Décidément, au théâtre, la seule valeur sûre qui soit reste le classique, particulièrement en ces temps où le théâtre algérien a perdu ses repères, se mettant au garde-à-vous presque exclusivement au service des commémorations officielles. Du coup, tout ce qui y fait un pied de nez se révèle le bienvenu. Et lorsqu'il vous fait goûter à du Molière et que c'est El Belliri qui vous sert une de ses comédies légères, celle qui excelle dans le farcesque et la parodie, il y a des chances de passer un bon moment de théâtre. Cela a été le cas à la maison de la culture de Témouchent où, sur une pétillante mise en scène de Wahid Achour, a été donné Tbib, une adaptation de la pièce Le médecin malgré lui, par le même Wahid Achour. Pour l'anecdote, cette pièce a très tôt inspiré le théâtre algérien dès Djeha de Allalou en 1926, puisque l'illustre personnage, entre autres pérégrinations, est obligé de jouer au médecin malgré lui chez le roi pour dénouer une histoire d'amour, ce qui est le nœud de la pièce de Molière. Mahieddine Bachetarzi, pour sa part, adapta carrément la pièce sous le titre de Docteur Allel. Dans sa version, Wahid Achour a réduit à cinq les onze personnages créés par Molière. Il a gardé Sganarelle, Martine et Lucinde qu'il fait la fille du personnage dans lequel il a fondu deux autres : M. Robert et Géronte. Enfin, il a fait de Léandre le fils des deux premiers. La mère piège le père en le faisant passer pour un médecin auprès d'un voisin dont la fille est victime d'un étrange mal. En fait, elle est amoureuse de leur fils mais ni elle ni lui n'ont osé s'en ouvrir à leurs parents respectifs. Ces changements ont évidemment limité le nombre de quiproquos et de retournements de situation, réduisant la pièce à l'essentiel de l'intrigue. De la sorte, la critique des pratiques médicales, ainsi que la satire de la crédulité, ont été préservées. Quant à la grivoiserie, qui fait le sel de la pièce, elle a été maintenue au fil du rasoir jusqu'au seuil de l'admissible que le comique permet de faire passer auprès d'un public algérien devenu pudibond depuis deux décennies. Wahid a dû même faire jouer ses personnages de façon équivoque avec une pomme, symbole du péché originel, pour tenter de transgresser les tabous. Cependant, la dimension farcesque de la pièce a été largement rendue par l'abattage d'un trio de beaux diables d'acteurs. Hamaza Hamoudi, Belhadj Zoulikha et Filali Mourad. Sur un rythme effréné, ils ont réussi de rieuses étincelles.