Les images de cadavres d'enfants flottant sur la mer, de corps de réfugiés accroupis dans un camion, des Syriens pour la plupart, les uns morts noyés, les autres étouffés, ont ému l'opinion publique italienne. Le gouvernement, outre les discours de circonstance, ne sait plus où donner de la tête, pris entre son devoir d'aide humanitaire dicté par les conventions internationales et les attaques qui lui viennent de l'opposition qui l'accuse d'avoir transformé l'Italie en «passoire». Certains responsables régionaux, comme Gianluca Bonanno, maire de Borgosesia (commune du Piémont), du parti xénophobe de la Ligue du Nord, vont loin dans ces campagnes de propagande racistes. Bonanno a affirmé que si on lui envoyait des demandeurs d'asile, il installerait «une barrière de fils barbelés électrifiée, comme pour les cochons»... Ces déclarations en ont indigné plus d'un, en Italie et ailleurs, et des voix se sont élevées pour demander qu'il soit exclu du Parlement européen, dont il est membre. Il faut dire que les débarquements sur les côtes italiennes, siciliennes surtout, sont quotidiens. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), 293 035 réfugiés (chiffre arrêté le 24 août) ont débarqué en Europe, dont la moitié sur les îles grecques, entre le 1er janvier et le 31 juillet 2015. Les flux dirigés vers la Grèce ont connu une augmentation de 750% par rapport à l'année passée. Ce nouveau couloir, emprunté surtout par les Syriens via la Turquie, n'a pas fait tarir les vagues de candidats à l'asile politique parvenus en Italie, puisque plus de 110 000 réfugiés ont débarqué sur les côtes méridionales de l'Italie depuis le début de l'année en cours, dont 20 000 durant le seul mois de juillet. Ces damnés de la terre proviennent, pour 9 sur 10 d'entre eux, de Libye d'Erythrée, du Nigeria… Au niveau européen, les réfugiés arrivés sur le vieux continent sont composés de 43% de Syriens, 12% d'Afghans, 10% d'Erythréens, 5% de Nigérians, 3% de Somaliens et 27% provenant d'autres pays (Libye, Maroc, Tchad…). Les autorités italiennes, en haussant le ton avec les dirigeants de l'UE, ont réussi à obtenir un fonds de 500 millions d'euros qu'ils pourront dépenser les cinq prochaines années pour gérer cette urgence. Mais l'Italie voudrait faire de l'asile politique une «affaire européenne» et demande que le Règlement de Dublin soit modifié afin que n'incombe pas au premier pays rejoint par le réfugié le devoir de recevoir sa demande d'asile. L'Allemagne, elle, a décidé unilatéralement de geler ce traité et de ne pas l'appliquer aux réfugiés syriens, acceptant d'examiner leur demande même s'ils sont entrés sur son territoire par d'autres frontières. Quant à la Hongrie, elle a annoncé ne plus vouloir respecter ce traité, en refusant de réadmettre sur son sol des réfugiés refoulés par d'autres Etats, se disant «saturée». Ce qui montre l'absence d'une politique européenne commune en matière d'asile et de respect des droits des réfugiés fuyant des zones de conflits armés. Le pape François, qui s'adressera à l'Assemblée générale de l'ONU qui tiendra sa session plénière annuelle, le 25 septembre, compte «tirer les oreilles» à tout le monde, y compris aux Américains. Le chef de l'Eglise catholique est très sensible à cette tragédie contemporaine et a déjà eu des propos très durs à ce sujet : «Demandons le pardon pour toutes les personnes et les institutions qui ferment les portes à ces personnes qui cherchent la vie loin de leur terre…» Pour les autres, qui ne sont pas arrivées vivantes en Europe — 2440 personnes ont péri en Méditerranée en 2015 (3500 en 2014) — le pape a toujours eu une prière lors de ses messes publiques. «Ce sont des hommes et des femmes comme nous. Nos frères qui cherchent une vie meilleure.»