Le XIVe sommet des pays non-alignés s'est ouvert hier, à La Havane, alors que l'effondrement de l'ex-Union soviétique, la chute du mur de Berlin, auparavant, ont consacré de longue date l'émergence d'un monde unipolaire dans lequel l'Amérique assume une présence hégémonique. Du coup, le sommet de La Havane pourrait faire figure d'événement atypique, voire décalé au regard des changements radicaux et profonds qui ont marqué la scène internationale ces vingt dernières années. Le non-alignement est-il pour autant une coquille vide dès lors qu'il n'est plus une alternative, la troisième voie, par rapport à deux blocs antagoniques qui se sont opposés dans une implacable guerre froide. Le non-alignement a manifestement subi le contrecoup de la fin des idéologies et de la déferlante du modèle libéral qui contrarie, dans le monde, l'avènement d'une économie à visage humain. Le nouvel ordre mondial, dont les principes ont été définis sous la présidence de George Bush père, ont ainsi marqué dès le début des années 1990 le triomphe de l'économie de marché et d'une manière évidente la fin d'une illusion socialiste certes grandiose, généreuse, mais conduite à ses limites par les errements de systèmes politiques qui avaient plus le souci de financer la paix sociale que d'instaurer les mécanismes du développement fondé sur le travail. Cela n'exonère pas le libéralisme de ses excès, de ses injustices, de la part considérable qu'il prend dans l'élargissement du fossé entre nations riches et nations pauvres. Les pères fondateurs du non-alignement avaient à cœur cette philosophie de l'équidistance à l'égard de deux conceptions également exclusives du monde, et ce choix se justifiait largement dans un contexte où les pays membres du mouvement avaient subi le traumatisme de l'occupation colonialiste et avaient le souci d'affirmer solidairement leur souveraineté face à des puissances expansionnistes qui envisageaient de les dominer autrement. Cette configuration du monde a vécu. Il reste, toutefois, au non-alignement à trouver des réponses aux grands enjeux du développement pour des pays dont les économies n'ont pas décollé en dépit des formidables potentiels dont ils disposent. Ce sont des enjeux encore d'actualité pour ces pays réputés autrefois en voie de développement et qui sont aujourd'hui en quête de la voie la plus appropriée pour survivre aux règles impitoyables de la globalisation. Si le non-alignement a pu constituer un idéal, il lui faut désormais ne pas être une utopie. C'est le défi crucial auquel est confronté le mouvement non-aligné.