Chaque jour qui passe apporte son lot d'incompréhensions sur l'usage par l'Etat du droit de préemption. Décidément, l'exercice de ce droit se fait à la tête du client et s'apparente, dans certains cas, à un fait du prince. Le cas de l'entreprise Alver d'Oran, qui vient d'être cédée par Saint-Gobain à des fonds gérés par des filiales de l'américain Apollo Global Management, s'inscrit, pour le moins, dans une curieuse variation des interprétations juridiques du droit dit de préemption. Devant cette nouvelle cacophonie de l'Exécutif en matière d'exercice du droit de préemption, il apparaît clairement que tout le monde n'est pas traité, tout compte fait, avec les mêmes égards. Dans le cas de la transaction Cevital-Michelin, faut-il le rappeler, le gouvernement a usé de tous les subterfuges possibles et imaginables afin d'empêcher le groupe d'Issad Rebrab de récupérer les actifs de Michelin en Algérie. L'ex-ministre de l'Industrie et de la Promotion de l'investissement, Amara Benyounès, s'était bien acquitté de cette mission. Le bouclier juridique du gouvernement, institué par la loi de finances complémentaire 2009 pour permettre à l'Etat de récupérer les actifs mis en vente par les entreprises étrangères implantées en Algérie, a coûté bien cher lorsqu'il était question de l'opposer à la transaction Orascom Telecom Holding-VimpelCom. Cela étant, le gouvernement qui s'illustrait dans ce métier était parfaitement absent à la manœuvre lorsque l'autre opérateur de téléphonie mobile, Nedjma, est passé sous l'autorité du qatari Ooredoo. Bref, ces exemples montrent que le droit de préemption a été finalement institué par un semblant de loi de circonstance dédiée, en premier lieu, à contrôler le mouvement de dividendes, mais exercée, ensuite, au gré de la fantaisie qui s'érige désormais en mode de gestion. Faut-il signaler au passage ce patchwork législatif qui amende une ordonnance par une loi de finances. Le droit de préemption tire sa source de l'ordonnance 01-03 relative aux investissements, laquelle a été amendée en 2009 par la loi de finances complémentaire de la même année. Encore une modification toute récente ; la loi de finances complémentaire 2015 a étendu l'application des droits de préemption pour la minoration de valeur pour inclure les «cessions d'actions et de parts sociales». Un cas de figure qui n'était pas prévu jusque-là, ce qui a permis à Cevital de faire valoir son droit après l'opposition du gouvernement, suite à l'accord conclu avec le fabricant de pneumatiques français Michelin.