En contradiction de la politique prônée par le gouvernement pour le produit fabriqué localement, les soumissions des laboratoires étrangers sont mieux valorisées. Attendu depuis quelques mois, l'appel d'offres national et international pour la fourniture de médicaments (programme 2016), lancé début juillet, s'avère en totale contradiction avec la politique nationale engagée par le gouvernement. Entaché de nombreuses incohérences, cet appel d'offres risque de poser de sérieux problèmes quant à son aboutissement. Les dispositions du cahier des charges, en l'occurrence celles relatives à l'évaluation et au barème de notation (article 52), remettent en cause le principe de la concurrence conformément à la réglementation et au code des marchés publics. Dans l'appel d'offres national, la grille de notation favorise le soumissionnaire conditionneur par rapport au fabricant : le conditionneur local a 20 points alors que le fabricant local en a 15. Ce qui est clairement en contradiction avec la politique du gouvernement qui encourage la production nationale et a décidé d'interdire les conditionnements primaire et secondaire. «Le packaging secondaire est favorisé par cet appel d'offres, alors que les autorités n'ont cessé de critiquer cette activité (qui consiste à mettre des flacons dans des boîtes) pour laquelle l'enregistrement était censé bloqué», signale un producteur. Ce dernier relève par ailleurs que «la PCH valorise la soumission des labos étrangers au détriment des laboratoires qui ont valorisé le marché algérien soit en s'installant en filiale, devenant ainsi importateurs de leurs produits étant donné qu'ils ne sont pas fabriqués localement, soit en signant des partenariats avec des producteurs locaux qui importent leurs produits». Il précise que l'achat de médicaments auprès de la filiale d'un laboratoire ou de ses importateurs apporte une plus-value certaine à travers la mise en place d'un stock permettant une meilleure disponibilité du produit et une prise en charge de toutes les contraintes administratives et financières liées aux opérations d'importation (dédouanement, transit, frais de magasinage). «Le seul effet négatif de passer par une filiale ou un importateur serait éventuellement un surcoût financier qui sera de toute façon sanctionné par la note financière», a-t-il indiqué. Le deuxième critère exigé est lié à la forme du produit, qui est notée sur 15 points pour le blister prédécoupé opaque et 2 points pour le blister simple. Un écart de points injustifié, estime notre interlocuteur : «L'opacité ou pas d'un blister relève des conditions de conservation liées au produit. Si un produit n'a pas besoin d'un blister opaque pour garantir sa conservation, pourquoi donner plus de points à un produit dont les conditions de conservation nécessitent un blister opaque ?» «Cet écart est de nature à défavoriser de bons produits sans motif objectif», signale un autre fabricant. Quant à la note financière fixée par ce cahier des charges, les soumissionnaires estiment qu'«il y a une véritable discrimination envers les sociétés soumissionnant à travers leurs filiales algériennes ou à travers leurs partenaires locaux». L'anomalie réside toujours sur ce système de notation qui défavorise le local à qui est fixé le délai de paiement à 180 jours pour obtenir 8 points, alors qu'un délai de 120 jours est octroyé à l'étranger pour la même note, soit un avantage de 60 jours. D'autres incohérences sont également relevées, concernant également des fournisseurs étrangers. «Une notation qui donne plus de points à la lettre de crédit à 59 jours (4 pts), plutôt qu'à la remise documentaire à 59 jours (2 pts), sachant qu'une lettre de crédit est plus chère et plus contraignante qu'une remise documentaire», fait remarquer notre interlocuteur. Et de s'interroger : comment la PCH pourra-t-elle comparer les prix d'un fournisseur étranger à ceux d'un local et «quel sera le coefficient utilisé, sachant que le fournisseur étranger soumissionne en coût et fret, voire en FOB, alors que le local devra en plus de la valeur de la marchandise FOB ou C&F assumer les frais de la lettre de crédit, les droits de douane, les frais liés au magasinage, au transit, au transport et au stockage ?» Il précise que le fournisseur étranger n'aura pas à faire face à la perte de change étant donné qu'il exporte en euros ou en dollars, alors que le fournisseur local devra assumer les pertes de change étant donné qu'il soumissionne en dinars. «Lorsque l'on sait que le dinar a perdu 27% de sa valeur en un an, nous risquons de nous retrouver face à une trop grande dévaluation du dinar à l'avenir. Alors, certains fournisseurs étrangers deviendront de fait plus chers que les soumissionnaires locaux : que faire à ce moment-là ? Certains soumissionnaires locaux risquent de ne plus pouvoir honorer leurs engagements si la dévaluation atteint des niveaux les forçant à vendre à perte, étant donné que la réglementation algérienne interdit la vente à perte», a-t-il encore souligné. Par ailleurs, les soumissions pour les produits non enregistrés sont également autorisées par une décision ministérielle. Cet appel d'offres est disponible sur le site web du ministère de la Santé – dans la rubrique «attribution provisoire», ce qui peut prêter à confusion – et la date limite de soumission est fixée au vendredi 21 août.