourage, peut régler tous les problèmes du monde avec son alacrité, on lui demande alors de se rendre à Ghardaïa», suggère le président de Jil Jadid, qui est persuadé que la crise à Ghardaïa arrange le pouvoir qui a laissé la population livrée à elle-même. MSP : la situation est extrêmement dangereuse Ce qui se passe actuellement à Ghardaïa est extrêmement dangereux, selon Abderrezak Makri. «A Guerrara et dans d'autres régions, la fitna et le pourrissement ont atteint un niveau qui doit nous avertir quant aux conséquences qui seraient désastreuses pour la sécurité des citoyens et l'unité de tout le pays.» «Le MSP, explique Makri, a reçu de nombreux appels à l'aide des habitants de la région depuis le déclenchement de ces graves événements. La peur et la terreur se sont installées. Le MSP, au vu de sa crédibilité auprès des deux parties (arabe et mozabite), est prêt à apporter son aide», note Makri qui fustige le pouvoir qui n'a pas su trouver les solutions appropriées au conflit qui secoue la vallée du M'zab. FNA : le pourrissement arrange le pouvoir Le problème qui se pose à Ghardaïa, selon Moussa Touati, est plus économique, social et politique que technique. «Ghardaïa est un carrefour économique, un endroit de transit commercial. Malheureusement, les habitants de la vallée vivent dans la précarité. Le pouvoir central ignore la réalité sociologique de ces localités et n'a jamais écouté les doléances des citoyens, il est déconnecté de la réalité», note Touati, qui pense qu'il ne faut pas politiser le problème. Le président du FNA accuse en outre le pouvoir de pousser au pourrissement et d'encourager la corruption. Le RND condamne l'utilisation d'armes Le parti d'Ouyahia appelle les pouvoirs publics à veiller à une application ferme de la loi contre ceux qui font usage de la violence et portent atteinte à la sécurité des biens et des personnes. «Nous déplorons les graves événements survenus dans certaines localités à Ghardaïa. En dépit de la mobilisation de l'Etat à travers la visite du ministre de l'Intérieur dans cette wilaya pour promouvoir le dialogue entre les deux communautés et prendre les mesures qui s'imposent», indique Chihab Seddik, qui condamne l'utilisation d'armes artisanales par des groupuscules extrémistes qui ont causé la mort d'une vingtaine de citoyens. LAADH : la défaillance de l'état est flagrante La LADDH, présidée par Benissad, s'inquiète de cette escalade de violence où le droit à la vie est sérieusement remis en cause. «Malgré l'importante présence des services de sécurité dans la région, la sécurité des personnes et des biens n'est pas garantie. La défaillance de l'Etat en la matière est flagrante et montre bien à quel point le tout-sécuritaire n'a jamais construit une solution durable à ce conflit qui dure depuis au moins deux ans.» La LADDH exhorte les universitaires, les médias, les partis politiques, les syndicats, le mouvement associatif et tous les acteurs politiques et sociaux à s'investir davantage dans la réflexion, le dialogue, l'analyse et les propositions afin de contribuer à trouver des issues à la crise de la wilaya de Ghardaïa, marquée par des violences récurrentes plongeant les citoyens dans un cauchemar interminable et dans un climat de peur intenable.