L'ancien chef du groupe terroriste, Armée islamique du salut (AIS), a pu tenir le camping d'été de son «organisation» regroupant ses partisans de l'ouest du pays dans le «cadre de la structuration dans la perspective d'une future organisation ou d'un parti», a-t-il assuré. Sans l'autorisation préalable. Il n'en a cure. L'ex-émir de l'AIS n'a pas jugé nécessaire de refaire une demande d'autorisation auprès de l'administration de la wilaya de Mostaganem pour pouvoir réunir les anciens de son organisation. Nous connaissons la bureaucratie de l'administration, nous n'avons pas demandé d'autorisation pour notre camping régional où nous avons débattu de la réconciliation nationale et de la restructuration de notre mouvement», a précisé Madani Mezrag. Pourtant, dans un premier temps, Mezrag avait demandé la permission de «réunir ses troupes». La direction de la réglementation et de l'administration générale (DRAG) de la wilaya de Mostaganem avait refusé de lui délivrer une autorisation. Contactée par El Watan, la DRAG de Mostaganem a effectivement reconnu avoir été destinataire d'une demande de l'Armée islamique du salut (AIS) pour tenir «une université d'été de l'AIS». Une demande à laquelle avait été opposé un refus net. Le rejet de l'administration n'a pas eu d'effet, dès lors que Madani Mezrag et ses partisans ont organisé leur rendez-vous, en passe de devenir annuel après celui de Jijel, l'an dernier. L'ancien émir de l'organisation terroriste — qui a été «réhabilité juridiquement et politiquement» à la faveur de la concorde civile et de la charte pour la paix et la réconciliation nationale — a laissé entendre, lors d'un entretien téléphonique, qu'il a «informé les hautes autorités du pays» de son activité. Ce qui revient à dire que l'autorité politique du pays a toléré que les anciens éléments de l'Armée islamique du salut se réunissent en toute liberté. Le plus inquiétant est que la rencontre a été organisée sous la bannière de l'AIS, a confirmé Madani Mezrag, qui considère qu'il «contribue à concrétiser le projet de réconciliation nationale et à permettre aux anciens du FIS et de l'AIS de revenir progressivement dans la vie politique nationale» ! Comble de l'ironie, l'ex-terroriste — qui, lors d'un récent passage télévisuel, n'a pas laissé transparaître l'ombre d'un regret des crimes commis par son organisation et par lui-même — est allé jusqu'à dire qu'il œuvre «pour barrer la route à ceux, d'où qu'ils viennent, qui veulent revenir à la case de sang qu'a connue le pays». Visiblement, il ne manque pas d'air ! Ceux qui veulent le retour aux années de sang, selon l'ancien chef du groupe terroriste qui a à son actif des dizaines de victimes, «se trouvent parmi les laïcs, les éradicateurs et... les islamistes». L'ancien chef terroriste se serait-il reconverti en apôtre de la paix ? Difficile de le croire, lui qui ne regrette rien de ce qu'il a commis durant la décennie noire. Assassin assumé, il avait déclaré dans une interview à Jeune Afrique, en 2006 : «Oui, j'ai tué de mes propres mains. C'était en 1993, dans la région de Jijel, au cours d'une embuscade dressée contre un convoi militaire. Le jeune militaire agonisait encore lorsque j'ai arraché la kalachnikov de ses mains. J'ai gardé cette arme pendant plusieurs années, mais je l'ai détestée parce qu'elle m'a toujours rappelé les râles de ce militaire au moment où il rendait l'âme.» Pour ce crime assumé, Madani Mezrag n'a jamais été jugé. La loi sur la réconciliation nationale l'a absous, ainsi que ses sbires, de tous les crimes commis. Elle interdit même l'emploi du terme «terroriste»... Autorisé à activer, il a été jusqu'à être invité au palais d'El Mouradia (présidence de la République) pour donner son avis sur le projet de révision de la Constitution. Et c'est l'ancien éradicateur reconverti, Ahmed Ouyahia, qui l'a reçu. Madani Mezrag a-t-il rendu «d'énormes services au pouvoir» dans la lutte contre le terrorisme, notamment les GIA, pour bénéficier d'un traitement de faveur ? Vraisemblablement. Cependant, le pouvoir réserve un tout un autre traitement aux acteurs politiques, syndicaux et associatifs. La répression, l'interdit et dans certains cas l'emprisonnement leur sont opposés en permanence. Des partis politiques légaux se voient interdire de tenir des rencontres publiques dans des salles. Des syndicalistes, des militants politiques sont traînés devant les tribunaux pour avoir exprimé pacifiquement leur opinion. Par un laxisme complice, le pouvoir politique fait profil bas devant des voix obscurantistes qui, parfois, appellent au meurtre, comme c'est le cas avec le sinistre Ziraoui Hamadache qui écume les plateaux de télévision, vociférant des menaces à tout-va. Ayant le vent en poupe, les salafistes redoublent de férocité et s'emploient à remodeler la société et à la soumettre à un nouvel ordre autoritaire. Ce courant rétrograde devient l'allié objectif d'un pouvoir à bout de souffle et à court d'idées.