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Les décisions hâtives et tardives annoncées ne constituent pas une solution durable, mais plutôt un «cataplasme» Sergio Altuna. Chercheur dans le domaine des mouvements djihadistes et de l'islam politique au Maghreb
- Au lendemain de l'attaque de Sousse, Beji Caïd Essebsi a pris plusieurs mesures pour renforcer la sécurité. Sont-elles suffisantes ? Les décisions hâtives et tardives, comme la série des douze mesures annoncées par le chef du gouvernement tunisien, Habib Essid, suite à l'attentat terroriste de Sousse, ne constituent pas une solution durable, mais plutôt un «cataplasme» qui ne durera pas dans le temps. Bien entendu, dans ce cas elles servent à calmer la population tunisienne et aussi à rassurer la communauté internationale. Je reste toujours dans l'attente d'une série de mesures et stratégies avec lesquelles on pourra constituer un plan antiterroriste. Aujourd'hui, la Tunisie n'a pas de plan anti-radicalisation, ni de programmes de déradicalisation pour un contingent de djihadistes qui est estimé en environ 5500 individus. Le reste des mesures n'aura qu'un effet placebo, dont l'efficacité est douteuse. Il est très urgent pour le Tunisie de se concentrer sur l'élaboration d'un plan stratégique global, avec un rayon d'action ciblé. A l'heure actuelle, les négligences et le déni d'appliquer de vraies mesures et d'affronter la réalité continueront à avoir des conséquences de plus en plus dramatiques. - Le Mont Chaâmbi, principal maquis djihadiste de Tunisie, constitue un véritable casse-tête pour les autorités. Les efforts devraient-ils être dirigés vers le rocher aux 260 grottes pour parer à la menace ? Il faut d'abord préciser que la menace djihadiste n'est pas confinée seulement au Mont Chaâmbi, mais aussi aux Monts Sammama et Selloum, aussi proches de la ville de Kasserine, et au Mont Ouergha et la région frontalière du nord-ouest de la Tunisie. Et encore, comme on a pu le voir clairement ces dernières années et récemment avec les attentats du Musée du Bardo et de Sousse, la menace djihadiste en Tunisie ne se cantonne pas seulement aux montagnes, mais cherche plutôt à perpétrer des attentats plus médiatiques en poursuivant au moins deux objectifs clairs : d'un côté, essayer d'isoler le pays, de le faire rentrer dans un contexte chaotique, et chercher à faire dérailler l'expérience démocratique tunisienne en la poussant vers le précipice. D'un autre côté, élever les niveaux de violence pour pousser le gouvernement tunisien à prendre de mauvaises décisions et même à adopter des comportements antidémocratiques envers une frange de la population pour pouvoir plus tard capitaliser et instrumentaliser la réaction d'une partie des Tunisiens. Le cas d'une menace qui évolue rapidement serait terrible. Je m'explique : le pire serait un scénario où l'escalade de la violence serait une compétition entre les deux organisations djihadistes présentes en Tunisie, à savoir la katiba Oqba Ibn Nafaa et les différentes formes qui pourront adopter les militants/partisans qui ont, pour le moment, prêté allégeance à l'organisation Etat islamique n'est pas écartée. Aussi, le retour d'une partie de l'énorme contingent de Tunisiens en terres de conflit (Libye, Syrie, Irak..) demeure une menace redoutable qui ne peut pas être négligée. - Le mur que construit la Tunisie afin d'endiguer le terrorisme venant de Libye n'a pas été du goût des Libyens. Pourtant, cela paraît comme la solution du moment pour les Tunisiens... Qu'en pensez-vous ? Ce mur de sable dont on parle quotidiennement depuis des jours est un projet qui a démarré au mois d'avril suite à l'attaque du Musée national du Bardo, en attendant la mise en place d'un système électronique considéré pour l'instant par le chef du gouvernement tunisien comme non «prioritaire». A mon avis, l'efficacité du mur restera plus ou moins faible, et la mesure de son impact en matière de sécurité très compliquée. Il faut tenir compte de plusieurs données : le mur ne couvrira qu'un tiers de la frontière tuniso-libyenne — même si le Sahara en Tunisie a le statut de zone militaire —, il est nécessaire de rappeler la facilité avec laquelle les différents groupes djihadistes – notamment AQMI – se déplacent dans ce genre de régions. Connu est aussi le rôle de la contrebande entre les deux pays (cela constitue pour une grande partie de la population de certaines villes comme Ben Gardane une ressource économique très importante), notamment présente dans le passage frontalier de Ras Al Jdir et dans une moindre mesure dans celui de Dhehiba, à cause du relâchement des agents douaniers. Aujourd'hui, les Libyens sont incapables de fournir une liste de noms, pour identifier les terroristes, à cause de l'inexistence d'un Etat en Libye.