Le «fou» au jeu d'échecs, est une pièce importante, contrôlant les diagonales, d'égale valeur que le cheval mais inférieure à la tour. En politique, le «fou du roi» est chargé de divertir, occasionnellement, le prince du moment, mais à ne pas confondre avec le bouffon. Le fou du roi est surtout chargé des basses besognes ! Ce poste stratégique n'est pas confié à n'importe quel luron de la cour, il est attribué à celui qui est prêt à exécuter toutes missions, confiées par le prince, tant qu'il est à son poste, à tout moment et de toute nature, jusqu'à la limite de ses propres intérêts, ce qui restreint considérablement le nombre de postulants. Dans cette situation préélectorale que traverse notre pays, il est essentiel pour le Président sortant et son clan d'avoir cette pièce entre les mains, pour leur permettre de débusquer tous ceux qui, au sein du pouvoir, tiennent «la canne par le milieu»(1). Ce jeu de pouvoir consiste à provoquer tout le «personnel boulitique» de manière à le faire réagir en le faisant sortir de son trou(2). La trahison et la compromission étant, par définition, les instruments privilégiés de ce jeu, il est fondamental pour le Président, «enfant du système»(3), et son clan, de faire une revue des troupes avant l'assaut final. C'est la mission confiée à A. Saadani, SG présumé du FLN et enfant de la troupe musicale de l'UGTA, qui joue une partition préétablie, en direct sur la chaîne de TV unique, sous nos yeux ébahis(4). Qui est le maestro de cette comédie musicale ? Eclaireur averti pour le compte du clan présidentiel, il va commencer par distribuer des bonnes et de mauvaises notes aux éléments formant l'équipe de janissaires(5) devant jouer la gamme, en rappelant à tous qu'il excelle dans le genre «hadaoui» et qu'il entend demeurer le chef d'orchestre incontestable et incontesté de cette phalange du clan(6). Car, l'enjeu est vital pour sa propre personne(7) bien entendu, puisque la désignation élective qui consacrera une quatrième fois le Président sortant permettra de rebattre les cartes du pouvoir et de distribuer ce dernier au plus méritant, notamment le poste de vice-Président de la République(8) ! S'il atteint ce poste, à Dieu ne plaise, à partir de ce mirador politique, fusil à lunette en main, il pourra détruire toutes les velléités des autres derviches tourneurs qui auraient la mauvaise idée de l'en déloger et, de la sorte, envisager avec optimisme et sérénité la prochaine désignation élective anticipée, compte tenu que l'état de santé du Président le met dans l'incapacité d'assumer ses fonctions jusqu'à la fin de son mandat(9). L'annonce faite, la semaine dernière, de la candidature plus que certaine du Président sortant par le SG présumé du FLN, alors que le principal intéressé ne s'est toujours pas prononcé(10) vise deux objectifs majeurs(11). Il s'agit d'abord, à l'intérieur du FLN, de couper l'herbe sous le pied des frondeurs-commanditaires d'un candidat caché derrière le rideau(12). «Game over», semble-t-il avertir à partir du siège du casino d'Hydra. «Les jeux sont faits, rien ne va plus… rejoignez-moi après une grande ‘moubayaâ'(13) et je saurais me montrer clément avec les brebis égarées, membres du comité central», qui attendent tous, impatiemment, de basculer dans le camp du vainqueur. En outre, il affiche, par ce biais, qu'il est le seul maître apparent de cette partie de guinche où il déclare avoir tous les atouts en mains. Il adresse également, au passage, un message au «candidat sérieux» et aux lièvres(14) avec condescendance et avant même la tenue de cette désignation élective, qu'ils n'ont aucune chance de victoire. Il les encourage, néanmoins, à faire bonne figure pour crédibiliser le scrutin vis-à-vis de la communauté internationale(15). Son interview explosive, sur TSA, a également une portée à dimension nationale et internationale puisqu'il permet au clan présidentiel de délivrer un message, à travers A. Saadani, SG présumé du FLN, en direction de toutes les chancelleries, notamment celles qui pèsent dans le choix du futur Président, à savoir les USA, la France et les pays du Golfe. En lui faisant déclarer, de manière péremptoire, que «la place des militaires est dans la caserne» et «je milite pour la séparation des pouvoirs, our un Etat civil», le clan présidentiel stigmatise directement l'institution militaire, corps de bataille et services de sécurité confondus. Cette attaque en règle signifie indirectement qu'un quatrième mandat serait utilisé par le clan présidentiel pour mettre en œuvre des principes fondamentaux de la démocratie, c'est-à-dire à un retour de l'exercice du pouvoir réel entre les mains des institutions civiles légitimées, prévues par les textes fondamentaux du pays. Qui a empêché ce processus démocratique de se mettre en œuvre durant les quinze dernières années ? La réponse du clan présidentiel, via A. Saadani, SG présumé du FLN, est cinglante : «C'est l'institution militaire qui est responsable de tous les maux qu'a vécu de notre pays et qui a failli à ses missions constitutionnelles !» Jugez-en vous-mêmes, chronologiquement ! De la campagne menée durant les deux premiers mandats et qui a permis de mettre l'armée sous ses uniques ordres (le refus d'être un trois quart de Président), le clan présidentiel va passer à l'offensive, après avoir triomphé d'un clan du pouvoir durant le troisième mandat, non sans avoir déverrouillé la Constitution. Distribuant généreusement le grade de général, même à des «maréchaux des logis», pour mieux le banaliser, il va tenter de neutraliser l'institution militaire et de l'extraire de l'ambivalence qui a caractérisé le pouvoir depuis l'indépendance. Cette stratégie, patiemment construite pour préparer le frère du Président à la magistrature suprême en 2014, se heurtera aux autres clans du pouvoir qui vont réagir en stoppant net cette tentative. Cette volonté de créer une tradition dynastique, ex nihilo, va recevoir un refus frontal de l'institution militaire qui, dès lors, retrouvera sa cohérence interne et prendra conscience que le pays risquerait d'imploser au cas où la succession présidentielle ne se résumerait qu'à deux candidats, le Président sortant ou son frère ! Le rejet de la candidature du frère et l'état de santé du Président sortant se dégradant, rendant sa reconduction hypothétique, il est évident que le clan présidentiel va faire porter le lourd passif du bilan des trois derniers mandats sur l'institution militaire entièrement. Cibler le commandant du DRS(15), l'accuser d'être l'architecte de l'«Etat-DRS», faiseur de rois, donc de Président, devient la mission confiée au «fou du roi» qui sera chargé de la mener à son terme, en prenant tous les risques induits par cette opération de haute voltige(16). Il est donc primordial pour A. Saadani, SG présumé du FLN, de commencer par récuser tous les dossiers de corruption(17) confectionnés par le DRS, en particulier ceux qui touchent directement ou indirectement le clan présidentiel et lui-même. Les accusations proférées sans discernement à l'encontre de l'institution militaire et des services de sécurité ont un impact national, mais surtout international, dont personne ne pourra se départir et c'est le but recherché. Dès lors, le jeu de rôles peut commencer et les acteurs sommés de choisir leur camp(18) dans cette thérapie collective vomitive. Une troupe difforme de «baltaguia» va sonner la charge et se jeter à bras-le-corps dans une campagne où tous les coups sont permis : insultes, mensonges, opprobre, diffamation, contrevérités, insinuations, trahison, révélations, témoignages, menaces, intimidations, violences multiformes.... Un corps «boulitique» en décomposition avancée, purulent et fétide, qui se rappelle à ses traditions grégaires et à son éducation familiale originelle, qui refuse d'assumer ses propres turpitudes. Comme disait un dicton chaoui, «atchabaadass». Au-delà des scénarios fantaisistes(19), le spectre d'une victoire à la Pyrrhus de Ali Benflis est exclu et complètement inimaginable pour le clan présidentiel, qui soupçonne le commandant du DRS d'en être l'instigateur ; un remake inversé de 2004(20). En effet, même après les dernières déclarations apaisantes et réconciliatrices du candidat le plus sérieux, le clan présidentiel considère cette éventuelle candidature comme la pire des solutions et comme mortelle pour lui et pour tous ceux qui gravitent autour de lui. Il considère que Benflis se retournera forcément contre lui et, fatalement, se vengera de toutes les humiliations subies depuis 2004 et détiendra les moyens légaux et judiciaires d'assouvir sa vengeance. Ce cauchemar(21) hante le clan présidentiel et l'a conduit à l'utilisation de l'armement lourd, engagé à travers A. Saadani, stratégie de destruction massive ou offensive téméraire, désespérée. Dans les deux cas, c'est l'Algérie qui est perdante.