La pluie battante donne à la petite localité de Guettar El Aïch dans la commune du Khroub les allures d'un lieu presque désert. On y accède par un petit pont. En somme, un village qui ne diffère en rien des autres contrées oubliées de la wilaya, ne sortant de l'anonymat que pour alimenter les colonnes des journaux, suite à un mouvement de protestation. Pourtant, depuis un peu plus de deux décennies, le village était un passage obligé vers la ville de Aïn M'lila, cela avant la réalisation du nouveau contournement de la RN 79. Cinq minutes à peine suffisent pour faire le tour des lieux en voiture. Le village se résume à trois îlots d'habitations hétéroclites, séparés par deux routes tracées à l'équerre, alors qu'une troisième demeure toujours à l'état de terre battue. Au sommet de la colline, une petite fontaine, toujours en vie, garde toujours une date. L'année 1868 a vu l'arrivée des premiers colons français. La population est toujours sous le choc, après les événements ayant marqué lundi dernier l'opération de démolition de gourbis décidée par l'APC d'El Khroub et qui a failli dégénérer en émeute. C'est dans l'un des rares cafés, qui servent de lieux de rencontre pour les habitants, que des gens simples ont accepté de nous raconter leur quotidien. Une vie qu'ils résument en deux mots : « Hogra et marginalisation », selon leurs propos. Et d'ajouter : « En 2002, la veille des élections locales, nous avons reçu des tas de promesses. Depuis, c'est le silence total. Le village qui attendait un éveil sombrera encore dans l'oubli ». Un oubli qui dure déjà depuis l'indépendance, selon toujours certains habitants de Guettar El Aïch qui ne citent que la construction en 1985 d'une cinquantaine de chalets à l'entrée du village, aujourd'hui dans un état vétuste. « La localité n'a guère bénéficié de projets de développement et se trouve défavorisée par rapport aux autres régions de la commune de Khroub », rappellent les citoyens qui s'interrogent toujours sur le fameux programme de relogement réservé à la localité et qui a disparu sans explications, affirment-ils, d'autant plus que les habitants des trois gourbis précaires, démolis lundi dernier, ont été construits par des citoyens de Guettar El Aïch désespérés d'avoir un jour un logement décent. Les habitants nous disent aussi qu'ils s'étonnent encore plus de la réaction de la commune et de la daïra d'El Khroub, sachant que plusieurs gourbis construits illicitement à quelques mètres seulement n'ont pas été touchés. « Au cas où il faudrait démolir les constructions illicites, la majorité des habitations de Guettar El Aïch devront disparaître car construites illégalement sur des terres domaniales, chose que les autorités de la commune d'El Khroub savent bien, alors pourquoi s'acharner sur trois familles pour les condamner à l'errance ? » s'insurge un membre de l'association du village. Le calvaire des bouteilles de butane et du mazout ramenés d'El Gourzi, à cinq kilomètres, est loin de connaître sa fin, au même titre que les coupures fréquentes du courant électrique. L'hiver est très dur pour les 250 collégiens et lycéens qui souffrent pour rejoindre leur établissement à El Khroub, faute de transport scolaire. Le chômage touche la majorité des jeunes qui n'ont bénéficié d'aucune formule d'emploi.