Deux jeunes ont trouvé la mort et un autre a été blessé, jeudi dernier, suite à l'effondrement d'un abri de cage à la cité des Frères Saker en plein cœur de Skikda. « C'était prévisible », témoigne le président de l'association de la cité. « C'est criminel », s'insurgent les habitants qui ont barricadé la route passant par de la cité durant toute la matinée d'hier. La veille déjà, juste après la mort des deux jeunes, la cité des Frères Saker (ex-Camu Rossi) bouillonnait et la tension était à son maximum. Le maire et un élu de l'assemblée venus s'enquérir de la situation ont été accueillis par les huées de la foule avant de rebrousser chemin. « Ce n'est que maintenant qu'ils viennent constater les dégâts…Où étaient-ils avant et qu'ont-ils fait de nos maintes protestations ? », s'est interrogé un habitant avant de continuer « On n'a jamais cessé d'attirer l'attention de tous les responsables quant au danger que constituait cette dalle même qui s'est effondrée. » Les camions dépêchés par la commune pour les opérations de déblayage le soir même de l'accident n'ont pas pu accéder à la cité. Idem pour un engin dépêché pour détruire un autre abri de cage limitrophe au premier et qui risque de connaître le même sort. Les habitants qui ont interprété la venue de ces camions comme n'étant qu'une volonté d'effacer les traces du « crime » sont allés jusqu'à menacer de les brûler. « On ne touchera à rien. Il faut que tout le monde voie les conséquences de la bêtise. » Au sujet du drame, un témoin oculaire raconte : « Il était presque 21h quand Kebir Mohamed, son jeune frère Hicham et leur voisin Lazghed Mohamed, 18 ans, s'étaient mis sous l'abri de la cage AB. La pluie commençait à ce moment-là de tomber. En une fraction de seconde, la dalle en béton de l'abri et son mur porteur se sont effondrés. Hicham réussira à s'extraire en pénétrant dans la cage. Il a été blessé au cou. Les deux autres ont été comme emportés par la force de l'écroulement de la dalle en béton et du mur. Ils ont été écrasés sous leur poids. On a très vite accourus pour les secourir. En vain. Ils étaient déjà morts et je vous fais grâce de l'état de leurs corps. C'est épouvantable. » La tension de la veille n'a pas baissé d'un cran, hier matin. Bien au contraire, les jeunes de la cité ont procédé à la fermeture de l'axe routier et exigé la présence du wali. Le déplacement du chef de cabinet arrivera à calmer les esprits et les jeunes accepteront de lever les barricades vers midi « pour permettre l'arrivée des dépouilles de nos amis » ont-ils précisé. La colère de la cité des Frères Saker trouve son essence dans un grand sentiment de « hogra » et de « non-assistance » que ressentaient hier la plupart de ses habitants. Sur place, les membres de l'association de la cité ne cachaient pas leur amertume et leur colère aussi. « Regardez, nous avons à maintes reprises attiré l'attention des responsables de l'OPGI quant aux dangers que nous encourons, plus particulièrement au sujet de ces deux abris de cage et dont l'un a occasionné un drame. » Le président de l'association expose les correspondances adressées avec accusés de réception aussi bien à l'OPGI qu'à d'autres institutions, dont l'APC où l'association attire l'attention. Une première lettre adressée le 4 février et une seconde de rappel le 6 mars dernier. « On n'a eu aucun écho. On a même posé le problème lors d'une émission de Radio Skikda le 24 juin 2006 et publié des articles dans la presse écrite, mais sans suite », affirme le président de l'association qui continue : « Notre cité tombe en ruine. Six balcons se sont déjà effondrés et Dieu merci ces accidents se sont tous produits la nuit. Nos enfants ont été mordus par des rats, nos vides sanitaires sont constamment pleins… » ; il énumérera plusieurs imperfections dont souffre la cité qui reste l'une des plus anciennes de Skikda. Bâtie en 1957 dans le cadre du plan de Constantine, la cité Saker compte 508 logements, où s'entassent autant de familles. C'est aussi la cité la plus vulnérable en matière d'inondation. « L'état de la cité se dégrade à vue d'œil et laissez-moi vous dire que depuis l'indépendance à ce jour, elle n'a jamais fait l'objet d'une réhabilitation. On ne fait que bricoler et colmater quelques fissurations, le reste voilà où il nous a conduits. » Une réflexion faite par un des membres et qui fait mal dans une Skikda en pleine déliquescence. Une ville gonflée de quelque 400 milliards de centimes, mais où tout se fait et se décide pour appâter les galeries et le faux prestige aux dépens de l'urgent. Mais rien n'urge à Skikda et depuis déjà pas mal de temps ! L'APC, à qui incombe la préservation des biens et des personnes, a t-elle fait son devoir en demandant à l'OPGI d'agir bien avant ? Cette dernière a-t-elle déjà préparé un plan de travail pour répondre aux doléances des habitants de la cité Saker ? Ces questions restent pour le moment sans réponse, vu que tous les responsables de ces deux institutions restaient injoignables durant la journée d'hier. Deux jeunes sont donc morts. Ils ont été enterrés et Skikda, comme à son habitude, oubliera vite pour se remettre à ses petites bricoles et ses farfelus projets. Quant aux citoyens de Saker, de Souika, de Houmat Ettalyène, de Bouabbaz , de Sicel ou d'ailleurs, ils pourront bien endurer un autre drame !