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«Le tourisme n'a jamais été une priorité de développement économique» Karim Cherif. DG d'Eden hotels et président de la fédération nationale des hôteliers
- Depuis des années, on parle de promouvoir la destination Algérie, mais bon an, mal an, nous attirons un peu plus de 2 millions de touristes. Qu'est-ce qui empêche le décollage de ce secteur au vu de toutes ses potentialités et de l'argent injecté ? Je voudrais d'abord revenir sur un aspect fondamental qui a impacté le développement et la promotion de ce secteur dans notre pays. En effet, le tourisme n'a jamais été une priorité de développement économique, l'Algérie privilégiant à juste titre, au lendemain de l'Indépendance, un modèle de développement visant à répondre aux immenses besoins de l'Etat algérien naissant. Le secteur du tourisme était tout au plus toléré. Depuis, notre secteur n'a cessé de se développer et de croître, avec ces 15 dernières années une accélération de la dynamique touristique. Je voudrais aussi, à ce titre, préciser qu'en 1962 l'Algérie disposait d'une infrastructure touristique d'à peine 5000 lits. Nous disposons actuellement de plus de 110 000 lits. Il n'y a effectivement pas encore lieu de se satisfaire de la situation actuelle du tourisme, toutefois il serait faux de ne pas reconnaître que de réels efforts ont été consentis pour doter ce secteur d'infrastructures pouvant répondre à des flux touristiques. La nouvelle donne économique a conforté la place du secteur du tourisme comme un vecteur essentiel de développement stratégique et prioritaire pouvant être une alternative à la dépendance aux hydrocarbures. Le nouveau discours foncièrement volontariste des pouvoirs publics de promouvoir désormais le tourisme peut augurer de perspectives intéressants pour un secteur pourvoyeur de richesses, de valeur ajoutée, de plus-values économiques et d'emplois pour notre pays. Je préciserai que le chiffre d'entrée de touristes internationaux est de 2,6 millions de touristes, avec plus de 250 000 touristes étrangers. Si on devait analyser ces chiffres et les comparer avec nos voisins qui n'ont pas les mêmes atouts naturels, historiques et culturels, on peut dire que le secteur du tourisme en Algérie n'est pas exploité au regard de ses potentialités. Cependant, ne dit-on pas que «comparaison n'est pas raison» ? Nos voisins immédiats ont eux intégré depuis plus de 50 ans le tourisme comme une véritable priorité nationale. Ces pays ont privilégié un tourisme de masse avec un accès sans contrainte envers les flux d'investissements étrangers et touristiques. A nous de trouver d'autres moyens spécifiques pour développer un tourisme alternatif, différent, basé sur l'authenticité. Notre pays ne manque ni de moyens financiers, ni de ressources, ni de volonté ; toutefois, une véritable stratégie sur le long terme impliquant l'ensemble des intervenants, acteurs et professionnels, en liaison permanente avec les pouvoirs publics, peut se traduire par une batterie de mesures stimulantes et mobilisatrices capables de dynamiser et de donner une nouvelle impulsion à notre secteur d'activité. Il est évident là aussi que le développement du tourisme ne peut être circonscrit à la seule augmentation des infrastructures d'accueil bien qu'il s'agisse là d'un volet important. Cependant, la complexité de notre secteur qui se révèle transversale et intersectorielle ne peut se développer en vase clos. En effet, le tourisme est une culture, un état d'esprit, des modes de fonctionnement, de tolérance et de modernité qui doivent s'enraciner dans le vécu quotidien avec des ramifications dans tous les pans de la société. - On reproche à l'Algérie d'avoir une offre hôtelière insuffisante et inadaptée en termes de rapport qualité/prix. En tant que dirigeant d'une chaîne hôtelière, pensez-vous qu'il faille encore miser sur l'Etat pour y remédier, ou c'est au privé de s'en charger ? Effectivement, j'ai le privilège de diriger un groupe à capitaux privés, le Groupe Eden qui a, entre autres, investi à la fin des années 80' dans le secteur du tourisme en général et de l'hôtellerie en particulier. J'ai pu observer l'évolution et les mutations du secteur du tourisme au travers des différentes politiques et des stratégies qui ont été mises en œuvre en Algérie. Pour ma part, je suis résolument convaincu que l'Etat n'a pas forcément vocation à gérer un établissement hôtelier, un restaurant ou une cafétéria. Je pense que le rôle des pouvoirs publics est de mettre en place le cadre législatif et l'environnement propice pour faciliter l'entrepreneuriat touristique. Dans la réalité, le secteur public en Algérie représente seulement 4% de l'infrastructure touristique. Je vous dirais qu'à l'heure actuelle, notre pays s'est doté de plus de 1100 établissements hôteliers avec la réalisation à l'horizon 2025 de plus de 700 nouveaux hôtels, soit l'augmentation plus de 70 000 lits qui viendront s'ajouter aux 100 000 lits existants. Au-delà des chiffres qui permettent d'évaluer avec objectivité l'augmentation quantitative de l'offre touristique et d'observer la dynamique en termes d'investissements et de réalisations dans notre pays, il reste toutefois beaucoup à faire en termes de qualité et de formation pour offrir des prestations aux standards internationaux. Cependant, l'augmentation de l'offre touristique va permettre, par le biais de l'émulation et de la concurrence, d'augmenter, d'une part, la qualité et le niveau de la prestation, et, d'autre part, par le biais de la compétition de baisser les prix. C'est le résultat du jeu naturel de l'offre et de la demande. Je tiens à noter également l'apport non négligeable des chaînes internationales, des enseignes, des labels internationaux qui se sont installés et ont permis de diversifier l'offre touristique tout en tirant vers le haut le niveau de la formation. Je voudrais également aborder le Schéma directeur de l'aménagement touristique (SDAT), cadre de référence qui a le mérite, à mes yeux, de poser un certain nombre d'objectifs prioritaires en coordonnant et en orientant les programmes de développement du tourisme à l'horizon 2030 en dégageant des objectifs liés à l'augmentation des capacités d'hébergement du pays, à la diversification de l'offre touristique, à l'amélioration de l'image de l'Algérie, à la création et à l'augmentation de l'emploi. Beaucoup de choses ont été faites, d'autres restent à faire. - Pensez-vous que notre communauté algérienne à l'étranger et le tourisme domestique peuvent être des alternatives aux touristes étrangers ? La configuration de la typologie touristique de notre pays se définit par essentiellement trois segments : le le tourisme domestique, le tourisme de la communauté nationale ou binationale établie à l'étranger, et le tourisme corporate ou d'affaires. Nous pensons que nous devons bien évidemment répondre aux demandes et aux besoins de ces typologies de clientèle en essayant d'augmenter ces différents potentiels. D'autres gisements de flux touristiques, à l'instar du tourisme thermal, culturel, cultuel, archéologique, saharien, balnéaire, chasse et pêche, etc. sont à développer. La valorisation de la destination de notre pays, l'amélioration de la qualité des prestations touristiques, le renforcement du financement et de la formation, la création de nouveaux pôles d'excellence sont des axes stratégiques dynamiques qui sont, désormais, pris en charge. A nous, tous ensemble, de conjuguer nos efforts pour bâtir une vraie politique touristique à même de promouvoir l'Algérie comme une véritable destination.