Le programme de désarmement, démobilisation et réinsertion des combattants prévu par l'Accord d'Alger aurait dû commencer mercredi. A la place, les mouvements armés ont rassemblé leurs troupes et rappelé leurs soldats vers Touzek, Anefis et In Khalil, dans l'extrême Nord. Si ce n'est la guerre, ce sera «un affrontement», affirme un membre d'un mouvement. Un convoi de soixante voitures de l'armée malienne a été aperçu hier en route vers Anafif. Une réunion a eu lieu entre les mouvements de la Plateforme, qui ont déclenché les derniers affrontements, et la Mission de l'ONU au Mali (Minusma). Les autorités maliennes de Bamako se veulent rassurantes. «Aucune des parties n'a prononcé son retrait des processus de mise en œuvre des accords», a déclaré, mercredi, aux médias le ministre malien de la Reconstruction du Nord, Hamidou Konaté. Mais rien ne semble pouvoir empêcher les hommes de Kidal, dont la majorité sont proches de la CMA, d'affronter les hommes de Gao, plus proches de la Plateforme. Si tous sont Touareg, une fracture ethnique semble se profiler. «L'enjeu c'est d'être proche de Koulouba (le palais présidentiel malien). Le problème Imghad versus Ifoghas alimente toute cette tragédie humaine. Des mésententes autour du partage des dividendes du trafic de drogue dessinent également de nouvelles alliances qui poussent à de nouvelles confrontations», résume un participant aux négociations d'Alger. Dans un communiqué, la médiation internationale, membre du comité de suivi et garante de la mise en oeuvre de l'Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, «a fortement condamné» les violences, appelant les deux parties à «l'arrêt immédiat et sans condition des affrontements, ainsi que le rétablissement, sur le terrain, de la situation prévalant au moment de la signature de l'Accord». La Médiation, présidée par l'Algérie, a également exprimé «sa vive préoccupation» quant au fait que ces affrontements armés soient le fait de parties signataires de l'Accord signé le 15 mai et 20 juin 2015, et «constituent donc une violation flagrante de ce même Accord». La médiation a appelé les Nations unies et l'Union africaine à «contribuer, dans les meilleurs délais, à la clarification des responsabilités, y compris en diligentant une enquête, et à prendre, le cas échéant, des mesures contre tous ceux qui entravent la mise en œuvre des engagements contenus dans l'Accord». Alger s'est félicité des mesures prises par la Minusma, qui a mis en place, mardi, une «zone de sécurité» de 20 km autour de Kidal. Visée Cependant, la Minusma est aujourd'hui violemment critiquée par toutes les parties. Bamako avoue à demi-mot être insatisfait de la gestion du dossier du Nord par la mission des Nations unies et regrette de ne pas avoir été informé de la mise en place de cette zone de sécurité. Un diplomate lance pourtant : «Les responsables maliens sont odieux avec la Minusma, depuis le début !» Les mouvements aussi s'en prennent aux hommes de l'ONU. Dans un communiqué, le mouvement Ganda Izo, dont certains membres faisaient partie des négociateurs d'Alger, du côté de la Plateforme, déclare : «La Minusma dans sa mission de protéger les populations maliennes ne doit, sous aucun prétexte, interdire une partie du territoire malien aux Maliens. Cette déclaration unilatérale de la Minusma de créer une zone tampon autour de Kidal est une violation de la souveraineté de notre pays.» Quelques heures plus tôt, la Coordination des mouvements de l'Azawad publiait un communiqué lui aussi virulent : «La Coordination des mouvements de l'Azawad demande à la Minusma de lever expressément et dans les meilleurs délais toutes les zones de sécurité établies sur le territoire de l'Azawad à Tabankort, Anafif, Menaka, Goundam, Ber, Tombouctou, Gao, Kidal et ailleurs et de laisser le soin à toutes les parties de régler leurs différends. La Coordination des mouvements de l'Azawad, qui condamne la formation, l'armement et l'utilisation des milices, est déterminée à prendre ses responsabilités face à l'histoire, en protégeant les populations de l'Azawad et en créant des conditions de vie meilleures et un espace d'épanouissement socioéconomique préservant l'identité et la culture du peuple de l'Azawad.» Acculée, l'agence de l'Onu travaille sa communication. Sur les réseaux sociaux, elle a tenté d'expliquer sa décision et la forme que prendrait la zone de sécurité. Mais rien n'y fait. «On en a ras-le-bol de l'hypocrisie», s'emporte un militaire de Kidal. Les habitants du Nord eux s'impatientent. A la signature de l'accord de paix, au début de l'été, un notable de Tombouctou prévenait : «Il faudra que l'accord de paix apporte des changements immédiats sur le terrain. Les gens sont très impatients.» Aujourd'hui, aucun hôpital n'est fonctionnel dans ces régions, alors que les affrontements entre groupes armés ou des attaques terroristes font régulièrement des blessés. Preuve du malaise, depuis quelques jours, des rumeurs circulent sur l'état de santé du leader du groupe de musique Tinariwen, dont les chansons racontent les difficultés des habitants du nord du Mali. Un observateur s'emporte : «Cette guerre empêche toujours les blessés et les malades de se déplacer.»