Pour la première fois de son histoire, le théâtre de Constantine a vécu trois nuits de fête de mercredi à vendredi derniers. Trois nuits belles et mémorables. La troupe de l'association El Belliri de Constantine a innové et a surpris tout le public. Ce dernier a été reçu dans le hall du TRC dans la pure tradition des Aissaoua, avec des plateaux de maqroud et de ghribia. On n'en revenait pas. Les nombreuses familles présentes à la générale de la pièce La symphonie de Constantine ont été emportées dès l'entrée dans l'ambiance encensée de l'œuvre. Des fragments lyriques qui ont replongé l'assistance dans la belle époque sur fond d'une idylle. Une histoire d'amour entre une fille d'une famille modeste et un émir. Alors que le père voulait marier sa fille à son cousin, mais celle-ci choisit le chemin du palais. La suite est faite de souffrances, de douleurs, de déchirements dans une ère marquée par les interdits et les tabous, avant que l'amour ne triomphe. L'émir décidera de se réconcilier avec sa belle famille et prend sa bien aimée comme maîtresse du palais, et elle lui donnera le bonheur et les enfants. Basée sur un texte de Chafika Loucif, avec une adaptation au théâtre et une mise en scène de l'ingénieux Wahid Achour, la pièce composée de plusieurs tableaux présentés sur des airs de malouf joués par un jeune violoniste, a fait déambuler le public dans les venelles d'El Batha, Zenkat Lamamra, Kouchet Ziet, Sidi Bzar, les places de Sidi Djeliss, Rahbet Essouf et les fontaines de la vieille ville. Des scènes qui rappellent aussi les traditions de la nechra, Sidi M'hamed Leghrab, le jeu du cerceau, le vendeur d'eau, le réparateur de tamis (siar), mais aussi la redjla, el hourma, les veillées des femmes autour des bouqalas et des hommes sur la place publique, sans manquer d'évoquer le drame de Salah Bey, qui a fait porter le noir des m'layas aux femmes constantinoise. L'humour était aussi présent, épique, distillé, discret et parfois viril. La pièce s'achève dans l'ambiance rythmée d'un mariage à la «sauce» constantinoise avec son inévitable hedoua et tous les ingrédients de la joie et de la bonne humeur. Pour l'auteure du texte, Chafika Loucif, l'œuvre, où la fiction épouse la réalité historique, vise à restituer les belles choses qui avaient fait le charme de Constantine, et réconcilier le public avec le passé et la belle époque. Le metteur en scène, Wahid Achour, qui n'a pas pu retenir ses larmes à la fin du spectacle de vendredi soir, s'est dit satisfait de la prestation de sa troupe et a remercié le public pour sa fidélité. «Nous avons travaillé durement durant le Ramadhan pour être à la hauteur des attentes du public. Ce n'était pas facile de transformer un monologue en pièce théâtrale. Nous avons choisi le style Aissaoui comme moteur du spectacle. Cette symphonie dédiée à Constantine est une visite dans un musée où l'on redonne vie à toutes ses pièces et ses manuscrits», a-t-il déclaré lors de la générale. La symphonie de Constantine a subjugué le public constantinois le temps d'une escapade dans le passé d'un peu plus d'une heure.