En 2011, alors que les révolutions arabes emportaient sur leur passage le Tunisien Zine El Abidine Ben Ali, le raïs égyptien, Hosni Moubarak, et reconfiguraient la carte du monde arabe, le régime algérien décidait de lancer une série d'initiatives pour sauver sa tête. Le 15 avril 2011, le président Abdelaziz Bouteflika s'engageait dans son discours à «renforcer la démocratie», en adoptant une série de lois sur les libertés, dont celle relative à l'activité audiovisuelle, qui avait pour but d'ouvrir le champ audiovisuel au secteur privé. «Les chaînes privées sont nées au lendemain du printemps arabe, dans une tentative du régime de mettre du ‘mouvement dans le statu quo'», a déclaré Ammar Belhimer, journaliste et professeur de droit à l'université d'Alger, lors du débat organisé par la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), qui avait pour thème «L'ouverture de l'audiovisuel entre le vide juridique et les pressions politiques». Mais en réalité, derrière cette petite révolution, se cachait la volonté du régime d'entraver toute ouverture démocratique. Pour l'homme des médias, l'article 2 de la loi organique sur le code de l'information adoptée en 2012 en est le parfait exemple. Car, si l'article de loi reconnaît que «l'information est une activité librement exercée dans le cadre de la loi organique», il érige douze barrières à l'exercice de la profession et à la liberté d'expression. Comme il le souligne : «Cet article agit comme un rétrécissement des libertés dans l'expression.» Et de rappeler comment le régime a mis fin à la diffusion de la chaîne Atlas TV, lors de la présidentielle de 2014, car jugée trop critique à un quatrième mandat du président Bouteflika, ou encore comment le président de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (ARAV), Miloud Chorfi, ancien député RND, désigné par décret présidentiel, s'est empressé de taper sur les doigts des patrons des chaînes El Djazaïria et KBC (El Khabar TV), qui diffusent des émissions qui tournent en dérision les hommes politiques. Ce qui fait dire au professeur de l'université d'Alger que «l'ARAV, composée de membres nommés par décret présidentiel, dont cinq sont désignés par le président de la République et quatre par le Parlement, est juge et partie». Par ailleurs, Ammar Belhimer s'est attardé sur la situation ubuesque des chaînes de télévision nationales, dont toutes sont de droit étranger et fonctionnent avec des journalistes algériens. Une situation à la limite de l'«informel». En outre ces chaînes sans agrément ou accréditation ont pour la plupart été prises en main par des détenteurs de capitaux qui gravitent autour du pouvoir, afin d'exclure les professionnels. Ce que Ammar Belhimer désigne comme «une position défensive de sauvegarde» qui garantit la mainmise du régime sur les médias.