« 87% des effectifs des établissements pénitentiaires ont été recrutés en 1993. Ces recrutements massifs n'ont pas été suivis d'un effort de formation adéquat. Onze années d'expériences sont très insuffisantes pour répondre aux spécificités de la gestion de ces établissements très sensibles. » Cet aveu a été fait mercredi à Mostaganem par Mokhtar Feloune, directeur des prisons et des établissements de rééducation au niveau du ministère de la Justice. Ce responsable est venu présider la cérémonie de clôture d'un séminaire de formation sur la sécurité en milieu carcéral, entamé depuis le 28 juillet dans la capitale de la Dahra. Ce responsable a souligné le volet du ministère de tutelle à corriger cette lacune en initiant un programme de formation, de recyclage et de stages à l'étranger au profit du personnel et de l'encadrement des établissements pénitentiaires et ce, dans le sillage des réformes engagées au profit du secteur de la justice. « Notre personnel n'est pas formé pour faire face à des situations exceptionnelles, comme celles que nous avons connues dans le passé. Il est temps de redresser la situation », dira-t-il à ses collaborateurs, au cours d'une collation offerte en son honneur. Devant les participants, Feloune a longuement évoqué les nouvelles dispositions qui seront prises au profit du secteur et les nouveaux textes devant le gérer à l'avenir. Il annoncera que « la reforme des prisons constitue le second volet du dossier de la réforme du système judiciaire », et qu'un projet de loi concernant l'organisation des prisons et la réinsertion sociale des détenus sera débattu prochainement par les députés avant son adoption. Modernisation du secteur « Ce projet comprend de nouvelles dispositions et des régimes particuliers qui consacreront les principes de la réforme, la modernisation du secteur, l'humanisation des conditions de détention et la promotion des droits de l'homme en milieu carcéral », expliquera-t-il, tout en indiquant qu'en vertu de cette future loi, « le juge chargé de l'application des peines disposera de larges prérogatives pour choisir le régime qu'il considérera le plus approprié en matière de mise en liberté conditionnelle, de semi-liberté, etc. ». La future loi préconise également « la création au niveau de chaque cour d'un service qui aidera les détenus ayant purgé leur peine à se réinsérer socialement. » Ce qui est une nouveauté de taille, sachant toutes les difficultés que rencontrent les repris de justice à trouver un emploi. Toutes les tentatives de ce genre essuient un échec total, ce qui pousse ces anciens détenus à récidiver et à reprendre le chemin de la prison. Le même responsable a également parlé de la révision du statut du personnel du secteur, du renforcement des relations entre les établissements pénitentiaires avec les autres organes chargés de la lutte contre la criminalité, de la coopération avec des organisations internationales comme le PNUD, l'UNICEF et le PRI, organe de l'Union Européenne, pour initier divers projets de formation, de modernisation des instruments de gestion administrative et matérielle des prisons. Il évoquera aussi le plan visant la construction de 59 nouvelles prisons. « Nous avons proposé ce nombre mais le dernier mot reviendra aux pouvoirs publics qui doivent se prononcer sur le nombre d'établissements à réaliser en fonction des moyens financiers disponibles », a expliqué Feloune aux journalistes, en marge de la cérémonie de clôture du stage. « Nous avons proposé le remplacement de toutes les prisons édifiées avant 1900 par les Français. Celles-ci se trouvent dans un état de délabrement et, de surcroît, dans le tissu urbain des grandes agglomérations. Avec ce programme de réalisation de nouveaux établissements pénitentiaires, nous visons à enrayer le phénomène de la surpopulation en milieu carcéral et à garantir toutes les conditions de sécurité, d'hygiène et de santé, selon les normes internationales. » Avec une population de plus de 38 000 détenus, les normes algériennes sont nettement en deçà des exigences universelles. Les normes européennes en matière de surface des cellules sont de 22 m2. En France, elles sont de 11 m2 pour une cellule conçue pour deux prisonniers et de 9 m2 pour une cellule d'une seule personne. 157 détenus bacheliers Le directeur des prisons et des établissements de rééducation a indiqué qu'en Algérie, la norme est de 1,86 m2 par détenu. Pour éviter la répétition des incendies enregistrés il y a quelques temps dans plusieurs prisons du pays, le même responsable a annoncé à la presse que la literie, les draps et les couvertures remis aux détenus seront remplacés par des linges non fumigènes pour éviter tous risques d'incendies. M. Feloune s'est félicité des résultats encourageants obtenus par les prisonniers qui se sont présentés aux épreuves du bac et du BEF. « Cette année, 157 détenus ont décroché le bac, dont 57 au niveau du seul établissement de Tazoult, alors que pour la session de 2003, ils n'était que 83 à devenir bacheliers. 87 autres détenus ont obtenu leur BEF. Le ministère de la Justice encourage aussi bien les détenus à suivre la voie de ces lauréats que les enseignants et les responsables des établissements qui accordent toutes les facilités à ces détenus », expliquera-t-il, tout en considérant que « l'obtention d'un diplôme, ou l'acquisition d'une formation, reste la meilleure voie d'insertion sociale, pour peu que les autres secteurs jouent le jeu. Un détenu qui sort de prison avec un diplôme ou un métier c'est une personne qui échappe au risque de récidive. » Aussi louables soient ces initiatives, elles demeurent toutefois tributaires de la réalité du terrain. Un terrain hostile pour tous. Surtout pour les repris de justice.